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Par Georges Cocks
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Nous vous emmenons loin. Très loin pour comprendre le drame qui s’y déroule. Nous sommes en plein dans l’océan Atlantique. Ces îles ne se voient presque pas sur une carte en fonction de son échelle mais elles attisent la convoitise des voyageurs du monde entier. Nous sommes au milieu de l’arc antillais dans la Caraïbe sur une île paradisiaque : la Guadeloupe, l’éternel été de tous les Français et des étrangers venus arpenter ses forêts, barboter dans ses rivières et se prélasser sur son sable blanc. La destination est toujours très touristique mais depuis quelques années, le littoral touristique connaît une érosion rapide avec le réchauffement climatique et la montée du niveau de la mer.
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Un désert immergé
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Parlons déjà de ce qui ne se voit pas. Si depuis le rivage le ciel bleu et la mer turquoise rivalisent de beauté, au fond de l’eau une tout autre histoire a déjà commencé. Un cimetière de coraux blanchis effondrés tapisse le fond de la mer. Les poissons du récif ont disparu. On peut nager cinq longues minutes sans croiser un poisson à la ronde. Les herbiers marins sont rabougris et recouverts d’une mousse caractéristique des eaux dont la température est élevée. Ces prairies sous-marines constituent des refuges pour les poissons, protègent les côtes des tempêtes et sont des réservoirs essentiels de carbone. Malgré leur importance, ces écosystèmes sont en danger. Toutes les 30 minutes, l’équivalent d’un terrain de football en prairie marine disparaît et on estime que 7% des prairies disparaissent chaque année dans le monde. L’acidification des océans, l’aménagement des côtes et l’augmentation de la température des océans due au changement climatique sont les principaux facteurs de la disparition des herbiers marins (ONU info).
Ces eaux pullulaient autrefois de gorgones. Il n’y en a plus une seule par endroit. Les coraux- cerveaux sont comme de simples météorites tombés du ciel, et quelques poissons se réfugient à leur base. Le nombre d’espèces de poissons a considérablement diminué. On en croise seulement une dizaine de façon très éparse autour de petites cavités. Le poisson-clown et le poisson ange royal ont disparu tout comme les étoiles de mer que l’on pouvait trouver en abondance à seulement quelques mètres du rivage. Seuls les oursins noirs ou oursins perforants se développent en grand nombre et pour cause, ils se nourrissent des éponges que l’on ne voit plus. Cela est notamment dû à l’émission d’une quantité importante de gaz à effet de serre, dont le CO2 provoqué par l’activité humaine, trop importante pour être absorbée par le système naturel. Les océans absorbent plus de 90 % de la chaleur excédentaire de la terre, due au réchauffement planétaire. Ce réchauffement de l’océan, même léger, a des conséquences importantes sur tout l’écosystème, provoquant l’extinction de certaines espèces marines.
En 2023, les températures à la surface de l’océan étaient d’environ 0,91 degré Celsius plus chaudes que la moyenne du XXe siècle.
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Érosion aggravée
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En dix ans, des petites criques ont laissé place à des rochers nus qui étaient autrefois recouverts d’une couche de sable. La baignade n’est tout simplement plus possible, à l’instar de la plage du bourg de la commune de Port-Louis, où une cinquantaine de personnes pouvaient tranquillement profiter du plaisir de la mer. Il ne reste qu’un quart de sable et une mer de plus en plus violente. L’Anse du Souffleur, non loin, connaît aussi une lente agonie. La plus belle plage du nord de Grande-Terre, protégée de l‘échouage massive d’algues sargasses, voit reculer la plage très rapidement. La berge est de plus en plus raide. Le sable n’est plus ramené par la mer et d’ici un an ou deux, le premier arbre tombera dans la mer et cela ne s’arrêtera pas là. Les abris de détente qui bordent la plage seront eux aussi engloutis.
