Entre les lignes (27) : Une nuit à Carthage d’Annick Perez

Par Dominique Lancastre

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Il s’agit d’une magnifique fresque familiale où Annick Perez plonge le lecteur au sein d’une grande famille juive de Tunisie, les Barenti. L’histoire se déroule sur une très longue période allant de 1947 à 2019. En fond de toile la création de l’état Hébreu. Chaque chapitre, de Une nuit à Carthage concerne une date historique précise. Le roman prend les allures d’un film hollywoodien, avec des références au monde cinématographique, soit de films soit des comparaisons avec des acteurs lors de certaines descriptions.

Le lecteur ne s’ennuie guère dans Une Nuit à Carthage car l’auteure le tient en haleine depuis le début jusqu’à la fin. D’un point de vue historique, Annick Perez aborde la condition des Juifs en Tunisie où les choses se sont déroulées d’une tout autre manière qu’en Europe pendant la guerre. Une Nuit à Carthage est avant tout une histoire d’amour impossible, une histoire d’amour perdu et retrouvé. Toutefois sans la situation c’est-à-dire la création de l’état d’Israël et l’arrivée de Neldo un agent du Mossad venu monter un camp d’initiation et recruter des jeunes juifs en Tunisie pour leur enseigner l’hébreu et leur parler de cet état, sans cela cette histoire d’amour n’aurait pas existée.

Au fur et à mesure que le lecteur progresse dans la lecture du roman il rencontre les différents personnages. Le lecteur comprend vite qu’il s’agit de l’histoire de Neldo et d’Alice surnommée Fli Flo qui représentent les personnages principaux. Deux personnages principaux les plus attachants.

Annick Perez rend son roman très dynamique d’autant plus que la plupart des personnages vivent dans cette maison familiale où le mouvement ne s’arrete jamais.  L’humour y est toujours présent. Tita par exemple la mère qui a un caractère bien trempé, qui se méfie de tout surtout quand il s’agit de voir partir ses enfants. Elle est en fait comme toutes les mères ; protectrice, bienveillante et est toujours présente pour tout contrôler. Paul plus jeune que Fli flo et qui s’est mis dans la tête de l’épouser. Va-t-il y arriver ?

Annick Perez nous fait voyager à travers le temps en Tunisie, en France, en Israel et elle le fait bien.

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Trois questions à Annick Perez

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A/Nous savons que vous êtes née à Tunis. Une nuit à Carthage est-ce une  façon d’honorer la ville où vous êtes née ?

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Je ne suis pas née à Carthage mais à Tunis. Ce roman est d’après une histoire vraie. L’histoire de ma mère, très jeune femme obstinée très lumineuse et d’un courage exceptionnel. Elle avait 15 ans quand un guide du Mossad est venu après la guerre en Tunisie pour faire venir les jeunes juifs en Israël. Très jeune pays de 5 ans. Mais, il est parti une nuit, rappelé par son service. Ils se sont retrouvés 50 ans plus tard. C’est une histoire d’amour extraordinaire.

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B/ La cuisine est très présente dans le roman. Elle est mentionnée en permanence. Pourquoi ces références ?

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En Tunisie, la cuisine était une manière de vivre. Tita, la mère de Fli Flo y régnait en maitre absolu. Elle se levait tous les jours à 6h et avait toutes sortes de fours, intérieurs et extérieurs. Les tables étaient si pleines que le soupirant de Fli Flo Paul n’arrivait jamais à choisir et partait sans manger. Elle faisait couscous, ragoûts, plats orientaux à la cannelle et aux pétales de roses.

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C/ D’une certaine façon, vous traitez de l’exil. Nous avons l’impression que vos personnages sont perturbés et sont en permanence en mouvement. Est-ce un sujet qui vous tient à cœur ?

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Il s’agit d’une famille juive. L’exil est dans la culture juive. Les personnages sont plutôt en paix au début, mais l’histoire et la politique ainsi que la santé de la petite Monique attend toute la famille au coin du bois. Les juifs partent toujours quelque part. Parfois ils restent. On dit que c’est pour cela qu’ils sont de si bons violonistes, c’est facile à transporter. Mais le roman évolue sur 5 générations, 3 pays dont la France. C’est un peu le Dowtown Abbey tunisien avec l’amour, la guerre et la cuisine!

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Par Dominique LANCASTRE

Pluton-Magazine/Paris 16eme/2021

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EXTRAIT

[…] Le lundi comme prévu Neldo arriva avec Saul. Il sonna au jardin sur la gauche, personne ne répondait. Ensuite Wassila arriva et lui dit que Madame Barenti se reposait, qu’il ne fallait faire aucun bruit. Neldo n’avait pas pensé à çà mais le coup de la migraine pour son cours c’était une bonne idée. Décidément cette femme allait lui donner du fil à retordre mais il ne pouvait pas monter son camp d’initiation près de Carthage si les élèves ne connaissaient pas du tout l’hébreu. De plus, il était certain qu’à Carthage, ils seraient bien plus nombreux. C’était une sacrée aventure après tout pour ces gosses dont la seule distraction était le cinéma et encore quand on les laissait y aller.il y avait toujours une fête juive et des jours défendus pour tout. Neldo était laïque. Dieu n’avait pas secouru les juifs de la Shoah, il pensait qu’il existait mais que les cerveaux humains étaient incapables de comprendre. Ils ne pouvaient que l’imaginer. L’imaginer bon après la Shoah ? L’imaginer mauvais, après le vote de l’ONU ? Quand il y avait des « OUI ! pour leur existence en 1948 ! Même la France avait voté « OUI !» En fait, il était impossible de l’imaginer. Pour cela, il fallait se plier à des règles millénaires transmises oralement d’homme à homme. Et cela, Neldo n’y croyait pas. Pourtant il était certain que quelque part Dieu existait. Mais il lui était impossible de l’imaginer. En plus c’était un scientifique, il n’avait aucune imagination. […]

AUTEURE

Crédit photo OV LAC

Née à Tunis, Annick Perez est peintre et écrivain. Annick Perez est l’auteur de Celui qui ne fut pas choisi (M. Hagège, 1998), Des yeux trop noirs (M. Hagège, 1999), Je cherche Goldie (Michalon, 2002), Luka (Fayard, 2005) et You’re beautiful (P. Rey, 2007 où son héros est une nouvelle fois confronté à l’amour, à la mort et au destin)  . Une Nuit à Carthage est son dernier roman publié à Balzac Editions.

Une nuit à Carthage. ISBN 978-2-37320-053-9. Pages 148. Prix 19 euros.Disponible dans toutes les librairies.

Une nuit à Carthage. ISBN 978-2-37320-053-9. Pages 148. Prix 19 euros Disponible Pluton-Store

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