Le temps, qu’est-il vraiment ?

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Par Georges COCKS

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Notre vie est conditionnée par un élément sur lequel nous n’avons aucune emprise : le temps.

Plusieurs expressions en découlent comme : prendre son temps, se donner du temps, le temps c’est de l’argent, il faut gérer son temps, le temps est court, gaspiller son temps

Mais cette notion du temps est-elle existante parce que la notion d’éternité nous échappe ?

Serions-nous aussi pressés si la maîtrise du temps était une chose possible ?

La fainéantise, la procrastination sont des mots auxquels le temps a donné naissance au fil du temps.

Le temps à l’usure des choses

Le temps n’use pas les choses comme on pourrait le croire de prime abord. Les choses s’usent au contact d’une autre matière dont les molécules sont tout simplement plus résistantes ou capables de les dégrader. La pluie qui tombe sur une feuille de papier est immédiatement détruite comme par du feu. En quelque temps le papier disparaît. Des semelles s’useraient quoi qu’on fasse, parce que même les éléments de la nature s’érodent et s’usent sans aucune intervention humaine. D’ailleurs, certains éléments sont faits pour s’user, pour se dissoudre, pour maintenir et garantir le cycle de la vie, comme les minéraux contenus dans le sol et la pierre qui apporte à l’eau les oligo-éléments. Le tronc d’arbre attaqué par des termites, colonisé par des fourmis, des vers, des champignons… est une définition propre du « cradle to cradle ».

Notre société économique basée sur une croissance infinie nous enseigne l’usure par le temps, car tout est fait pour produire de la médiocrité et il nous semble normal et justifiable d’exploiter des ressources finies pour une consommation à l’infini. C’est une aberration fondamentale.

Le temps en boîte

Essayer de donner une définition du temps est un dépassement pour les infimes éléments que nous sommes. Nous n’avons pas créé ce que nous appelons temps et nous voulons le dompter comme un cheval de rodéo. À l’ère numérique, nous avons tous pratiquement le même temps, la même heure dès que nous nous connectons à la grande Toile. Nous ne choisissons plus. Nous avons auto-intégré les fuseaux horaires à notre insu. Le génie du temps en boîte, c’est-à-dire l’heure que nous balançons au poignet, répond purement à des visées économiques. S’il n’y a qu’une lune et un soleil, pourquoi plusieurs heures existeraient-elles ? L’heure universelle pourrait se différencier par le jour ou la nuit et la localisation. Il pourrait en être ainsi : minuit-nuit en France et minuit-jour à Tokyo. Le fait que nous ne pouvons pas nous déplacer instantanément crée la nuance de retard et d’avance. Serait-on décalés si nous pouvions passer d’un pays à l’autre instantanément ? On trouverait les endroits fermés ou ouverts et comme les animaux, nous aurions la capacité à nous adapter, à dormir ou à être éveillés comme ces oiseaux qui vont se coucher lors d’une éclipse de soleil ; notre horloge interne serait réglée sur l’influence de la lumière et notre organisme s’adapterait au repos mérité quand nous aurions épuisé nos forces. Autour de cette notion de temps gravitent des activités de loisir à des fins économiques et même les activités vitales comme manger et boire en sont impactées. Y a-t-il une heure pour manger ? On mange quand on a faim. C’est un besoin physiologique que gère l’organisme. Mais avec la notion du travail vue par l’homme et sa rentabilité liée à la production, il ne faut pas défaillir, ou ralentir la cadence de production, l’heure de la pause est décidée, celle du repas aussi est régentée.

Le temps passé

Le temps consommé serait perdu. On ne peut revenir en arrière. Une fois que le tronc a été sculpté en statuette, on ne peut pas refaire le tronc, si on voulait finalement faire un bateau. Mais n’est-ce pas une bonne chose que de ne pas pouvoir faire cela ? Sans quoi il n’y aurait que des constructions éphémères, pas de repères, on ne pourrait pas reconnaître des endroits où nous sommes déjà passés, rien n’aurait de sens, on aurait du mal à retrouver notre route et nos lieux de vacances. Que seraient nos souvenirs, tout aussi brefs et éphémères ?

Mais, diriez-vous, ce serait bien pour réparer nos erreurs !

