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Par Taïdes LOMON
Santé
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Psychologue clinicienne spécialisée dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des aidants familiaux, Johanna SQUINAZI a toujours travaillé auprès de personnes âgées et après 14 ans passés en institution (Ehpad), elle a ressenti le besoin d’être à l’extérieur, au plus près de ces personnes qui sont à domicile, qu’elles présentent ou non des troubles cognitifs.
Elle travaille aujourd’hui en libéral, elle reçoit des adultes, des aidants familiaux et des personnes âgées présentant des troubles cognitifs.
Elle intervient également en Ehpad et en centre de jour, notamment à la Maison Fellippa où elle anime des ateliers mémoire et des débats autour de thèmes spécifiques.
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Votre parcours a été très orienté vers la psychologie, comment l’expliquez-vous ; est-ce un choix réfléchi ou un concours de circonstances ?
Oui, très orienté mais il faut dire que j’ai fait des études de psychologie !
J’ai un DESS de psychologie clinique et psychopathologie. Et, je dois dire que dès mes premiers stages, je me suis orientée en gérontologie, ce qui n’était pas encore très répandu à l’époque. J’ai d’ailleurs poursuivi en faisant un DU de maladie d’Alzheimer et démences apparentées à Paris 7.
Je crois que cette orientation était pour moi une évidence.
Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent vos trois spécialités et nous préciser quels sont vos clients ?
Comme vous le dites, ma pratique s’articule autour de 3 axes :
Les consultations pour adultes. Je reçois des adultes en souffrance, souffrance liée à des difficultés relationnelles, affectives dans le cadre personnel mais aussi professionnel.
L’accompagnement des aidants familiaux :
Il s’agit là d’accompagner au quotidien les aidants dans la prise en charge de la maladie de leur parent, de les informer, les sensibiliser à la compréhension de la maladie et de ses manifestations mais aussi de prévenir, anticiper, déculpabiliser et savoir reconnaître ses limites.
L’essentiel de mon travail se situe auprès des personnes âgées présentant des troubles cognitifs.
Je propose des « ateliers mémoire » comme celui auquel vous avez assisté. L’atelier est un moyen d’« entretenir » de façon ludique une capacité qui peut être altérée.
C’est également un lieu d’échanges et de communication, qui utilise et stimule la mémoire des personnes présentes, leur apporte des repères dans le temps et l’espace. Il s’agit d’apprendre à regarder autrement sa mémoire. L’idée est d’éviter au maximum qu’elles se retrouvent en échec. Nous allons les aider à retrouver une certaine confiance en soi. Ce n’est jamais de la performance.
J’utilise des supports simples, comme, par exemple, des images/mots à mémoriser, des mots mélangés à reconstituer, associer un monument à une ville, une évocation…
Je propose aussi des débats autour de thèmes spécifiques (faits d’actualité, écrivain, chanteur…). C’est un temps d’échange et de réflexion autour d’un moment convivial qui allie un goûter et une activité. L’atelier unit plaisir gustatif et débat. Le plaisir gustatif et les émotions qui en découlent mettent la personne âgée dans des conditions plaisantes qui favorisent la communication, la réminiscence et le partage d’idées. Il s’agit d’une rencontre autour d’un thème de communication, une rencontre qui propose de commenter, de débattre, d’échanger et de se souvenir. Nous travaillons sur les souvenirs, un simple élément déclencheur peut donner lieu à l’évocation de souvenirs anciens. Les objectifs sont simples : permettre la résurgence des souvenirs, favoriser la transmission et le partage des mémoires individuelles, l’estime de soi.
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Quels sont vos clients ?
Je préfère parler de patients. Nous les avons cités ci-dessus, adultes, aidants familiaux et personnes âgées.
Quel regard portez-vous sur votre profession à titre personnel en France ?
La prise en charge des personnes âgées, qu’elles soient malades ou non, a beaucoup évolué ces dernières années. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la relation d’aide, en quoi cela consiste-t-il et pourquoi ce choix ?
La relation d’aide, c’est avant tout une rencontre, une relation à l’autre.
C’est un mode de communication thérapeutique, qu’il soit verbal ou non, qui se centre sur la personne. Il faut respecter l’histoire de vie de la personne en face de nous. On va instaurer un climat de confiance bienveillant pour soutenir les personnes en souffrance, les familles avec lesquelles nous travaillons.
Quelle est votre approche, que proposez-vous de singulier qui vous démarque ?
J’ignore si je propose quelque chose de singulier. J’ai toujours eu un contact facile auprès des personnes âgées et je crois que cela m’a beaucoup aidée. Les personnes ont besoin de se sentir écoutées, soutenues, avec une forme d’empathie et de bienveillance. Dès que j’arrive pour animer un groupe, j’arrive à capter son attention et surtout à faire participer même les plus réticents. Il faut apporter de la chaleur humaine, un sourire. Il faut prendre le temps de rassurer, encourager, ne pas avoir peur de tenir une main frêle. Les bénéficiaires adhèrent rapidement et c’est ma plus grande satisfaction
Auriez-vous pensé il y a dix ans que vous interviendriez auprès de ce type de public dans ce type de structure ?
Il y a dix ans, je le faisais déjà mais différemment
Quels sont vos prochains objectifs, projets ?
Continuer à accompagner les personnes âgées et leurs familles.
Développer et proposer ces temps d’ateliers et de débats.
Si vous aviez un conseil dans votre domaine d’activité, quel serait-il et à qui serait-il adressé ?
Je crois qu’il faut avant tout aimer travailler avec les personnes âgées. Elles sont porteuses d’une richesse incroyable. Nous apprenons tellement à leur côté.
Nous sommes loin d’une pratique classique de psychologue.
Si je vous dis rendez-vous dans 5-10 ans, où vous retrouvera-t-on ?
Déjà dans 10 ans, j’espère que la recherche aura avancé.
Et on me retrouvera toujours dans l’accompagnement de cette population vieillissante qui nous en apprend tous les jours, à travers ses histoires de vie passionnantes, ses mots, ses sourires et ses « merci ». Pour finir, je citerais Freud « les théories sont mes meilleures mais ce sont les patients qui m’enseignent »
Un grand merci, et une profonde gratitude, Johanna, pour votre disponibilité pour la réalisation de cette interview.
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Par Taïdes LOMON
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