LES SEPT MERVEILLES DU MONDE ANTIQUE

Par Philippe Estrade auteur-conférencier

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Outre la pyramide Khéops située sur le plateau de Guizèh en Egypte et les jardins suspendus de Babylone, tous les monuments issus de la liste des Sept merveilles du monde ont été édifiés sous l’influence hellénistique à la grande époque de la Grèce classique. Le bassin méditerranéen, alors considéré par les Anciens comme le centre du Monde connu, ne pouvait que concentrer l’ensemble des Sept Merveilles dont la liste est souvent attribuée à Philon de Byzance, écrivain, ingénieur et mathématicien.

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PHILON DE BYZANCE, SCIENTIFIQUE DE GÉNIE

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Plusieurs listes des Merveilles du monde ont été dressées mais celle réalisée au 3ème siècle avant J.-C. par Philon de Byzance, ingénieur et mathématicien, est tout de même considérée comme la meilleure référence parmi les nombreux témoignages et manuscrits relatifs aux Sept merveilles du Monde. Ce voyageur mais aussi cet artiste des découvertes technologiques, ce « Léonard de Vinci de la Grèce classique » a aussi surtout marqué son époque par son génie de la machinerie mécanique.

Son œuvre mécanique parvenue jusqu’à nous

Parvenus jusqu’à nous, ses plans et modules de machines diverses illustrent le génie de cet homme du 3ème siècle avant J.-C. qui a lui aussi éclairé l’humanité. Philon a touché à tout et livré ses plans pour que chacun profite de ses inventions astucieuses et souvent lumineuses. Il a mis au point notamment ce que les spécialistes qualifient de traité des Clepsydres, en quelque sorte le principe d’un sablier qui gère par exemple le temps oratoire d’un discours. Cette mécanique est constituée d’un récipient qui laisse s’écouler l’eau par un orifice, fixant ainsi le temps de parole et y mettant un terme dès lors que le vase s’est totalement vidé.

Un ingénieur qui a éclairé la Grèce classique

Les différents traités et notices de ses inventions abondent, des leviers aux automates et des roues qui peuvent se mouvoir elles-mêmes. Philon de Byzance a également offert des travaux pour la construction des ports ou différentes machines de combats sans omettre un exceptionnel traité des fortifications. Sa servante automatique est un chef-d’œuvre visible au musée de la Technologie grecque antique à Héraklion en Crète. Avec une morphologie humaine, elle offre au visiteur le choix d’un verre d’eau ou d’un verre de vin se remplissant par l’effet du poids de la coupe déposée dans sa main qui actionne un mécanisme à ressorts.

De septem spectaculis

La liste de Philon, De septem spectaculis ou encore De septem mundi miraculis, ne semble pas être la seule puisque Hérodote, géographe et historien du 5ème siècle avant J.-C. avait également dressé un premier inventaire de monuments ou temples qu’il eut qualifiés d’extraordinaires. En revanche, certains réalisations postérieures à sa mort ne pouvaient pas apparaitre, en particulier le phare d’Alexandrie érigé au 3ème siècle avant J.-C. Le poète grec Antipater de Sidon, disparu vers la fin du 2ème siècle a aussi offert au monde grec et à l’humanité une épigramme venue jusqu’à nous révélant un répertoire quasi similaire à la liste canonique de Philon de Byzance. De son côté, l’archéologue français Jean-Pierre Adam a inventorié dix-neuf listes ou segments d’inventaires des Sept merveilles du monde.

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DES SEPT MERVEILLES, SEULE LA PYRAMIDE DE KHÉOPS A RÉSISTÉ A L’ÉPREUVE DU TEMPS

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Des Sept merveilles du monde, seule la pyramide de Khéops a résisté à l’épreuve du temps, les six autres ayant disparu en raison des séismes actifs et fréquents dans le bassin méditerranéen oriental. La pyramide de Khéops qui échappe d’ailleurs comme les jardins suspendus du palais de Nabuchodonosor II à l’influence hellénique répandue de la Méditerranée et de l’Asie Mineure.

La liste canonique, celle de Philon de Byzance

Le plus ancien monument, la pyramide égyptienne de Khéops ouvre l’inventaire et le phare d’Alexandrie, toujours en Egypte, clôture le prestigieux classement de Philon. Les sites qui suivent ont tous été érigés sous l’influence du monde grec, à l’exception de la pyramide de Khéops et des jardins de Babylone. On retrouve donc les cinq autres merveilles sous l’influence hellène, la statue de Zeus à Olympie en Grèce continentale puis le temple d’Artémis à Ephèse et le mausolée d’Halicarnasse, tous deux localisés en Asie Mineure, le colosse de Rhodes, île grecque au large du littoral anatolien et le phare d’Alexandrie sur la côte égyptienne.