L’îlet Caret, un autre joyau au large des côtes, commence à céder beaucoup de place à la mer. Il ne reste plus un seul cocotier debout sur ce banc de sable où se dressait auparavant une cocoteraie géante, où les pêcheurs des Saintes faisaient autrefois des haltes. Il y a quelques années encore, on y organisait les Mercury Day pendant lesquels plus d’un demi-millier de bateaux encerclait l’île pour faire la fête. De ces années de plaisirs, il n’y en aura plus. Ce ne sera qu’un lointain souvenir pour ceux qui l’ont connue avant et un vulgaire banc de sable pour nous aujourd’hui.
Reste l’îlet du Gosier qui fait encore de la résistance même si quelques cocotiers ont déjà les pieds dans l’eau.
Outre les plages, le patrimoine archéologique situé dans le littoral est aussi frappé de plein fouet par la montée des eaux. 15 sites sur 160 sont déjà en train de partir à la mer. L’érosion a mis a nu le cimetière d’esclaves de la ville de Saint-François. Il n’est pas surprenant de tomber sur un ou plusieurs ossements lors d’une baignade. Des scientifiques spécialistes souhaitent surveiller et anticiper les effets destructeurs des changements climatiques et anthropiques sur le patrimoine côtier. Selon Marie-Ivane Daire, chercheuse au CNRS, l’objectif est à la fois de recenser les sites archéologiques en danger sur le littoral, mais aussi de les étudier avec une démarche de science participative qui implique le grand public.
Depuis très longtemps, de nombreuses îles du Pacifique ont été submergées, les sols sont devenus infertiles à cause du sel et de nombreux réfugiés climatiques ont dû trouver une autre terre d’asile propice à leur survie. Le niveau des océans ne cesse de grimper et ne s’arrêtera pas. La fonte irrémédiable des glaciers partout dans le monde en est la cause.
Selon les observations satellitaires de la NASA, le niveau moyen des mers du globe a ainsi augmenté d’environ 10 centimètres depuis 1993. La hausse a globalement été assez constante au cours de la période d’observation, avec une élévation moyenne de 3,5 mm par an, soit un peu plus d’1 cm tous les 3 ans. Comme le montre notre graphique, la tendance semble néanmoins s’accélérer, puisque le niveau des océans a grimpé de plus de 5 mm par an en moyenne au cours de la décennie 2011-2021. D’ici la fin du siècle, les experts tablent sur une élévation du niveau des mers comprise entre 60 cm et un peu plus d’1 mètre en fonction des différents scénarios de réchauffement global. Les zones côtières densément peuplées seront directement menacées et 300 millions de personnes pourraient être affectées dans le scénario le plus optimiste. Les chercheurs estiment que l’Asie sera le continent le plus durement touché (Statista).
Les îles paradisiaques ne seront pas les seules à payer le lourd tribut. Les villes comme La Haye, Amsterdam et Londres sont menacées. En France, Bordeaux et Marseille seront aussi affectées. Au moins 32 villes côtières des États-Unis pourraient être inondées d’ici 2050. À cause de l’affaissement de leurs sols, certaines villes côtières comme Boston ou La Nouvelle-Orléans courent un risque particulièrement élevé de subir des inondations liées à l’élévation du niveau de la mer. De nombreuses maisons en ont déjà fait les frais et la menace est inéluctable sur de nombreux autres habitats un peu partout dans le monde. L’élévation de la mer couplée aux tempêtes et ouragans de plus en plus violents fragilise les côtes et fait aussi grimper la facture des dégâts occasionnés aux infrastructures publiques et privées lors de leurs passages.
Nous abordons ici les effets du changement climatique sur le littoral, mais ce changement impacte tout l’écosystème de la planète. Nous n’allons pas seulement perdre nos cartes postales. La canicule d’un côté et les inondations de l’autre côté vont mettre à mal la production des denrées pour alimenter la population mondiale. Avons-nous seulement considéré ces paramètres vitaux et leurs impacts directs qui nous menacent ? Nous avons abandonné les albums photos depuis très longtemps. Si nous ne souhaitons pas y revenir pour faire voyager nos enfants dans un exotisme virtuel, nous ferions bien de prendre les résolutions qui s’imposent à nous dès maintenant.
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Par Georges COCKS
Pluton-Magazine 2024
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Statista plus d’information sur les enjeux climatiques
Image par Jonny Belvedere de Pixabay