A l’orée du bois.
Journal de l’entre-deux : Poèmes 1966-2017 ( Extraits)
Visages qui participent
à la dérive des banquises
vous entraînant vers le ghetto
des derniers mammifères
A quoi servirait-il
que je hisse ma toge
clignote de la voix
et hèle l’infini
l’homme-tempête
connaît d’instinct le geste
qui harponne les mots
Nul n’est besoin d’allégorie
assis à la lisière de la faille
j’attends
(28 mars 2017)
L’odeur de forêts mortes
remonte avec l’aurore
pas une solive qui ne bruisse
du menuet salace
des insectes fouisseurs
quitte à risquer de m’engloutir
dans les déserts d’eucalyptus
j’entrouvrirai la porte
(27 mars 2017)
À moins que ce ne soit
mon reflet inversé
dans un bris de miroir
quelque chose de vif
peut-être une planète
déchire l’apparence
(13 mars 2017)
Avant que le vent tourne
et que la pluie n’accoste
aux berges de l’étang
passer l’été à écouter
vrombir les libellules
dans la blancheur cérusée
des herbes asséchées
ou se noyer dans l’imposture
du drapé maladroit
d’une robe qui s’éloigne
(12 mars 2017)
Je donne à qui l’attend
le coutre de l’araire
j’ai renoncé à partager
le bon grain de l’ivraie
comme la momie posée
sur son lit de poussière
j’hiberne
(1er mars 2017)
Je ne décide pas
des paroles secrètes
je suis le trébuchant
l’oiseau gris des fontaines
la pierre de seuil usée
par le tourment des sources
(30 mars 2012)
Corbeaux hallucinés
sur les souches brutales où l’hiver a passé
ne me demandez pas d’où je viens qui je suis
ni quelles larmes j’ai versées à l’entrée de la nuit
ni quelle sorte de lierre enserre ma poitrine
ni quel accord brisé sur le sillet des jours
entrave ma guitare
(1er avril 2014)
Pareil à une conque
et comme elle résonnant
au vent lunaire qui s’attiédit
sur les façades grises
je suis cette hirondelle
que tu croyais frôler
(19 août 1992)
L’hiver est presque mort / le printemps se prépare / le bruit des armes remonte par les veinules de la terre / la voix de Mars résonne derrière les hauts talus cuirassés de jacinthes / voici venu le temps des agonies superbes. (5 mars 2017)
Comment aurais-je pu savoir / au temps lointain où je liais / des rameaux et des fleurs aux paillis de l’aurore / que les mots effacés par la première neige / reviendraient me hanter à la fin de l’hiver / dans le calice fatigué des fontaines publiques. (2014)
J’ai mille ans aujourd’hui et comme tous les matins je me suis réveillé hanté par le gibet de Montfaucon. Corps en guenilles livrés à la morsure du vent, du froid et de la canicule, à la voracité des corbeaux, des corneilles, et même à celle des goélands qui viennent jusqu’ici prendre part au festin. Orbites évidées face à un océan à jamais refusé. Squelettes cliquetant sur la plaine et la ville comme de funestes appeaux. Je fais depuis toujours partie de cette confrérie. Criminel ? Peut-être… Innocent ? Sans doute… On ne crie pas obstinément contre le vent sans s’exposer aux mains du tourmenteur. Voyez-vous, mes amis, être branché à Montfaucon est pis que d’être cloué en croix. Ici pas de remords ni d’espérance et surtout pas d’orgueil. Nul lys, nul bleuet et nulle humble fougère ne pousseront jamais sur le terreau noirci où vos restes ont fini par tomber. Nulle main charitable ne roulera sur vous la pierre du tombeau.
On ne meurt pas à Montfaucon.
On se fond dans l’oubli.
Et peu importe ce que vous fûtes…
(7 janvier 2009)
Je commande à des arbres altiers en leur mature / Je viens du vent de l’ouest / je viens des lourdes brumes / La parole chevillée à la bricole des bœufs / je ne cherche ni à croire / ni à faire / ni à dire / je suis comme un essaim à la pliure des cils / un plein flot de sargasses aux yeux des poissons morts. (1976)
Craquements des glaciers — hors du temps dans le temps — Cri râpé de la gorge au frontal des roches / Je ne pavoise pas/ J’écris dans la fureur. (1976)
José Le Moigne sera le 2 avril au Salon Grâce Aux Livres (Côtes d’Armor près de Guingamp.) Espace multiculturel. De 10H à 18H
Bibliographie:
Poésie
– Polyphonies … : Éditions du centre 1965
– Blessure d’ombre : Millas-Martin 1974
– Visages-clés : Millas-Martin 1976
– Portuaires … : Chambelland Le pont de l’épée 1980
– Des villes par-dessus les saisons : La Bartavelle 1993
– Offrande du matin : L’impatiente 1997
– Je me rêve en animal (avec les jeunes de la PJJ Nord Pas de Calais) : L’Arbre 1996
– Dans mon pays (Tirage limité) Valenciennes 2004
– Frontières d’eau (tirage limité) Valenciennes 2005
– Poèmes du sel et de la terre : L’arbre à paroles (Belgique) 2008 /Sélection Prix Carbet de la Caraïbe 2009
– Echos de l’île : L’harmattan 2013 / Finaliste Prix Fetkann 2013
Divers
– Poètes de Bretagne (Anthologie) Revue l’Encrier 1992
– Poètes du Nord Pas de Calais (Anthologie) Maison de la Poésie du Nord Pas de Calais 1994
– Porteurs de printemps (anthologie) : Maison de la Poésie du Nord Pas de Calais 2002
– Sur des chemins ouverts (anthologie bilingue, traduction Bruno Rombi) Maison de la Poésie du Nord pas de Calais 2000
– Poètes de France et du Mexique, Alliance Française 2005
– Babylonia (Anthologie franco-italienne, traduction Bruno Rombi) Gênes 2005
– Pour Haïti (Anthologie) Desnel Editions, Fort-de-France 2010
– Portraits dédicacés (Anthologie de Jacques Basse) Raphaël de Surtis 2010
Romans
– Chemin de la mangrove : l’Harmattan 1999
– Madiana : Ibis Rouge éditions 2001
– Tiré chenn-la an tèt an mwen ou l’esclavage raconté à la radio : Ibis Rouge éditions 2004
– Une ritournelle : Le manuscrit 2007, Sélection Prix du Léon 2009
– Récit: Joseph Zobel, la tête en Martinique et les pieds en Cévennes (préface de Raphaël Confiant) :
– La Gare: Microcosme Éditions, septembre 2010, sélection Prix Carbet et du Tout-Monde 2010
Pluton-Magazine/2017
Copyright Une promenade en poésie/2017
Dominique Lancastre/Ceo