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« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point », dixit Blaise Pascal. Ou encore, comme dit le bon adage, « L’amour rend aveugle. »
L’auteure de Lolo ou encore J’ai oublié d’apporter des fleurs, Alma Brami, raconte dans Qui ne dit mot consent, publié aux Editions Mercure de France, l’histoire bouleversante d’Émilie, une femme sous l’emprise d’un mari pervers narcissique.
Les premières lignes du roman en disent long et posent l’intrigue :
Sabine aurait aimé que mon mari soit qu’à elle.
C’était mal me connaître.
Une cerise sur le gâteau de temps en temps, éventuellement. Mais son gâteau, ça resterait moi.
Émilie, malgré ses réticences, a accepté de s’installer à la campagne avec son mari Bernard et ses deux enfants Laura et Paul. Bernard est en apparence un mari très attentionné. Émilie ne manque de rien. Émilie n’est pas une femme battue, mais pourtant elle souffre d’une terrible maladie. Une souffrance insupportable. Si son mari l’entoure de mots doux et réconfortants, c’est toujours pour lui imposer celles qu’il appelle toujours des vieilles amies de passage et qu’il n’hésite pas à installer dans la maison. Bernard a en effet une drôle conception du couple.
Extrait 1:
Sabine me rendait responsable . je devais sans doute aller faire les course et les laisser seuls. Oui, je sais demain c’est prévu, dis-je, là je suis fatiguée
Non non mais je peux y aller moi, faire les courses, elle s’exclama, j’adore faire les courses, j’ai juste besoin qu’on m’accompagne, c’est tout, je n’ai pas le permis!
Emilie non plus ne l’a pas.Je t’accompagne moi, avec plaisir.Emilie va rester se reposer un peu, elle supporte mal la chaleur, hein mon amour?
Devoir les laisser seuls donc. Déambuler dans les rayons, hésiter sur la marque de thon, les petits pois, tâter les fruits. Attendre ici. Quelque part dans la maison et compter. 25 minutes aller, 25 minutes retour, 5 minutes pour se garer, 20 minutes pour faire les courses…
Le roman commence avec l’arrivée de Sabine, une nouvelle amie comme Bernard aime à le dire, mais pas des moins envahissantes. Nous nous rendons vite compte que Sabine n’est qu’une parmi tant d’autres. Mais Émilie va-t-elle réussir, comme elle le dit au début du roman, à garder son gâteau ?
S’installe alors une relation triangulaire des plus étranges entre Bernard, Sabine et Émilie. Cette relation est d’autant plus étrange que les rares personnes qui visitent la maison au bout de la route du grand chêne sont au courant de ce qui s’y passe. Les enfants ont leur importance, notamment Laura. Un certain parallélisme psychologique est fait avec l’enfance d’Émilie.
Extrait 2 :
Mes parents m’avaient incluse dans leur couple. Depuis ma naissance, nous étions un trio, l’un n’allait pas sans l’autre. Ils me répondaient souvent en chœur, et s’en réjouissaient. Ils m’avaient eu tard, on a presque l’âge des grands-parents de tes amis, profite de nous, on ne sait pas combien de temps on sera près de toi.
Il y avait un couvercle au-dessous de nous, prêt à se refermer à tout instant. Ils avaient prévu leur tombe, il y avait déjà ma place dedans. Aucun sujet tabou, depuis qu’elle est petite, on la considère comme une adulte, les enfants comprennent tout.
Alma Brami mène avec brio l’intrigue dont on n’imagine pas la fin. C’est sans doute un roman de la rentrée littéraire 2017 assez étonnant, où la relation particulière de ce couple est abordée avec agilité, une écriture tonique et captivante. Alma Brami réussit de toute évidence à nous tenir en haleine jusqu’à la fin de ce roman bouleversant mais ô combien inégalable.
Qui ne dit mot consent risque sans doute de ne pas plaire aux féministes qui ne verraient là qu’une image de la soumission d’une femme face à son mari. Mais, il s’agit là de psychologie et d’amour pascalien, dans lequel, sans aucun doute, les connaisseurs trouveront écho. Bravo !
©Entre les lignes/2017
Pluton-Magazine/2017
Secrétaire de rédaction Colette FOURNIER