Au demeurant, qu’on le veuille ou non, qu’on le dise ou pas, les Africains et leurs descendants, indépendamment du pays d’où ils vivent, n’ont cessé d’être victimes des conséquences de la traite et de l’esclavage dont leurs ancêtres furent les innocentes victimes, il y a 6 siècles (1440 – 1912).
Le plus grand succès des auteurs de cette entreprise de réification humaine qui réduisit en esclavage, colonisa, évangélisa des millions d’Africains, est d’avoir réussi à corrompre durablement l’imaginaire de ces hommes et femmes en leur faisant renoncer massivement, au moyen de la force et d’autres manigances hautement plus subtiles, à leur ancestralité, leur spiritualité, parfois leurs modes de vie, de pensées, au profit de ceux imposés par les esclavagistes, les colonialistes et leurs affidés.
Toute une organisation savante – avec des moyens humains, intellectuels et légaux – fut déployée pour justifier l’esclavage aux yeux de la multitude des citoyens européens humanistes qui s’offusquaient de voir des humains comme eux être victimes de l’ensauvagement de leurs semblables, au motif que ces derniers avaient une couleur de peau différente…
6 siècles plus tard, les conséquences sont encore là, vivaces, les blessures profondes, les souvenirs présents. La traite négrière aura malgré tous ces drames, fait naître de nouvelles sociétés, de nouvelles cultures, de nouveaux paradigmes et espérances et fait subir à la société humaine, telle que nous la connaissons aujourd’hui, des mutations profondes qui ont bouleversé structurellement, sociologiquement et irréversiblement tous les pans du monde d’aujourd’hui.
L’homme noir, fut-il riche ou pauvre, connaît et connaîtra encore pour quelque temps du fait de cette partie de son histoire, l’expérience du racisme, de la condescendance, des préjugés, voire du mépris de la part des autres peuples.
Cette expérience-là, est évidemment variable en fonction du statut social de l’homme noir en question. Il va sans dire que Barack Obama, président noir des Etats-Unis, ne vivra pas le même mépris que le taximan noir de Harlem, ou Michael Jackson de son vivant, ne subirait pas la même haine qu’un pauvre étudiant noir d’une université mal famée du sud des Etats-Unis. Encore que, Michael Jackson, du haut de son statut de méga star mondiale, a souffert également de nombreuses injustices notamment lors des procès iniques qui lui furent intentés et qui finalement finirent par lui infliger des blessures morales et psychologiques graves ; qui précipitèrent sa transcendance in fine.
De ce qui précède, il convient de dire avec force et conviction que les Africains d’origine et ceux de la diaspora ne pourront jamais jouir de la totale considération due à tout être humain, tant que le passé glorieux de l’Afrique avant l’esclavage, restera caché aux yeux des Africains et du reste du monde. Bien plus, tant que seules les images de misère, de souffrances, d’avilissement de l’homme africain et de déchéance de toute sorte feront la une des médias occidentaux.
Plus encore, tant que les « grands du monde » viendront dans l’indifférence générale des élites noires du continent et de sa diaspora, imposer leurs bases militaires, piller les ressources naturelles, soutenir les dictateurs et présidents à vie, fixer des prix dérisoires aux matières premières, imposer leurs produits manufacturés à des prix exorbitants, assassiner méthodiquement tous les leaders nationalistes africains, falsifier la vraie histoire de l’Afrique, écrire et en divulguer une autre, fausse et rétrograde, aux fins de perpétuer leur exploitation et leur domination, l’homme africain ou d’ascendance africaine, ne suscitera partout où il sera, que mépris et dédain de la part même de ceux- là qui profitent de sa condition.
C’est donc dire que le combat pour la renaissance de l’Afrique est un combat général qui doit engager tout homme soucieux d’une humanité meilleure, et particulièrement tout noir qu’il soit issu du continent mère, des Etats-Unis, des Caraïbes ou de tout autre partie de ce monde.
Penser que la lutte pour la réappropriation de la souveraineté des Etats en Afrique, pour la gestion endogène de leurs matières premières, pour l’annulation de tous les contrats abusifs conclus avec les multinationales, relève uniquement des ressortissants africains serait totalement fallacieux et inconséquent. Au vrai, tant que la grande maison Afrique continuera d’être violentée et de brûler, il sera presque impossible aux noirs dans le monde, indépendamment de leur statut social, de bénéficier de la considération accordée aux autres humains, sauf exception.
Aussi, d’où qu’il vienne, quel qu’il soit, il pourra enfin affirmer et vivre son humanité tel que cela devrait l’être et ne l‘est point encore…
Pour ne pas conclure, c’est l’unique condition pour que tous les noirs et descendants noirs du monde, retrouvent véritablement leur fierté disparue et entrent inexorablement dans une nouvelle ère en irriguant leurs terres de leur génie commun, non point dans un mouvement conflictuel ou oppositionnel avec d’autres peuples, mais en toute intelligence avec le « tout-monde » ; tant il est vrai que l’humanité est une et universelle, et que seules la solidarité, l’entente et la justice entre les peuples, peuvent et doivent garantir dans un monde devenu interdépendant, l’avènement d’une société humaine où règnent la paix et la sécurité pour tous.
Alain Alfred Moutapam
Poète – Ecrivain
Expert en diplomatie culturelle
ASSOCIATION TAMTAMARTS
Diplomatie culturelle
Entreprises créatives
Poésie telle que pratiquée par les Africains