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Par Georges Cocks
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Les formes de pouvoir se sont succédé depuis des siècles et aucune n’a réellement satisfait tous les besoins des citoyens. Pourtant, il existait une époque où il n’y avait pas de leader, ni de chef, ni aucune hiérarchie et où tout le monde se portait bien. Ce n’est que lorsque l’homme a décidé de se sédentariser que les ennuis ont commencé. Les plus forts ont dépossédé les plus faibles et aujourd’hui encore c’est le modèle qui perdure partout dans le monde. Ce sentiment d’injustice est à l’origine de bon nombre de manifestations et de soulèvements de la population car les plus forts se protègent entre eux et les fractures des classes sociales se creusent de plus en plus. Pourtant, le bulletin glissé dans l’urne était un pacte de confiance qui ne sera pas ou sera très peu respecté. Une grande majorité des citoyens ne verront jamais les retombées de ces promesses de campagnes mielleuses.
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Pourquoi repenser ?
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Si dans toutes les démocraties du monde aujourd’hui perdurent des problèmes de société majeurs, c’est parce que la composition même de ces démocraties est faite par un groupe d’individus issus des mêmes écoles et des classes sociales élevées. Ce sont des avocats, des banquiers, des financiers, des entrepreneurs importants, des juristes… tous avec des conditions sociales similaires. Ils devraient justement être capables grâce à leur niveau d’études de comprendre et solutionner ce qui ne fonctionne pas dans la société. Mais ce n’est pas le cas. Les intérêts des classes moyennes ne sont pas pris au sérieux. Par conséquent ce modèle de représentativité est devenu obsolète depuis très longtemps. Il n’est point nécessaire de faire d’études pour le comprendre parce qu’à l’échelle mondiale, ce modèle est un échec cuisant.
En matière de génétique, nous savons tous que pour maintenir une population d’individus forte, en bonne santé, le croisement s’est avéré être la meilleure façon d’avoir des individus sains et résistants. Si on appliquait cette règle dans le principe de la représentativité des élus au parlement, n’aurions-nous pas à y gagner ? Dans ce cercle, on retrouverait des citoyens hommes et femmes issus de toutes les classes : ouvriers, immigrés, hommes et femmes de la population active. Chaque citoyen aurait une chance d’accéder au pouvoir, pensait le politologue Antoine Vergne qui soutient cette idée. Selon lui, un tirage au sort par une loterie garantirait cette équité et engendrerait moins de corruption. Cette idée de Vergne n’est pas une nouveauté. Elle remonte déjà à la Grèce antique, Athènes et Rome. Le tirage au sort stabilisait le régime et évitait ainsi les abus de pouvoir. Le hasard pour une fois pouvait bien faire les choses. Ce principe de la loterie politique est réapparu dans les 70 avec un sociologue allemand pour répondre à la crise de la démocratie représentative. Des citoyens étaient tirés au sort et payés pour faire de la politique. Ils pouvaient dès lors se pencher sur des problèmes importants en travaillant en petits groupes dans des cellules de planification. Leur travail était ensuite consigné dans un rapport. Le constat était sans appel. L’expérience était une réussite : les individus étaient capables de débattre sur des problèmes complexes et de prendre des décisions cohérentes qui sont applicables.
Il est regrettable que ce principe ne se soit pas exporté au niveau mondial même si quelques rares pays y ont eu recours. Notre démocratie entière se porterait sûrement mieux et tout le monde aurait à y gagner. Les grandes décisions qui divisent gouvernements et citoyens aujourd’hui seraient quasi-inexistantes. Les élus parlementaires ont une vague idée de la vie réelle des citoyens de la classe moyenne. Leurs vies sont souvent une suite par procuration qui leur ouvrent facilement des portes et les quelques confrères qui s’opposent à leur vision sont discrédités, et la majorité l’emporte. Les textes de loi sont incompris par la population et s’appliquent de façon unilatérale, souvent sous une forme répressive. Un gouvernement qui applique des sanctions pour faire appliquer ses lois a échoué. Il se met à dos certains élus et une part importante de la population et les tensions sociales restent toujours persistantes. Ces dernières années, les électeurs sont nombreux à ne plus considérer le vote comme un acte citoyen. Les premiers tours prennent parfois des allures fantômes. Ils sont convaincus que rien ne changera, quel que soit le gouvernement mis en place.
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Pourquoi ne réforme-t-on pas le modèle politique ?
