Avec une capacité désormais multipliée par trois, le canal de Panama élargi, qui a été inauguré le dimanche 26 juin, devrait stimuler les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Asie. Il devrait également rafler des clients chez son principal concurrent, le canal de Suez. Le canal, vieux de 102 ans, fait déjà transiter 5 % du commerce maritime mondial, surtout entre les côtes américaines et celles de Chine, du Japon et de la Corée du Sud, et dans une moindre mesure, entre l’Amérique du Sud et l’Europe. L’Amérique latine gagnera certainement en attrait pour le commerce mondial. Le canal de Panama sera donc sans aucun doute le point de passage prédominant en Amérique latine durant le XXIe siècle Dimanche, c’est un bateau chinois, le Cosco Shipping Panama – désigné par tirage au sort -, qui a traversé en premier les 80 kilomètres de ce canal nouvelle version.
L’événement survient à point nommé pour le pays, chahuté par le scandale mondial d’évasion fiscale baptisé Panama Papers, qui a révélé début avril l’utilisation à grande échelle de sociétés offshore via le cabinet d’avocats panaméens Mossack Fonseca.
Cette ouverture très attendue devrait modifier de façon substantielle l’architecture des lignes maritimes régulières desservant le continent américain. La bataille fait rage depuis plusieurs années dans la zone Caraïbe pour créer des ports en eaux profondes capables d’assurer le transbordement des navires adaptés aux nouvelles capacités du canal de Panama.
Entre la hausse de la taille moyenne des navires et l’augmentation attendue du trafic, le gouvernement panaméen espère tripler en une décennie les revenus tirés de l’exploitation du canal, qui rapporte à ce jour un milliard de dollars par an.
Long de 80 kilomètres, le canal est en service depuis 1914 et le programme initial prévoyait l’inauguration de la voie élargie à l’occasion de son centenaire. Mais les travaux ont pris du retard, notamment en raison d’un conflit financier entre GUPC (Groupe Uni pour le canal, constitué de l’italien Salini Impregilo, du belge Jan de Nul, de l’espagnol Sacyr et du panaméen Constructora Urbana S.A.) et l’ACP (l’Autorité du Canal de Panama) et portant sur la répartition des surcoûts apparus au fil des travaux. Le chantier, estimé au départ à 5,25 milliards de dollars – mais ce budget a été dépassé – a également été bloqué par des grèves d’ouvriers réclamant des hausses de salaires.
Chine ou États-Unis?
Aujourd’hui, un enjeu planétaire se joue encore à Panama. Qui va profiter de cette capacité accrue ? Les Chinois ou les Américains ?
Les Chinois, probablement, puisqu’ils pourront faire transiter par le canal les premiers porte-conteneurs construits selon la nouvelle norme dite «post-panamax», en transportant non pas des matières premières comme du pétrole, mais des produits qui évoluent en permanence et qui présentent une valeur ajoutée toujours plus élevée. Avec ses 14000 conteneurs, le «Cosco Shipping » a été le premier navire à franchir les toutes nouvelles écluses construites spécialement pour ce type de bâtiment. La Chine se prépare par ailleurs à construire un autre canal, celui du Nicaragua, un projet historiquement soutenu par les États-Unis mais que ces derniers ont été incapables de financer. Ce qu’on peut dire, c’est que de tels travaux prennent 15 ans avec les banques occidentales, alors qu’il a suffi d’une seule année à l’Égypte pour doubler le Canal de Suez. Quant au nouveau Canal du Nicaragua, Il sera construit en moins de temps que n’a pris l’élargissement de celui de Panama. Un consortium chinois a déjà commencé officiellement à entreprendre des travaux. Indépendamment de toutes les considérations environnementales et économiques, c’est aussi pour la Chine une manière de mettre un pied sur le continent américain, qui est la chasse gardée des États-Unis.
Le navire inaugural est entré à 7h dans les écluses de Agua Clara (côté Atlantique, proche des écluses actuelles de Gatun, à Colon) et a atteint en début d’après-midi les écluses de Cocolí (côté Pacifique, non loin des écluses de Miraflores, à Panama). De grandes festivités y attendaient 70 chefs d’états ou de gouvernements de pays étrangers. L’État n’a pas lésiné, ni sur les travaux, ni sur l’inauguration. La fête a coûté 3 millions de dollars.
Jean-Jacques Seymour
Jean-Jacques SEYMOUR est journaliste , écrivain animateur radios et télévisions. Il vient de publier Haiti: La diplomatie des fondateurs. Retrouvez Jean-Jacques Seymour du lundi au vendredi de 12H à 12H 30 sur 92.6et le soir de 21 à 22H dans Laisse Parler les Gens.
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Chronique très intéressante! Merci!