Pour ceux qui ne connaissent pas encore cet endroit à mi-chemin entre la galerie d’art et le concept-store, situé au 38 de la très pointue rue Quincampoix dans le giron de Beaubourg (Paris 4ème) nous nous devons de faire les présentations.
Rencontre avec Cyrielle Berçu, associée de la galerie/concept store Sergeant Paper.
Pluton Magazine : Comment est né ce lieu atypique?
Cyrielle Berçu : A l’origine, la galerie s’appelait Galerie Issue. Créée en 2007 par Pierre-Yves Perez, très vite rejoint par Vincent Bouchenez, elle était spécialisée dans les arts graphiques et le street art.
Leur souhait était de sortir du concept des galeries d’art traditionnelles qui proposent des œuvres de manière élitiste à des prix très souvent inabordables pour le grand public. Il y avait aussi un ras-le-bol de ce cénacle parfois pédant constitué par certains professionnels et acheteurs dans les foires et autres grands marchés d’art. L’idée était changer le rapport à l’achat d’art, d’y mettre un grand coup de fraîcheur en offrant quelque chose de totalement nouveau en France. En effet, on ne proposerait plus d’œuvre originale mais de l’édition limitée (Cela se faisait déjà à New-York et à Londres mais la pratique était rarissime ici). Notre volonté était que chacun puisse s’acheter des pièces d’artistes reconnus ou en devenir à des prix accessibles. Et c’est donc à ce moment charnière que j’ai rejoint le drôle de duo.
Nous avons alors imaginé un concept-store à la frontière de la galerie d’art et du shop, où l’on peut s’acheter sur un coup de cœur les œuvres (…) de nos fameux illustrateurs tels que Jean Jullien, Thomas Danthony, Crushiform, Corbineau. Et tout ça dans une fourchette de prix réellement démocratique (Entre 25 et 400€).
PM : Ton parcours professionnel s’accorde donc avec l’émergence de la galerie ?
CB : L’émergence…? Il faut savoir que « Issue » avait déjà sa petite renommée et un public fidèle.
Je venais de finir mes études qui portait sur l’expertise des marchés de l’art. Je n’avais aucune envie de travailler dans une galerie « tradi « . J’avais appris beaucoup de choses qui, certes constitue une base de savoir solide, mais dont je n’avais qu’une seule envie: me débarrasser ! Pas parce que c’était inintéressant, au contraire, mais seulement pour approcher un domaine plus novateur. J’ai donc fait mon stage de fin d’étude à la galerie. Pierre-Yves, Vincent et moi, nous nous sommes accordés tout de suite, avions les mêmes envies, la même approche de l’art. A la fin de mon stage, ils m’ont proposé de devenir associée. J’ai répondu « Jamais de la vie» et j’ai claqué la porte ! (Rires) Non, évidemment, j’ai accepté sans hésiter de me jeter dans cette aventure de dingue.
La majorité ont un « Behance » et postent dessus. Fouiller là-dedans équivaut à entrer dans le terrier du lapin blanc et t’emmène dans un vortex où l’on peut facilement avoir accès aux artistes encore inconnus et aux nouvelles pièces des talents partout dans le monde.
PM : Mais alors quand et comment Sergeant Paper a-t-il vu le jour ?
CB : Sergeant Paper est né en 2011 par un désir commun. Et parce qu’il est vital pour nous de suivre nos envies et d’avancer avec elles… Nous voulions faire évoluer la Galerie Issue. Nous avons alors imaginé un concept-store à la frontière de la galerie d’art et du shop, où l’on peut s’acheter sur un coup de cœur les œuvres de nos street artistes renommés tels que : Miss Van, Shepard Fairey, de nos fameux illustrateurs tels que Jean Jullien, Thomas Danthony, Crushiform, Corbineau ou encore ceux en devenir, comme Théo Jan et ses « Carcasse ». Et tout ça dans une fourchette de prix réellement démocratique (Entre 25 et 400€) Par exemple, pour une édition numérotée à 30 exemplaires fournie avec certificat, 70 € l’œuvre d’un artiste que l’on s’arrache à 3000 ou 4000 € en édition originale, avoue que c’est hyper tentant non ?