La pyramide de Khéops, depuis plus de 4500 ans

Érigée vers 2560 avant J.-C. la pyramide du pharaon Khéops, une vielle dame de plus de 4500 ans, se dresse toujours dans le ciel cairote immuablement bleu. Elle est la seule des trois grandes pyramides du plateau de Guizèh à avoir intégré la liste de Philon. Avec une hauteur initiale de plus de 146 mètres et des côtés de 230 mètres, le tombeau de Khéops écrase le plateau désertique qui s’ouvre sur le désert libyque. Il faut imaginer la beauté de cette structure gigantesque alors recouverte d’un revêtement de calcaire aujourd’hui disparu dont la blancheur au soleil pouvait enflammer sous l’Ancien Empire le ciel de Memphis.

Les jardins suspendus de Babylone

Le nom de Babylone fait toujours rêver et illustre la puissance et le génie des hommes entre Tigre et Euphrate qui surent bâtir un puissant empire en Asie occidentale, rival de la domination grecque notamment en Méditerranée, en Égée et en Asie Mineure. C’est le roi Nabuchodonosor II qui fit ériger un nouveau palais doté à chaque niveau de nombreux jardins de fleurs et d’arbres dans sa cité de Babylone au 6ème siècle avant J.-C. Le souverain babylonien a voulu représenter les belles forêts et la nature généreuse des collines boisées proche d’Ecbatane, dans l’actuel Iran près du mont Oronte, la cité dont son épouse Amytis était originaire. Si certains historiens émettent des doutes sur la réalité des jardins suspendus de Babylone et que d’autres les situeraient plutôt à Ninive, les récits des voyageurs abondent pourtant de descriptions éblouissantes pour exposer la beauté des jardins et la remarquable ingénierie, en particulier relative à l’irrigation de ce chef-d’œuvre.

La statue de Zeus à Olympie

Érigée vers 432 avant J.-C. en Grèce continentale par le génie du sculpteur athénien Phidias, la statue de Zeus dans la cité des jeux est qualifiée de chryséléphantine, du grec ancien chrysos signifiant or et elephàntinos, traduction d’ivoire. Abritée dans un temple dorique et modelée sur une structure de bois, la majestueuse statue fut réalisée avec des plaques d’ivoire symbolisant la chair et l’or illustrant les bijoux et les vêtements. Zeus tenait dans sa main droite une statuette de Niké, la déesse de la victoire et un spectre dans la main gauche, délicieusement décoré par un aigle selon la chronique. Zeus qui portait des sandales était drapé dans un himation, le vêtement sans manches caractéristique de la Grèce antique. Cette troisième merveille selon la liste canonique fut plus tard affectée dans une collection à Constantinople et disparut dans un tremblement de terre ou peut-être un incendie, les sources ici et là semblent divergentes.

Le temple d’Artémis à Ephèse

Situé à Éphèse à deux pas du littoral égéen sur la côte anatolienne, le temple d’Artémis ou l’Artémision était un merveilleux temple aux colonnes d’ordre ionique destiné au culte d’Artémis, la déesse de la nature, de la chasse et protectrice des jeunes femmes lors des accouchements. Fille de Zeus et de Léto, sœur d’Apollon, Artémis fut toujours dotée de ses attributs de la chasse, arc et flèches mais aussi souvent représentée avec de nombreux seins symbolisant la fertilité. Financé par le célébrissime Crésus roi de Lydie, à partir de  le temple d’Éphèse affichait des dimensions exceptionnelles, plus 137 mètres de longueur sur 72 de large, soit plus du double du Parthénon situé sur la colline de l’Acropole à Athènes. La chronique mythologique précise d’ailleurs que lors de l’épisode de la guerre de Troie, Agamemnon aurait tué l’un des cerfs sacrés d’Artémis qui aurait alors ralenti la flotte du roi de Mycènes qui offrit sa fille Iphigénie en sacrifice. Par pitié, Artémis la remplaça finalement par un cerf et fit ainsi d’Iphigénie une prêtresse dans son sanctuaire en Tauride près de la mer Noire. En 356 avant J.-C. Érostrate, un berger, mit le feu au temple simplement pour rentrer dans l’histoire. Le complexe d’Érostrate est d’ailleurs attribué par la psychanalyse à ceux qui sont prêts à tout pour marquer leur environnement en se fixant une apparence et un mode de vie.

