By Ohne Titel, l’art à la portée de tous

 

 

Par Takeko FUJISAWA

 

Voici une artiste qui s’appelle By Ohne Titel, “Sans titre” en Allemand. C’est une femme issue d’une double culture franco-argentine, ouverte au monde, qui a choisi de se sentir à l’aise partout. On la croise dans toutes les grandes foires internationales d’art et elle participe aux dîners de galeristes et de collectionneurs. Au premier abord, elle a l’air d’être une femme mondaine, mais en fait, elle observe et analyse calmement ce monde de l’art auquel elle appartient, malgré ou grâce à lui. Elle décide de s’investir totalement dans ses créations à l’âge de 26 ans, après avoir eu des expériences professionnelles dans la publicité, les effets spéciaux et la 3D. Elle expérimente différents types de médiums et matériaux tels que l’acrylique, l’huile, l’argile, la résine, les markers, les crayons mais aussi la photographie. Le début de sa carrière est marqué par le graphisme alors qu’aujourd’hui elle tend plus vers l’abstrait inspiré de la figuration narrative.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=36oT25jCbqE

 

À travers ses œuvres, elle raconte et partage sa propre histoire et ses souvenirs, qui sont au final une histoire universelle et singulière. Sa série « Recyclean » utilise les anciennes photos personnelles et/ou les cartons d’invitations pour les vernissages des galeries. L’idée est d’embellir ces images afin que « l’affection personnelle qui se trouve dans chacune des images devienne intrigante, universelle et valorisée. »

 

 

 

Dans ses œuvres « Old photographs collage », By Ohne Titel découpe et recompose plusieurs photos personnelles afin de recréer un souvenir et une narration. Son obsession de souvenirs et de traces se poursuit avec sa série d’installations vidéo « A possible Tale ». Elle a choisi pour cela différentes villes du monde qu’elle connaît bien, telles que Paris, Londres, Mexico, Oaxaca et Punta del Este. Elle a interviewé plusieurs habitants et visiteurs pour leur demander de présenter des caractéristiques de leur ville. Les images vidéo ont été montées de telle façon qu’elles traduisent la propre perception que By Ohne Titel possède de chacune de ces villes. Chaque vidéo est installée dans une cabine téléphonique individuelle spécifiquement créée pour ce projet. Entrer dans une cabine « provoque une intimité et permet de mieux se connecter » avec les images. L’artiste nous démontre ici que « parce que l’histoire d’une ville et ses habitants est liée », elle fusionne l’histoire collective avec sa propre histoire où la participation d’une tierce personne a été essentielle. Cette vidéo permet au spectateur non seulement de se reconnaître dans un lieu, mais aussi « de se reconnaître personnellement à travers l’Art, au sein de cette immense « réalité » qu’internet, la publicité et les médias nous diffusent », dit-elle.

 

 

Naturellement, By Ohne Titel aime se questionner sur l’identité et les transformations. Très souvent, on ne regarde les œuvres qu’à travers les noms d’artistes, fréquemment devenus des marques, et nous ne regardons pas les œuvres en elles-mêmes. C’est pour cela qu’elle a choisi ce pseudonyme Ohne Titel, afin que les spectateurs se focalisent sur les œuvres et non sur son nom/sa « marque ». Elle utilise ce pseudonyme depuis 2009, suite à une visite d’exposition avec ses amis à Berlin. Un de ses amis lui dit alors qu’il a aimé le travail réalisé par Ohne Titel, alors que le nom de l’artiste était Cy Twombly, dont toutes les œuvres s’appelaient « sans titre », donc « Ohne Titel » en Allemand. Face à la réaction de son ami, elle a trouvé astucieux de « mettre les œuvres au premier plan et le nom de l’artiste au deuxième plan. Ca va dans le sens contraire des tendances contemporaines mais j’ai toujours pensé que l’œuvre primait sur le nom de l’artiste.»

 

En parlant du marché de l’art, By Ohne Titel exprime que « les foires d’art qui avaient pour but de regrouper les collectionneurs et les experts dans seulement quelques lieux spécifiques, se développent de plus en plus et deviennent des lieux de regroupement des « fashonistas » et de nouveaux élites ». Sa série « Travel Maps art fairs » illustre bien la machinerie commerciale du milieu de l’art contemporain dans le monde. La série « Museums » explore en profondeur la relation qui existe entre le marché de l’art et les institutions culturelles. L’artiste a dessiné l’architecture du musée qu’elle a totalement effacée pour redessiner par-dessus le logo du musée. Elle exprime ainsi l’idée du message par-dessus le contenu. « Aujourd’hui, Il existe clairement une importance du rôle de l’argent dans le monde de l’art et cela se traduit par la manière dont les musées organisent les événements afin de tirer profit des activités commerciales ou afin d’éviter d’aller à l’encontre du business. Les frontières qui existent entre la culture et le commerce ont largement disparu aux yeux du public. Les rétrospectives des artistes vivants sont sponsorisées par les galeries ainsi que les maisons de ventes aux enchères qui commercialisent leurs œuvres. De la même manière, malheureusement, le nom et la signature de l’artiste surpassent leur œuvre. Justement, la série « TitleS », dont le concept est d’attribuer un titre aux œuvres « sans titre » d’artistes reconnus, a pour but de « démythifier » l’artiste, devenu une marque, et donc son œuvre, qui elle, continuera à exister, sera canonisée malgré le créateur. « Quelque part, c’est comme si l’œuvre avait  été remplacée par le créateur. Je pense qu’une œuvre a tendance à survivre au-dessus de la personne qui l’a créée et donc dispose d’une existence indépendante en tant qu’objet. »

 

 

By Ohne Titel pense que « l’art ne devrait pas être exclusif et je pense que toutes les raisons sont bonnes pour s’en approcher. »  C’est pour cela qu’elle a eu l’idée, durant la Biennale de Buenos Aires appelée BienalSur, pour laquelle elle a été sélectionnée, de monter un projet d’échange participatif qu’elle nomme « Zeitgeist ». Cette biennale organisée pour la première fois par l’Universidad Nacional de Tres de Febrero (UNTREF), dont Aníbal Jozami est le directeur Général et Diana Wechsler la directrice artistique et académique, rassemble 300 artistes du monde entier, exposés dans différents sites de la ville. Durant toute la durée de l’événement (qui se termine en décembre), By Ohne Titel choisit de donner une œuvre par jour, soigneusement sélectionnée depuis le début de ses créations, de 1999 jusqu’en 2017, en échange d’une réponse à une question qu’elle pose à travers Instagram. Son concept est de rendre l’art accessible à tous. Comme elle le dit, « la nouvelle génération pense que la musique devrait être gratuite. Beaucoup de nouveaux groupes mettent leurs albums sur internet gratuitement. Même chose avec les livres. Donc pourquoi pas faire ça avec l’art ? ». By Ohne Titel propose de voir l’art autrement. Pour participer à son projet et avoir la chance de gagner une de ses œuvres, il faut suivre son compte Instagram @byohnetitel et répondre au challenge soumis. La personne qui aura la meilleure réponse remportera son œuvre. Alors, allez-y, c’est gratuit, participez à ce challenge autant que vous voulez et n’hésitez pas à faire circuler cette info croustillante !

 

Rédactrice Takeko FUJISAWA

Secrétaire de rédaction Colette FOURNIER

Pluton-Magazine/2017

 

Site internet :

https://www.instagram.com/byohnetitel/

www.byohnetitel.com

http://bienalsur.org/en

 

 

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