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On aurait tant à y gagner. La pandémie de Covid-19 nous offre une excellente fenêtre d’observation. Certaines décisions sont dénuées de sens et parfois frôlent l’absurdité. Une preuve évidente que la position sociale des élus parlementaires n’offre pas forcément des solutions viables et efficaces. Comme en Allemagne, tout le monde ne voit pas d’un bon œil qu’un éboueur puisse prendre une décision favorable pour lui. Les décisions du gouvernement ne peuvent être contestées par les représentants des régions alors qu’elles auraient pu être appliquées autrement. Elles sont vérités. Ce modèle montre pourtant ses limites. Il continue d’alimenter la corruption et les prises d’intérêt.
George Orwell avait prédit qu’il y aurait un ministère de la vérité. Le mensonge serait vérité et beaucoup de chefs d’État aujourd’hui intiment à leurs citoyens de ne croire que ce que dit leur gouvernement. Toute autre source d’information serait de l’intox. Ils vont parfois jusqu’à couper tous les accès secondaires à l’information. Quand il n’y a plus de voix contestataires, il n’y a aucun moyen de vérifier la parole gouvernementale. Certaines chaînes d’informations prônent de ne dire que la vérité, de démêler le vrai du faux quand ces mêmes chaînes publient les contradictions même du gouvernement. Le mensonge est devenu la vérité absolue parce que la population n’ayant aucun moyen de contrôle de l’information émanant du gouvernement, le mensonge est devenu la vérité. Le gouvernement se défend d’être attaqué par des propos complotistes. Tous les propos ne sont pas des complots, et ils sont bien menés et suivent une logique qui dérange l’intérêt et l’objectif inavoué du gouvernement. Si les citoyens participaient aux grands débats politiques, il y aurait plus de chance de prendre des mesures et des décisions qui seraient approuvées par la grande majorité.
Personne ne voudra repenser le modèle actuel parce que les enjeux sont trop importants. Il y aurait beaucoup à gagner pour tous les citoyens mais ce qu’il y a à perdre pour les économistes et les politiques représente une manne financière colossale. C’est la preuve évidente qu’il n’y a pas de combat véritable des pouvoirs politiques pour changer les choses durablement. Maintenir une partie de la population dans un asservissement intellectuel par la police de la pensée est un crime. L’homme pensant est mort et celui qui pense par lui-même est un rebelle, un danger. Les asservis vont jusqu’à se substituer à la police de la pensée et considérer leurs pairs comme des opposants à l’ordre.
Nous avons atteint des sommets dramatiques et rien de consistant ne sort des innombrables Grenelle, des sommets, des conseils… La volonté est un semblant de vouloir pour continuer d’alimenter l’optimisme des masses, pour que ces dernières perdent de vue la réalité. Cet optimisme assure l’élection ou la réélection d’un pouvoir qui affaiblit le vivant au sens large du terme. Le système financier est si habilement contrôlé qu’il assure de façon légale, et dans une proportion mondiale, le déclin social au détriment de la croissance économique. Impuissants, les citoyens se rendent bien compte que leur bulletin n’est qu’une supercherie mais c’est le jeu qu’ils ont accepté de jouer sans en connaître les règles. Un jeu basé sur des promesses de campagne et une confiance fébrile. Un jeu dont les conséquences sur la vie humaine sont irrémédiables.
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Ce pourvoir n’est pas proportionnel face à ceux à qui il s’applique car les forces en présence ne sont pas équilibrées. Il est totalement démesuré et laisse peu de chance pour consolider les classes entre elles. Il divise pour mieux régner et se targue d’agir dans l’intérêt du collectif sans aucune consultation de ce dernier. Il semble que nous entrons dans l’ère du pouvoir totalitaire une nouvelle fois. Une douce dictature que certains acceptent sans méfiance. Ce nouveau pouvoir joue son jeu d’influence par la lobotomisation en complicité avec une friandise qui attise la gourmandise : les nouvelles technologies. Ce sont ces dernières qui permettent à leur tour d’orienter les votes, d’inverser les tendances, d’exploiter les informations des réseaux sociaux pour palabrer des discours qui parlent à tout le monde. On en a presque les larmes aux yeux. On se dit : enfin, le changement est en route ! Seulement la politique économique est si puissante aujourd’hui. Elle juge et tout le monde se plie à sa volonté et à sa loi. Pourtant, elle est en partie responsable des grands problèmes de notre planète, de notre santé et menace directement notre avenir.
Qui veut voter contre cela ? Voilà pourquoi le mélange social parlementaire ne sera et restera qu’une idée farfelue.
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Rédacteur Georges Cocks
©Pluton-Magazine/2021/Paris 16eme
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Par Georges COCKS
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