Femme, famille, féminitude : presque toutes les femmes ont trois vies !

Par Marie-Andrée CIPRUT

.

Société

.

Une vie de femme

.

Bien après la première « Journée des Mères » célébrée à Lyon en juin 1918, la fête des mères fut officialisée en France par un texte de loi de 1950, repris dans le Code de l’action sociale et des familles.

Ensuite, 1975 fut déclarée « Année de la Femme » par les Nations unies, qui commencèrent à observer une « Journée Internationale des Femmes » le 8 mars. Partie des luttes ouvrières du début du XXe siècle, par exemple aux États-Unis en 1909, ou en Russie en 1913 pour de meilleures conditions de travail et de droit de vote, la lutte continue.

« On ne naît pas femme, on le devient ! » disait Simone de Beauvoir. Elle signifiait par là que dès sa conception, le sexe ne suffit pas à définir un enfant et qu’il faudra prendre en compte l’éducation qu’on lui donnera, les rôles qu’on lui attribuera, ses réactions selon qu’il est garçon ou fille, valorisé ou non. La femme construit donc son identité à partir de schémas sortis des représentations sociales et politiques de ses parents, de son milieu familial et de son époque tout le long des étapes de sa vie, depuis le ventre de sa mère jusqu’à sa mort.

Dans nos sociétés sexistes occidentales, la femme est comme « condamnée à la beauté »[1]. Elle doit être « belle », soignée, faire le maximum pour paraître plus jeune. Enfermée dans ces stéréotypes, il lui faut braver le regard désapprobateur des hommes – et même des autres femmes ! –  si elle laisse simplement faire la nature en gardant ses cheveux blancs, une silhouette qui s’épaissit malgré (ou sans) les heures de gymnastique ou autres, au profit d’un marché lucratif relayé par les innombrables vendeurs de bien-être. Si non, on la qualifiera de « femme négligée ».

.

Sa première bataille sera donc de lutter contre le « sois belle et tais-toi ! »

.

Une vie de famille

.

Entre 20, 40, 50 ans et plus, une  vie de famille s’ajoute à la vie de femme :Avec la maternité, s’ajoute une double corde à l’arc féminin : le plaisir d’enfanter mais la surcharge des responsabilités. Submergée par la félicité et la peur, la jeune mère passe de l’angoisse à la béatitude devant un avenir qui ne la concerne plus uniquement. Sa vie bascule brutalement en la rendant désormais responsable d’une autre existence. Pourra-t-elle s’en sortir ? Sera-t-elle à la hauteur de tant de devoirs affectifs, éducatifs et pécuniaires, de ses désirs de protection, ses valeurs à transmettre ? Pour combien de temps ? Comment va-t-elle relever ces énormes défis alors qu’elle n’est pas toujours certaine d’être elle-même sortie de l’enfance ?. De toute façon, quoi de plus merveilleux que le rire canaille d’un enfant ?

Jusqu’ici, les femmes ont toujours un avantage, voire un pouvoir sur l’homme : celui de donner naissance aussi bien à une fille, c’est-à-dire « le même qu’elle », qu’à un garçon, c’est-à-dire « le différent d’elle », ce qui va changer leur rapport à la masculinité.

Corsetées, figées dans un rôle traditionnel à la fois pesant et gratifiant de mère pilier de famille, confinées dans l’invisibilité et la gratuité de leur vie privée, elles réagissent de plus en plus contre les « trois K » (en allemand : « Kinder, Küche, Kirche » – « enfants, cuisine, église ») dont elles ont hérité depuis la nuit des temps, pour assumer une vie professionnelle hors du foyer, voire occuper des postes politiques ou économiques à responsabilité. Élargir leur pouvoir domestique à une sphère plus vaste, qu’elles exerceraient de manière naturelle et non plus exceptionnelle, ne va pas sans sacrifices, sans problèmes additionnels imprévus à résoudre à la dernière minute, etc.

.

Un combat pour l’indépendance à gagner !

.

Vie de Féminitude et de combats

.

Le mot féminitude, signifiant à l’origine « propre au sexe de la femme » a été repris par Simone de Beauvoir en analogie avec la notion de « négritude », pour désigner un ensemble de qualités acquises dans l’oppression. Il est utilisé ici dans le sens des inégalités et des multiples violences envers les femmes, violences qui sont hélas, l’apanage des couples, des familles comme des institutions, provoquant des luttes incessantes pour les combattre, encore loin d’être gagnées.

.

Violences faites aux femmes

.

Les violences conjugales se construisent sur un rapport de possession et de domination. Elles existent dans toutes les sociétés, accompagnées de clichés qu’il serait temps de démentir. La violence conjugale sévit partout, tous les jours, à tous les degrés. Toutes les classes sociales sont concernées, même les plus privilégiées, sans oublier les milieux internationaux. L’agresseur accuse toujours la victime d’être la cause de sa violence et de la provoquer. Chose cachée, taboue, elle fait des milliers victimes en France, comme le montre le tableau suivant[2] :

.

.

Les femmes sont aussi les premières victimes de guerres de toutes sortes, luttes fratricides, de pouvoir, épurations ethniques ou autres. Leurs corps pris en otage deviennent les proies faciles de violeurs et de sadiques qui profitent de la situation chaotique du pays pour assouvir leurs instincts bestiaux. Le viol est devenu une stratégie, voire une arme de guerre qui fait non seulement perdre leur honneur aux femmes, mais de plus, atteint indirectement et profondément celui de leurs compagnons.