PM : Ah oui… N’importe qui pourrait craquer, je te l’accorde.
CB : C’est justement cette démarche qui nous emballe ! Dans une galerie traditionnelle, on repart plus souvent avec le flyer de l’artiste qu’avec une œuvre… Chez nous, c’est l’inverse. Les pièces s’épuisent plus vite que les prospectus qui les présentent!
Et puis on peut aussi chiner de l’artwork pour redécorer son intérieur, trouver des livres d’art graphique rares, participer à nos événements- environ 10 par an- (Encore merci et pardon à nos sympathiques voisins car la foule bloque souvent la rue Quincampoix) comme lors du vernissage de la marque « Le Chocolat des français », dessinée par de grands illustrateurs pour le week-end de Pâques. On peut aussi boire un café en devisant sur la vie avec la faune d’artistes qui squattent à la galerie comme à la maison ou acheter à travers la marque Sergeant Coton des vêtements en coton bio sur lesquels on retrouve des œuvres des talents de notre cru.
PM :Comment ceux que tu exposes sont-ils choisis?
CB : Par coup de cœur essentiellement. Nous avons partagé le travail en trois. Pierre-Yves Perez et Vincent Bouchenez s’occupent plutôt des relations publiques. Ils se consacrent aussi à développer d’autres activités. Moi je m’occupe plus de la D.A. (N.D.R.L. Direction Artistique). Mais nous nous consultons le plus souvent possible.
PM: Justement, comment déniches-tu tes trésors?
CB : D’une manière assez simple en réalité. Je m’intéresse de très près à l’actu des artistes, ce qu’ils font, avec qui ils collaborent… J’épluche aussi en profondeur toute la presse spécialisée. mais je travaille surtout sur les réseaux sociaux dont principalement sur « Behance ». (N.D.R.L : plate-forme de présentation et de découverte de travaux créatifs)
La majorité ont un « Behance » et postent dessus. Fouiller là-dedans équivaut à entrer dans le terrier du lapin blanc et t’emmène dans un vortex où l’on peut facilement avoir accès aux artistes encore inconnus et aux nouvelles pièces des talents partout dans le monde. Quand j’aime vraiment quelque chose, j’entre en contact avec eux -les réseaux sociaux sont magiques pour ça- et je leur propose d’exposer chez nous.
PM : Vous êtes donc également éditeurs?
Mais du coup, on est aussi éditeurs d’art et parfois même agent comme dans le cas de Zoran Lucic, un artiste Serbe. Dans le cadre de l’Euro 2016, la maison d’édition Milan et demi nous a contacté pour faire un livre décalé sur le foot. Nous avons créé le contact entre eux. Il a alors travaillé à partir de visuels de grands joueurs de football. Nous organiserons une grande expo avec ses tableaux conjugué avec la sortie du livre et dédicace de l’artiste etc…
Sergeant Paper édite donc ses œuvres, l’expose et représente ses intérêts ici comme à l’international.
PM : Quel sont vos projets pour l’avenir proche ?
CB : Nous allons prochainement lancer une section photo car nous nous sommes rendus compte que nous sommes entourés d’artistes photographes dont on aime le travail et que l’on pourrait facilement défendre avec notre technique d’impression. Notre but n’est absolument pas de faire du « Yellow Corner » et de proposer des vues de New-York sur tous supports… Nous avons sélectionné des petites pépites de gens avec qui nous travaillons déjà.
Nous voulons aussi accentuer notre développement web et la vente sur internet. Notre chiffre d’affaire y est de l’ordre de 40% et croît jour après jour.
Quoi d’autre… ? Nous réfléchissons aussi à l’éventualité d’ouvrir un deuxième Art-Shop.
Mais ça, c’est pour un prochain chapitre…
Propos recueillis par Angelo Corda