Entre les lignes (23): CAMILLE SYLVESTRE : CONTRE L’OUBLI

Auteure d’une dizaine d’ouvrages pour la jeunesse et de deux romans, Anique Sylvestre, écrivaine martiniquaise, s’adonne depuis peu à la biographie. Après Chère Solange, elle confirme avec Camille Sylvestre : contre l’oubli son souci de défendre des figures marquantes de l’histoire martiniquaise. ( Editions Jets d’encre).

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Pluton Magazine : Anique Sylvestre, pourquoi ce titre ? et qui est Camille Sylvestre ?

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Camille Sylvestre a été mon père jusqu’à ses quarante-cinq ans, date à laquelle il a été emporté par la maladie. Il a été aussi le premier dirigeant de la première organisation politique martiniquaise à s’être constituée en parti débarrassé de la tutelle française.
Après la démission d’Aimé Césaire du Parti communiste français puis de l’organisation communiste martiniquaise, la fédération communiste martiniquaise du PCF s’érige en Parti communiste martiniquais.
Camille Sylvestre est alors promu secrétaire général de cette nouvelle organisation.
S’il devient à cette date responsable du récent parti, c’est qu’il a, depuis la fin des années 30, adhéré aux idées de prédécesseurs illustres, puis aux thèses du marxisme.
C’est donc au sein d’un groupe de militants, réfléchissant aux questions et problèmes du pays, qu’il s’engage en politique. René Menil, le philosophe, Aimé Césaire, l’écrivain, maire de Fort-de-France et député, Léopold Bissol, l’autre député et compagnon de route de Césaire, Victor Lamon, le syndicaliste, Henri Bayardin, et plusieurs autres sont de ceux qui dès les premières heures entreront dans l’action politique contre la caste béké aux commandes via les instances locales à leur botte.
De 1944 à 1956, des responsabilités de plus en plus grandes sont confiées à Camille Sylvestre, qui conduiront finalement à sa nomination à la plus grande : celle, après la démission de Césaire, de secrétaire général du parti nouvellement constitué.

Pluton Magazine : Et pourquoi contre l’oubli ?


Il me semble que, lorsque mon regard balaie son engagement et son action dans le parti, je constate que seul dans la mémoire de quelques personnes aujourd’hui son souvenir demeure.
Des facteurs ont contribué à mon sens à cette mise à l’écart :
La démission de Césaire en 1956 a rendu quelque peu exsangue la fédération d’alors, entraînant des dizaines de militants sur la voie de Césaire, ainsi que des polémiques incessantes et une concurrence inutile entre les partis et les militants.
La maladie et la mort de Sylvestre en 1962, alors que les partis, chacun de son côté, sont en pleine discussion autour des mots d’ordre et des politiques à mener pour un pays en grand désarroi économique, social, culturel et politique.
De son vivant, Sylvestre a été du premier cercle de discussion sur le concept de l’autonomie, sur son contenu, faisant partie du noyau dur de réflexion avec Ménil, Mondésir, Nicolas, et Césaire lui-même très impliqué en particulier lors de ses passages en Martinique.
Il est de ceux qui ont échangé avec ce qu’on appelait « les partis frères » à l’époque dont les dirigeants s’appelaient Vergès pour la Réunion, Gènes pour la Guadeloupe, Catayée pour la Guyane pour une politique commune de ces pays face à la puissance du PCF et pour une autre relation avec ce parti frère dont la tutelle devenait pesante.
Il a été de ceux qui ont porté, à l’instar de Césaire, les questions et problèmes du peuple martiniquais sur la scène internationale, par l’intermédiaire des réunions internationales de l’époque. L’un et l’autre ont porté la Martinique au monde, à une époque où les peuples du tiers monde se posaient les questions d’indépendance, de libération nationale et luttaient pour sortir les pays des tutelles capitalistes et coloniales.
Camille Sylvestre : contre l’oubli, c’est plus de 25 ans de militantisme pour la cause du peuple martiniquais, de combats durement menés à une époque où être communiste n’était pas de bon ton, où être communiste c’était des arrestations permanentes, des saisies du journal Justice dont il était le rédacteur en chef, des sanctions judiciaires incessantes, et des menaces.
Soixante ans plus tard, la Martinique se pose les mêmes questions et est confrontée aux mêmes problèmes : la terre et les « békés »; l’identité : depuis que Césaire nous a confortés dans nos origines africaines, la question de notre identité est devenue récurrente, nous immobilisant presque dans la résolution des vrais problèmes : qui voulons-nous être ? que voulons-nous pour ce pays nôtre ? quelles solutions pour arriver à ce que nous voulons ?
Rien n’a été résolu à ce jour et nous sommes confrontés aux mêmes questionnements. qui faisaient les préoccupations de Sylvestre. Comme si son départ avait dévié le vent.

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Propos recueillis par Dominique Lancastre

Pluton-Magazine/2020

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~~Notes~~

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Le livre: Camille Sylvestre contre l’oublie ISBN: 978-2-35523-272-5 Prix: 19.80euros .

Liens: https://www.pluton-store.com/produit/livres/essais/camille-sylvestre-contre-loubli/

Résumé: Qui est Camille Sylvestre ? Peu de gens sont encore capables de vous répondre. Pourtant, cet homme volontaire a été l’une des figures majeures du parti communiste martiniquais, qu’il a d’ailleurs dirigé pendant près de dix ans. Déterminé, il s’est battu toute sa vie durant pour défendre la Martinique et les droits de ses habitants. Malgré les répressions, parfois lourdes – arrestations arbitraires, perte d’emploi –, son mot d’ordre est resté le même : autonomie. Ses succès ont été importants, son rôle déterminant… et pourtant, on se souvient de moins en moins de lui. Alors, par devoir de mémoire, et pour ne pas qu’on oublie cet homme exceptionnel qui, de pair avec les Thorez et les Césaire, a fait l’histoire de son époque, sa fille prend aujourd’hui la plume…

S’appuyant sur de nombreuses photos et documents d’archives, Anique Sylvestre signe une biographie riche en détails, aussi bien historiques que personnels, qui retrace le parcours exceptionnel de Camille Sylvestre, figure emblématique de l’histoire martiniquaise.



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