Le mausolée d’Halicarnasse

Cinquième merveille dans l’ordre canonique de Philon, le tombeau du roi Mausole à Halicarnasse, aujourd’hui Bodrum sur la côte égéenne d’Asie Mineure, a fasciné tous les voyageurs. Destiné au roi Mausole, le tombeau était tellement prodigieux et spectaculaire par ses dimensions et sa décoration qu’il laissa le mot mausolée. Mausole dont on donna ici et là le nom de roi était en fait un satrape, c’est-à-dire un gouverneur d’une Satrapie, une province de l’empire perse. Le tombeau fut édifié autour de 350 avant J.-C. sur commande de la reine Artémise II, sœur et épouse de Mausole, et conçu par les plus grands artistes et architectes de l’époque dont Satyros de Priène. L’enceinte sacrée était surmontée de 36 colonnes et s’ouvrait par un propylée, un vestibule monumental porte d’entrée du mausolée. Un quadrige de marbre, char attelé de quatre chevaux et conduit par Mausole, dominait le fabuleux édifice aux centaines de mètres de frises colorées.

Le colosse du port de Rhodes

La gigantesque statue de près de 35 mètres de hauteur ouvrait l’entrée du port de Rhodes, la grande île à deux de la côte anatolienne, aujourd’hui la Turquie. Ce colosse de Rhodes, du grec kolossos puis du latin colossus personnifiait en fait Hélios, le dieu du soleil, souvent représenté avec une couronne à pointes symbolisant les rayons du soleil et parfois chevauchant un char dans un ciel lumineux. Dressé vers 292 avant J.-C. le colosse symbolisait aussi le succès des Rhodiens face aux Macédoniens. Le monument s’est effondré à la suite de tremblements de terre, souvent violents en Méditerranée orientale. Constitué d’une ossature de bois, selon le même principe que le Zeus d’Olympie, la statue bénéficia d’une couverture en plaque de bronze, environ treize tonnes selon les textes de Philon lui-même. Plusieurs hypothèses sont émises sur la localisation précise du colosse à l’entrée du port de Rhodes. Peut-être situé sur un seul côté, il est cependant souvent admis qu’il fut disposé sur les deux travées de l’entrée du port, une jambe de chaque côté permettant ainsi aux navires de pénétrer dans l’anse en passant sous le colosse. Néanmoins de récents travaux émettent aussi d’autres hypothèses dont celle de sa localisation au sommet de l’acropole rhodienne lui conférant ainsi une dimension exceptionnelle en dominant l’intégralité de la cité et de l’archipel.

Le phare d’Alexandrie

C’est sous le règne de Ptolémée 1er, général macédonien d’Alexandre le Grand et de son fils Ptolémée II que s’éleva le célèbre phare qui guidait les navires du 3ème siècle avant J.-C. au 14ème siècle de notre ère vers le port d’Alexandrie. L’île de Pharos sur laquelle se dressait l’ouvrage a d’ailleurs donné son nom au mot phare. Issue des Ptolémée, la dynastie lagide ambitieuse et performante décida d’ériger un phare et une chaussée pour relier l’île de Pharos au continent. Appelée Heptastade, cette voie a été décrite par Strabon, géographe grec. Érigé pour assurer le salut des navigateurs, le phare s’intégrait aussi dans un schéma de propagande et de grandeur des Ptolémées dans une ville cosmopolite aux proportions démesurées dont le phare devait impulser un message de grandeur de la civilisation lagide. La structure qui mesurait probablement environ de 70 mètres de haut a marqué tous les visiteurs. Effondré aujourd’hui en raison des nombreux séismes en Égypte, le phare a toutefois ouvert la voie à une nouvelle spécialité pour les chercheurs, l’archéologie sous-marine qui permet d’étudier les structures et pierres jonchées sous l’eau à quelques mètres de profondeur seulement. La statue qui dominait le sommet du phare n’a jamais été formellement identifié, et les nombreuses hypothèses évoquent Zeus ou peut-être Poséidon, le dieu grec de la mer.

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Les hommes et les civilisations ont toujours voulu imprimer leur grandeur et marquer l’histoire du monde. Les moyens souvent rudimentaires ont malgré tout permis grâce au génie et à l’audace des architectes de réaliser avec une foi inébranlable des prouesses rangées au rang de merveilles, illustrées notamment par cette précieuse liste des Sept merveilles du monde attribué à Philon de Byzance.

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Philippe Estrade rédacteur Pluton-Magazine.

Pluton-Magazine.

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