Ce départ était planifié depuis quelques années. C’est moi qui avais pris la décision de venir avec mon compagnon de l’époque. Alors, c’est l’amour qui m’a menée en Haïti et c’est toujours l’amour qui m’y a fait rester. L’amour du pays… Natif, natal comme on dit ici !
Je suis arrivée en Haïti le 12 Janvier 2012, donc cela fait 4 ans et près de 4 mois que j’y vis ! Eh oui, je donne toujours le décompte exact quand on me pose cette question ! Allez savoir pourquoi !
Quand on pense à Haïti, on pense que c’est le soleil, le farniente, le rhum et le prestige, la mer et les cocotiers ! Pas du tout sous certains aspects ! Ici, la vie commence très tôt ! On vit avec le soleil. On sait comment débute la journée mais jamais comment elle va finir !
J’ai une vie bien remplie, je ne vois pas le temps passer et ceci me plaît ! Mon cerveau tourne à cent à l’heure ! Je suis professeur de français à l’Institut français sis en Haïti, à Port-au-Prince, depuis mon arrivée. Je donne des cours à des adultes (Haïtiens et étrangers) mais aussi à des enfants et des adolescents. Je ne suis pas plus Haïtienne que Lorraine ! Je suis moi, tout simplement ! Ce que je peux dire est que la Lorraine est ma région de naissance mais Haïti est le pays où j’ai choisi de vivre… Elle m’a donné l’opportunité de réaliser un rêve d’enfant, à savoir enseigner le français. Dans cette mesure, je me sens privilégiée. Pour moi, Haïti est le pays de tous les possibles et de tous les impossibles !
Sincèrement, je ne pense pas revenir vivre en France. Comme je l’ai dit précédemment, j’ai trouvé ma place en Haïti. Elle m’a permis de me trouver… J’ai ma vie ici et mes projets…
Lors du tremblement de terre, j’étais à Bordeaux. Je m’en souviens très bien. Je me suis réveillée et la télévision était restée allumée toute la nuit. Je suis tombée sur la matinale de Canal + qui diffusait un reportage sur Haïti. Je pensais que c’était sur la pauvreté et que l’on montrait Haïti en exemple. Quand il y a eu le retour plateau, sur l’écran géant figurait une photo du Palais National effondré, titrée en gros caractères « Tremblement de terre en Haïti »… J’en suis tombée du canapé, je pensais que c’était un cauchemar et que j’allais me réveiller. Hélas non… Une fois revenue à la réalité, tout ce que l’on souhaite est de contacter les proches que l’on sait là-bas. Ce que j’ai fait jusque tard dans la nuit. La dernière personne dont j’avais réussi à avoir des nouvelles était ma meilleure amie qui était partie vivre là-bas deux ans plus tôt.
Même si on ne vit pas ce drame en direct, l’angoisse s’installe et l’attente est terrible car on a le temps de s’imaginer tous les scénarios possibles. Les réseaux sociaux ont été d’une grande aide.
Ma vie tourne principalement en ce moment autour de mon travail, auquel je m’adonne avec passion. J’adore enseigner le français. C’est ma manière à moi d’être utile à Haïti. Je travaille du lundi au samedi dès 7 heures. Généralement, je finis vers 16 heures. Et là je rentre chez moi ou je passe dans mon restaurant ou plutôt mon spot, où je me pose seule ou avec mes amis pour refaire le monde !
Une autre chose que j’affectionne est la moto avec laquelle je me sens libre ! Et puis c’est un moyen de transport rapide même s’il est dangereux, car en Haïti il y a « anpil blokis » ! C’est l’excuse favorite de mes chers étudiants retardataires ! Comme s’il n’y avait qu’en Haïti que se produisent des embouteillages ! Pendant mon temps libre, je cours à la mer ou à la montagne ! C’est extraordinaire d’être ici et de pouvoir être en symbiose avec la terre et la mer, les deux éléments qui me sont nécessaires…
Sinon, je pars à la découverte du pays…
Et ce qui est beau est que les Haïtiens, qu’ils soient dans le pays ou résident ailleurs, portent Haïti en eux… Comme je disais à mes amis haïtiens installés à Bordeaux : « Si Haïti n’existait pas, vous l’auriez créé… »
Mesi anpil Ayiti chewi pou tout bagay…
Propos recueillis par Dominique Lancastre
CEO Pluton-Magazine.