Anne-charlotte MENORET: « Artiste lissière un art méconnu du public ».

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Initiée à l’art dès son plus jeune âge par ses parents, dont un père artiste- peintre qui exposa avec Gaston Chaissac et d’une mère qui fabriquait des ouvrages textiles tels que la dentelle et la broderie, puis d’une rencontre avec Jean Lurçat, Anne-Charlotte Ménoret poursuit son chemin artistique à travers eux, en conservant les odeurs de l’atelier de peinture aux vapeurs de térébenthine, de lin et de vernis jusqu’au toucher des fibres textiles allant du coton à la laine. À l’occasion du salon Art Capital 2018,  au Grand Palais, l’artiste lissière, qui présentait son œuvre intitulée Nuancier, nous raconte son parcours.

 

 

 

P.M Pourquoi ce titre ?

 

Mon père était artiste-peintre-décorateur et toute petite, j’étais baignée dans les nuanciers de couleur pour la décoration d’intérieur. Je prenais les palettes de différentes couleurs que je découpais et j’en faisais des collages sur du papier. J’ai été imprégnée de ces nuanciers, c’est pourquoi je tenais à lui rendre hommage à travers cette tapisserie « Nuancier ».

C’est une pyramide de la diversité génétique et culturelle, à travers laquelle se présente cette palette de couleurs sombres, claires, foncées, lumineuses, tendres, aux formes grandes, petites, fripées et lisses.

 

 

 

P.M Artiste lissière, c’est quand même un art peu connu. Qu’en pensez-vous ?

Je vais dire que c’est un peu un art méconnu du grand public, car les arts qu’on met sur le devant de la scène, ce sont surtout la peinture, la sculpture, la photographie et tout ce qui est textile, orfèvrerie,  marqueterie, tapisserie et bien d’autres sont dans l’ombre et c’est pour cela que je la fais découvrir. Je montre mon art textile en expliquant aux gens la technique dans mes tapisseries, faite d’une base classique due à mes études, tout en m’orientant vers d’autres techniques plus contemporaines avec de nouveaux matériaux. Je leur fait découvrir que c’est un art laborieux, minutieux,  fait de patience,  de précision et de réflexion dans le travail de préparation et d’élaboration pour le choix des couleurs comme dans la technique de tissage.

 

 

 

 

P.M En matière de technicité, quel genre de point utilisez-vous pour ces tapisseries ?

 

Alors, pour celle que je présente ici, j’utilise au départ le point classique qu’on appelle « point Gobelin » puis après quelques rangées, je passe à une technique de volume, que l’on appelle le dédoublage de chaîne. C’est une technique faite d’un rajout de chaîne que l’on tisse en même temps que le fond de la tapisserie. Pour apporter cet effet bombé dans les différentes grosseurs de bandes, j’ai tissé du fil de fer de laiton. Les dégradés de couleur ont été réalisés avec différents coloris dans mes choix de laine.

 

 

 

Mon cursus explique ma démarche artistique : 3 ans aux Beaux-Arts d’Angers, avec une base classique, où j’ai appris à tisser sur un métier de basse-lisse « Type Aubusson  – Manufacture de Beauvais ». La deuxième année, j’ai pris une autre orientation vers la haute-lisse dite « Type Manufacture des Gobelins » pour réaliser la tapisserie Paracas, car je voulais avoir du relief dans ma tapisserie d’où la technique du « point Savonnerie » que l’on appelle « point tapis ».

Désormais, j’utilise un métier de haute-lisse, car ma création textile s’oriente plutôt vers de la recherche et des formes textiles afin de pouvoir réaliser des tapisseries en volume, avec d’autres matériaux.

 

 

 

 

P.M Combien de temps faut-il pour réaliser ce genre de modèle ?

 

Sur celle-ci, je ne donnerai pas le nombre d’heures, le nombre de jours,  le nombre de semaines, le nombre de mois et le nombre d’années, parce que c’est une tapisserie que j’ai entreprise puis laissé tomber puis reprise. Par contre, celle que je fais actuellement, elle sera très grande, c’est un hommage à quelqu’un, vous la découvrirez quand ce sera la tombée de métier. La tombée de métier veut dire couper la chaîne de la tapisserie et tout le monde découvre le résultat de l’œuvre terminée. Actuellement, je comptabilise les horaires de travail sur la prochaine, car depuis que j’expose, les gens s’intéressent de plus en plus à la tapisserie, sont même très curieux de voir certaines techniques, comment on les réalise et le temps que l’on peut passer sur une œuvre tellement c’est minutieux et laborieux.

 

Quelques réflexions de l’artiste-lissière à travers ses tapisseries

 

 

 

« Le présent fait toujours alliance avec le passé puisqu’il garde la technique classique pour essayer de la transposer en modernité »

« L’artiste peintre mélange les couleurs avec ses pinceaux, tandis que l’artiste lissier mélange les laines avec ses broches »

« Lorsque je tisse une tapisserie, je pénètre au fur et à mesure dans l’œuvre et n’en ressors qu’à « la tombée de métier »

« Il faut être sensible ou être attiré par la matière textile ou autre texture pour tisser, sinon les résultats sont froids et impersonnels »

« Ainsi, la tapisserie est souvent considérée comme un art à part entière »

 

 

 

 

Reportage Dominique LANCASTRE

Secrétaire de rédaction: Colette FOURNIER

Pluton-Magazine/2018

 

 

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