Une véritable bombe atomique
Cet événement a suscité l’émoi en Amérique latine. La légèreté avec laquelle la destitution de la présidente de la République – une véritable bombe atomique dans un régime présidentiel – a été minimisée par certains ne manque pas d’étonner. Car si tous les dirigeants impopulaires ou jugés incompétents dans les démocraties modernes étaient destitués, peu finiraient le mandat qui leur a été attribué par le suffrage universel.
C’est du lavage express ou une façon d’éviter de laver le linge sale en famille. Les Brésiliens vont dès à présent mesurer chaque jour que l’éjaculation parolière de rue est insuffisante : Ici, destituer n’est pas qu’un mot.
Et quel terme employer pour parler de ces usurpateurs et des putschistes, qui vont imposer un programme politique, économique et social que le peuple n’a pas choisi, sans légitimité aucune ? Le ministre de la justice de Moraes considère les manifestants opposants comme des cellules « guerrilleras ». On peut deviner quelle répression va s’abattre sur le Brésil. Évidemment, les medias locaux n’en disent rien. Reste la presse étrangère pour avoir quelques nouvelles, comme au bon vieux temps de la dictature.
Les arguments en faveur de la destitution de la présidente sont affligeants pour le personnel politique brésilien et expriment le degré zéro de l’intelligence politique et de l’engagement démocratique. Dans un grand élan de selfie collectif, plus des deux tiers des députés ont profité de leur trois minutes de notoriété pour souhaiter en direct l’anniversaire du petit dernier ou de leur vieille maman, invoquer leur Église évangélique, Dieu et leur famille, pour évoquer sans rire leur lutte contre la corruption.
Corruption à tous les étages
Une partie des couches supérieures de la population est convaincue de longue date que la démocratie n’est pas adaptée à la plèbe brésilienne, en majorité pauvre et noire. Les élections de Lula en 2001 et 2005 et surtout celles de Dilma Rousseff, en 2010 et 2014, ont donné lieu à des propos racistes à l’encontre des États déshérités du Nordeste, bastions électoraux du Parti des Travailleurs.
Après la victoire serrée de Dilma Rousseff en octobre 2014, les vaincus des urnes ont fini par se convaincre qu’il fallait user d’autres moyens pour évincer des commandes le Parti des Travailleurs. Le hold-up en col blanc auquel on est en train d’assister en est l’expression.
C’est le retour d’une droite néolibérale, revancharde et répressive qui a de bien sombres desseins marqués par une volonté de retour à un ordre oligarchique. L’ombre de la dictature.
Jean-Jacques Seymour
Jean-Jacques SEYMOUR est journaliste , écrivain animateur radios et télévisions. Il vient de publier Haiti: La diplomatie des fondateurs. Retrouvez Jean-Jacques Seymour du lundi au vendredi de 12H à 12H 30 sur 92.6et le soir de 21 à 22H dans Laisse Parler les Gens.
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