.

Luttes et acquis

.

Quatre luttes phares illustrent bien les combats pour l’évolution de l’image et de la condition de la femme dans nos sociétés ; celles contre le voile, l’excision, pour la parité et le droit de vote. Il y en a bien d’autres, modestes, individuelles, collectives…

Le voile : le foulard, le voile partiel ou total, dans le public, les administrions ou le privé : la question du voile reste controversée, le débat permanent, à la hauteur de la complexité du sujet.

L’excision : « Ce problème « africain », apparemment lointain, est devenu, avec l’immigration, une réalité en Europe. On estime qu’au moins 30 000 femmes et fillettes excisées vivent actuellement en France (environ 7000 en Suisse). […]Dans beaucoup de pays occidentaux, l’excision est punie par la loi – du moins sur le papier. De plus en plus de femmes africaines et occidentales se mobilisent dans ces pays pour lutter contre ce rite sanglant et faire en sorte qu’en Europe au moins, les fillettes y échappent…»[3].

L’égalité des sexes : il serait plus approprié de parler du droit à un traitement égalitaire des femmes et des hommes pour l’accès à toutes les fonctions de la vie active privée ou professionnelle. Cette bataille est aujourd’hui gagnée à bien des égards, mais il reste encore beaucoup à faire…

La grande marche des femmes se poursuit, irrémédiablement !

La condition des femmes évolue lentement mais sûrement dans tous les domaines, et les nouvelles générations de parents vont vers un partage de plus en plus égal des tâches ménagères. Tout cela grâce à des pionnières, figures féminines légendaires souvent sacrificielles, telles que, par exemple :

Marie-Gouze, plus connue sous le nom d’Olympe de Gouges, (1748-1793), journaliste,  femme de lettres qui fut, avec Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt, la première femme à l’origine du mouvement féministe. Olympe de Gouges a écrit en 1791 la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ». Toutes deux finirent tragiquement : Olympe de Gouges finit guillotinée par Robespierre et Théroigne de Méricourt devint folle après avoir été fouettée nue en public par les partisanes de leur adversaire : « à l’époque, on ne disait pas antiféministe ».

Flora Tristan, (1803-1844) métisse franco-péruvienne, enfant illégitime, écrivaine sociale, qui consacra sa vie à une double cause : l’émancipation de la femme et la constitution de la classe ouvrière. « La femme est une paria de naissance, serve de condition, malheureuse par devoir ! » écrivait-elle.

Lumina Sophie, dite « Surprise » (1848-1879) combattit dès 21 ans, alors qu’elle était enceinte, pour dire NON à la misère et à l’exploitation colonialiste qui subsistaient malgré l’abolition de l’esclavage. Protagoniste du mouvement social nommé « insurrection du Sud » créé à La Martinique en 1870, elle fut condamnée à perpétuité, puis envoyée au bagne de Guyane où elle mourut d’épuisement et de mauvais traitements à 31 ans à peine.

Louise Weiss (1893-1983), journaliste, écrivaine, européenne et féministe, qui a participé à tous les combats du XXe siècle, notamment les projets pionniers en faveur de la paix et de l’union européenne. Simone Veil, sa digne héritière, a repris le flambeau en 1975 avec la loi qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse (IVG). D’autre part, par la loi de juillet 1983, Yvette Roudy a réformé le Code du travail et le Code pénal en ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Pour terminer sur une note amusante, voici l’histoire récente de ma rencontre avec un amiral pour la première fois de ma vie cet hiver :

Homme très « vieille France » à la fois charmant et autoritaire, il ne supportait aucune contradiction. Dans un discours machiste de la plus belle eau, il répétait que les femmes sont formidables, qu’il fallait les respecter parce que sans elles, les hommes ne sont rien, mais qu’elles devraient rester à leur place (sous-entendu : de soumission et de servitude). J’ai tenté timidement, en marchant sur des œufs, de lui prouver que, vu la longue histoire des frustrations féminines, il y avait encore des batailles à mener pour la conquête d’un traitement plus égalitaire. Il m’a tout de suite arrêtée. « Je vous respecte et vous admire, m’a-t-il rétorqué de façon péremptoire, mais nous n’allons pas nous entendre sur ce sujet ! » Puis il a continué avec véhémence : « Les femmes nous ont tout pris, même les pantalons ! » Je fus sidérée par cet argument ! J’ai pensé lui répondre qu’il pouvait se rattraper en mettant un kilt de temps en temps, mais je n’ai pas osé. J’aurais simplement dû lui dire avec un grand sourire :

.

«  Il y a au moins une chose qu’elles ne vous enlèveront pas, c’est le baisemain ! »

.


Par Marie-Andrée Ciprut

Pluton-Magazine/2019


[1] https://www.liberation.fr/debats/2019/01/18/condamnees-a-la-beaute_1703868?fbclid=IwAR2Awf78no6apJ6sgPEnJ-r2vOQJB-xLhNQHPn3WOJQgsYJ4tERLqe8-UUM

[2] https://stop-violences-femmes.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_violences_au_sein_du_couple_et_violences_sexuelles_novembre_2018.pdf

[3] Internet, www.droitsenfant.com/excision.htm

Laisser un commentaire

*