Il n’y aurait pas eu d’erreurs à proprement dit. À quel moment constatons-nous que nous avons fait erreur ? N’est-ce pas dans la continuité de notre action et ses conséquences présentes ou futures que nous le constatons ? Comment aurions-nous pu nous améliorer si nous ne savions pas que nous nous sommes trompés ? Laisse faire le temps, on verra. Cette expression résume bien tout cela.

Cependant certaines choses, qu’on le veuille ou non, doivent prendre un certain temps pour être faites ou exister, La construction, la procréation… on ne peut accélérer certains processus parce qu’ils ont été conçus pour maintenir un équilibre. C’est en brisant cet équilibre que nous avons créé des désastres voire des extinctions d’espèces, ou la création d’espèces invasives. La régulation étant perdue, le contrôle l’est aussi. L’apprentissage de l’art de conjuguer le temps laisse une impression de pouvoir et de domination du temps.

Le temps comme valeur

Merci M. le Temps pour ce bon vin ! Finalement, quand cela nous arrange, on est pour le temps et quand cela nous fait défaut, on prend à partie le temps. Le temps qui passe ne bonifie pas une voiture de collection. C’est la rareté et l’entretien, voilà le facteur clé, ajouté à cela le nombre de modèles différents ayant déjà vu le jour, et on accuse le temps. Si on produisait encore les mêmes modèles de voitures, celui qui aurait la sienne en bon état comme un sous neuf depuis 50 ans serait-il avantagé comparé à celui qui détient une voiture qui sort d’usine brillante de vernis ?

Le temps rend plus sage. Des idées reçues et véhiculées parce que peut-être fut-il un temps ou les communautés, les villages étaient soumis à la direction des anciens dans certaines civilisations – le sage, par qui tout passait, un modèle patriarcal vieux comme le monde. Mais l’évolution de la société actuelle a rendu obsolète cette tradition culturelle pleine de bon sens et le déclin des valeurs est bien confirmé par le temps.

Il est tout à fait normal que tout ce qui n’est pas issu de la nature se déprécie. Routes pavées de Rome, pyramides d’Égypte, stèles incas, cathédrales, châteaux,… tous ces édifices sont encore là, et beaucoup de bâtiments conçus après ont déjà été démolis et reconstruits. Nous ne sommes pas dans la recherche de l’excellence et de la durabilité. Nous sommes tout simplement contre nature pour tirer le plus de profit possible au détriment de la nature.

La vie et la mort

Une autre question de temps qui règle tout au final. Là encore, l’exploitation de la courte durée de vie lance les humains dans une course effrénée à la consommation et au crédit à outrance souvent à vie, avec des contrats d’assurance et de garantie particulièrement complexes. Il faut tout faire vite avant de mourir. Il faut vite construire une maison, il faut vite faire des enfants, tout faire vite avant qu’il ne soit trop tard. Cette course induit aussi ses maladies, car l’homme n’a pas été créé pour vivre avec un tel degré de stress permanent. La notion d’éternité ouvrirait droit à des perspectives inimaginables. Paresser serait inexistant, rien ne presse, les relations sociales et les inégalités disparaîtraient sans doute, car la mesure de la richesse n’aurait pas de sens.

Donnez-vous du bon temps, c’est un slogan dans lequel chacun doit voir ce qui se trame vraiment pendant son temps et à qui son temps profite réellement. Vivre avec son temps, une autre énigme qu’il faut tout aussi décoder. Une autre chose est de vivre en étant le plus proche de la nature. Le gain financier relationnel et social ne s’use pas avec le temps, au contraire, il se renforce et crée des liens durables.

Le temps, c’est profiter de la vie avec les autres sans chercher à profiter d’eux, mais profiter de leur compagnie dans le partage, l’humanité et l’amour de l’autre. Malgré tout, ce temps reste précieux, ne le gaspillez pas, ne courez pas après lui, il vit et se nourrit au gré de notre existence. À quand le voyage dans le temps ?

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Cocks Georges ( Rédacteur et correspondant permanent Guadeloupe)

Secrétariat rédaction Colette Fournier (Lyon)

©Tribune/Pluton-Magazine/2018/Paris 16eme

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