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Par Dominique Lancastre
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Avec Margueritte Duplessis, c’est un voyage dans l’histoire que nous propose Serge Bilé en abordant un thème peu connu ; celui de l’esclavage des Amérindiens et particulièrement la déportation des Amérindiens vers les Antilles au 18e siècle. Marguerite Duplessis est un essai et l’auteur nous retrace sa vie sur une décennie (de 1730 à 1741).
La majeure partie de l’essai consiste à retracer les déplacements de l’Amérindienne au Canada jusqu’à son procès. C’est en effectuant des recherches il y a environ une dizaine d’années pour son essai Esclave et bourreau qui retrace l’histoire d’un esclave à la Martinique, et à qui on avait laissé le choix entre se faire exécuter ou devenir bourreau au Canada, que Serge Bilé est tombé par hasard sur l’histoire de Margueritte Duplessis. Il l’avait mise de côté jusqu’à ce qu’il s’y intéresse récemment.
Comme pour l’histoire des Noirs, il est très difficile de trouver des archives car il y a très peu de choses de consignées. Il le dit lui-même : « Les vainqueurs écrivent leur histoire aisément mais pour les minorités ce n’est pas facile, car il y a très peu de traces ». En recollant les morceaux il s’est rendu compte que peu de choses ont été faites à propos de Marguerite Duplessis. C’est même le livre le plus complet qui existe actuellement niveau recherche.
Plonger dans les archives est un travail de chirurgien. Il faut avoir de la patience et surtout ne pas se décourager, sinon on n’effectue pas ce travail de reconstruction historique et on abandonne. L’auteur ne le fait pas pour de l’argent mais pour laisser une trace.
Marguerite Duplessis se présente sous forme de petits chapitres avec des paragraphes surmontés de titres ce qui permet au lecteur de mieux saisir la progression des recherches. Il faut garder à l’esprit que c’est un essai et que le travail est constitué à partir de documents. Cependant, il a fallu que l’auteur s’approprie un peu la vie de Marguerite Duplessis et romance par moment l’histoire. C’est comme reconstruire une maison à partir de certains éléments. Partir de ce que l’on a et essayer d’imaginer ce que c’était. Reconstruire une histoire à partir d’archives sans trahir la vérité historique pour rendre de la chair à l’histoire, me souligne Serge Bilé lors de l’interview.
Malgré les similitudes de la souffrance car qu’il s’agisse des Noirs, des Indiens, des Amérindiens, personne n’a le monopole de la souffrance, il semblerait que l’accueil réservé à cet essai n’est pas ce qu’il espérait. Mais, il n’en est pas surpris car à l’intérieur de beaucoup de minorités, il y a cette tendance à ne voir que la souffrance de son peuple en écartant celle des autres, ce qui est dommage.
« Les Noirs s’intéressent aux histoires des Noirs et moins à celle des autres, me dit-il.
L’histoire de Marguerite est une histoire incomplète. Marguerite ne fait que disparaître à un moment donné et elle échappe à l’Histoire. Ce départ pour la Martinique est donc tout à fait imaginable mais il ne faut pas oublier que nous sommes au 18e siècle et que la manière de fonctionner était différente. On perd la trace de beaucoup de choses et c’est souvent très visible lorsqu’on dépouille les archives. Mais Serge Bilé a récolté suffisamment de données pour reconstruire l’histoire de cette femme à qui la vie n’a laissé aucune chance et qui a été pourtant une battante qui a beaucoup souffert.
À la question « quel passage avez-vous plus aimé traiter », l’auteur me répond sans hésitation celui de l’enfance de Marguerite. Ce qui se comprend bien car en ce qui concerne l’esclavage on assiste souvent à cela : les enfants sont arrachés à l’enfance pour être traités comme des adultes et effectuent les mêmes tâches du matin au soir. Ce qui reste une horreur.
On ne raconte pas un essai comme on raconte un roman et on aborde un essai pour parfaire souvent son intérêt pour les recherches ; c’est donc un livre très intéressant pour compléter sa bibliothèque.
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Extrait
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[…] Entre 8 et 13 ans
Sur les habitations, le labeur varie d’une catégorie d’esclave à l’autre. Les esclaves de case sont affectés à la maison du maître. Femmes de chambre, valets, servantes, blanchisseuses, cuisiniers sont à son service de jour comme de nuit
Les esclaves ouvriers sont utilisés de leur côté pour transformer la canne à sucre. Cabrouetiers, charpentiers, forgerons-serruriers, tonneliers interviennes à des degrés divers. À la sucrerie, les femmes sont employées au moulin.
Les esclaves de jardin interviennent dans les champs de canne. Sarcler, planter, récolter, c’est le rôle des homes et des femmes, même enceintes. Le dimanche, jour de messe et de repos, ils curent les canaux et entretiennent les chemins.
Enfin, les enfants âgés entre 8 et 13 ans sont mis également à contribution. Ils ramassent l’herbe pour les bêtes et la bagasse autour du moulin.
Dans les habitations, la vie est strictement réglementée : réveil avant l’aube, rassemblement, appel des esclaves, prière commune, puis la journée, commence. À midi, c’est la pause-déjeuner. Le menu est frugal : cassave de manioc, hareng saur, morue. La cadence reprend ensuite jusqu’au coucher du soleil.
À Montréal, malgré de grosses semaines de travail, Marguerite avait la possibilité d’aller au marché pour convenance personnelle. À la Martinique, le quotidien laisse encore moins de temps pour soi. […]
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Disponible Pluton-store
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L’Auteur
Journaliste à France Télévisions, Serge Bilé est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont les best-sellers Noirs dans les camps nazis, Yasuke et La Mauresse de Moret. De 1994 à 2019, il a présenté le journal télévisé de Martinique Première, le plus regardé de l’île.
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Dominique LANCASTRE (Ceo Pluton–Magazine)
Pluton-Magazine/ Paris 16/2021