Ad Verbatim (2): « Nunc est bibendum, nunc pede libero pulsanda tellus »

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Par Suzanne Dracius

« Nunc est bibendum » signifie « C’est maintenant qu’il faut boire. » Elle est tirée d’un vers d’Horace (Odes, I, 37, 1), qui lui-même était la traduction d’un vers d’Alcée de Mytilène (fr. 332 V.), « Nyn chrê methysthēn » (« Νῦν χρῆ μεθύσθην », « C’est maintenant qu’il faut s’enivrer »).

 

Deux latino-anglicismes : i.e. et e.g.

 

On rencontre de plus en plus souvent dans des textes français les mystérieuses abréviations i.e. et e.g., utilisées respectivement au sens de « c’est-à-dire » et de « par exemple ».

Cette pratique, récente en français, trahit l’influence de l’anglais, langue qui emploie couramment et depuis longtemps ces latinismes. En effet, ce sont deux locutions latines qui se cachent derrière ces lettres : i.e. est l’abréviation de id est (« c’est-à-dire »), tandis que e.g. abrège exempli gratia (« par exemple »).

En anglais, ces abréviations sont devenues de véritables sigles lexicalisés. L’anglophone qui les lit ne prononce habituellement pas la forme développée (qu’il ignore souvent), mais les épelle plutôt comme des sigles : i.e. est prononcé « eye ee » et e.g. est prononcé « ee gee ».

Parfois le lecteur anglophone prononcera plutôt l’expression anglaise équivalente : i.e. sera alors prononcé « that is (to say) » et e.g. sera prononcé « for example ». Dans cette façon de faire, on pourrait dire que i.e. ete.g. jouent une fonction de symbole plutôt que de sigle ou d’abréviation.

Outre les problèmes de prononciation, ces deux expressions causent des problèmes d’écriture et de typographie en anglais. Il y a plusieurs façons concurrentes de les écrire, avec ou sans points et espace (i. e.,i.e., ie., ie), en caractères romains ou en italiques, et nos amis anglophones se disputent encore pour savoir si elles devraient être toujours suivies ou non d’une virgule dans la phrase.

Plus grave, elles causent aussi des problèmes de compréhension, et ce, chez les anglophones eux-mêmes. Ils commettent souvent l’erreur d’utiliser l’une au sens de l’autre, ce qui peut occasionner de fâcheuses équivoques.

Importer ces expressions en français, ce serait importer des problèmes similaires. Problèmes inutiles, puisque l’on dispose déjà de deux abréviations bien françaises, au sens bien transparent. Dans un texte français, il n’y a aucune raison de ne pas utiliser les expressions « c’est-à-dire » et « par exemple » ou leur abréviation respective :

– l’abréviation « c.-à-d. », qui se prononce « c’est-à-dire »

– l’abréviation « p. ex. », qui se prononce « par exemple ».

C’est le propre de toute abréviation que de se prononcer comme la forme développée. Si la forme courte se prononçait différemment, il ne s’agirait plus d’une abréviation au sens strict, mais d’un autre type de forme abrégée (troncation, sigle, acronyme, symbole).

Comme « c.-à-d. » et « p. ex. » ne sont pas des abréviations latines, elles ne se composent pas en caractères italiques mais en caractères romains (droits).

L’Office québécois de la langue française recommande d’utiliser ces abréviations françaises au lieu des anglo-latinismes i.e. et e.g. C’est aussi la position adoptée par Druide informatique et son logiciel Antidote, dont le module correcteur alerte le scripteur qui laisse échapper un i.e. ou un e.g. malencontreux, qu’il peut remplacer automatiquement par l’équivalent français.

Pour conclure, rappelons le principe général voulant qu’une abréviation ne soit utilisée que si le manque d’espace le justifie.

Alors, in fine, i.e. ou e. g. ?

Du latin exempli gratia, signifiant « par exemple » (p. ex.).

On utilise cette locution seulement pour une liste non exhaustive sans etc.

À la différence de la plupart des autres abréviations étrangères, e.g. ne prend pas l’italique.

Par contre, on emploiera i.e. pour une liste exhaustive.

 

 

Bibendum

 

« Nunc est bibendum » signifie « C’est maintenant qu’il faut boire. » Elle est tirée d’un vers d’Horace (Odes, I, 37, 1), qui lui-même était la traduction d’un vers d’Alcée de Mytilène (fr. 332 V.), « Nyn chrê methysthēn » (« Νῦν χρῆ μεθύσθην », « C’est maintenant qu’il faut s’enivrer »).

La phrase complète est « Nunc est bibendum, nunc pede libero pulsanda tellus » (« C’est maintenant qu’il faut boire et se déchaîner/danser » ; littéralement, « Maintenant il faut boire, maintenant il faut frapper la terre d’un pied léger »). Horace faisait allusion au vin qu’il fallait boire à l’occasion de la mort de Cléopâtre. Alcée de Mytilène, de son côté, faisait allusion à la mort du tyran Myrsilos.

La formule a été reprise au début du XXe siècle par Michelin pour faire la publicité de ses pneus. Sur une affiche, la mascotte de Michelin, un personnage formé par une pile de pneus, s’apprête à boire un verre rempli de tessons de verre, sous le slogan « Nunc est bibendum, le pneu Michelin boit l’obstacle ». C’est l’utilisation de ce slogan qui a donné le nom de « Bibendum » à la mascotte de Michelin, puis, par antonomase, à toute personne présentant un fort embonpoint.

 

 

RIP  

 

Certains abrègent même du latin sans le savoir, quand ils emploient, pour un défunt, le fameux RIP, acronyme du latin requiescat in pace, qui signifie « qu’il repose en paix ».

Tout le monde écrit RIP et certains ont même inventé l’improbable acronyme DCD sans se douter de tout le latin qu’il y a derrière.

« Décéder » est un euphémisme, déjà en latin, et signifie « disparaître, mourir ». Ceux qui sont partis, nos décédés, du latin decedere, « s’en aller », on peut se plaire à les imaginer devisant paisiblement aux Champs Élyséens…

 

 

Prosit

 

« Prosit », eh oui, c’est ce que disent les Allemands pour trinquer, mais c’est du latin (la 3ème personne du singulier du présent du subjonctif du verbe prodesse, « être utile »), qui signifie « que cela vous soit utile ! », « que ça vous profite bien ! », « à la vôtre ! », « à votre santé ! »

« Cinq cervoises, s’il vous plaît ! », pouvait commander un Romain en levant deux doigts en forme de V, le chiffre romain correspondant à 5.

Après la guerre des Gaules, surtout, Romains et Gallo-romains buvaient de la cervoise, invention gauloise, bière faite avec de l’orge ou d’autres céréales comme le méteil.

Le nom « cervoise » vient du latin impérial cervesia (de curmus, boisson fermentée), mot panroman d’origine celtique emprunté au gaulois curmi (cf. les langues celtiques modernes : breton koreñv, cornique korev et gallois cwrwf).

D’abord appelée « cerveise », cette boisson, abondamment consommée dans l’Antiquité et au Moyen Âge, tient son nom du gaulois qui a donné le mot latin. D’ailleurs, aujourd’hui encore, en espagnol, le mot cerveza, et en portugais celui de cerveja, désignent la bière. Elle faisait partie intégrante de l’alimentation gauloise.

Il faut rendre à César ce qui est à César…

 

 

Ad Verbatim/Dracius/2017

Rédactrice Suzanne Dracius

(Écrivaine et professeure de Lettres Classiques: français , latin , grec)

©Pluton-Magazine. 2017

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