Au Café de la Gare, temple absolu de la comédie, on a fait un choix pour le moins radical, aux antipodes de la programmation habituelle. Et oser, c’est bien !
« Alexandre et les dessous de la conquête » est une pure tragédie de Jean Racine.
Le texte en alexandrins, d’une puissance rare, vous chavire, comme une lame de fond océanique le ferait d’une trirème, abandonnée après un combat naval perdu. La pièce est évocatrice d’une réflexion politique très actuelle qui opposent deux attitudes, celle de la collaboration et celle de la résistance.
Au IVe siècle avant Jésus-Christ, Taxile et Porus, rois des Indes, brûlent tous deux d’amour pour la reine Axiane. Tandis qu’Alexandre le grand approche de leur pays, la sœur de Taxile, cherche à convaincre son frère de collaborer avec lui. Quant à Porus, il refuse et décide de résister jusqu’au bout. Il combattra seul, aidé par l’amour d’Axiane.
L’atout principal de la version présentée ici est sans contestation les comédiens. Manon Rony en tête, interprétant avec une présence folle la reine Axiane. Grave, forte, pénétrée, la comédienne excelle à restituer l’alexandrin. Le rythme très particulier et si fragile, qu’un souffle de trop ou de moins affadit, est ici parfaitement maîtrisé.
Jean-Yves Roan incarne l’ambassadeur Éphestion avec charisme. Jean-Romain Krinen en Alexandre dominant l’empire, Pascal Guignard Cordelier en roi Taxile soumis et Salomé Mandelli en Cléofile sont également convaincants.
Seul Frédéric Bompard, qui interprète un roi Porus étrangement hilare, est à la peine. Il semble être gêné aux entournures par les alexandrins et un rôle peut-être un rien trop grand pour lui.
Même si l’on sent que cette pièce a été montée avec un budget extrêmement serré (costumes approximatifs et effets réduits) la force du texte et de son sujet remporte la bataille. La courageuse Sotha, qui met en scène cette tragédie puissante, est également à louer pour sa bravoure!
Alexandre ou les dessous des conquêtes
De Sotha d’après Jean Racine
Mise en scène de Sotha
Festival d’Avignon off 2016. Les jours pairs du 10 au 28 juillet à 11h25
Théâtre de Amants
1 Rue et Place Grand Paradis
84000 Avignon
Note plutonnesque} 🙂 🙂
Bigarré!
Après avoir fait un tour au Théâtre du Rond-point, la comédie écrite, mise en scène et interprétée entre autres par Pierre Guillois, fait souffler un vent de fraîcheur sur la scène du Théâtre Tristan Bernard !
Pffft, Zluk, Atch, Rehmm !!! Pendant près de deux heures, voilà tout ce que vous entendrez sortir de la bouche de ces trois lascars ! C’est un pari fou. Car au théâtre, on a surtout l’habitude d’y aller pour entendre un texte. Ici, il vous en est proposé un… mais sans paroles ! Il faut l’avouer, c’est une rareté ! Et dans le cas présent, une totale réussite !
Car au départ, c’est d’une banale histoire de voisinage dont il s’agit. Au dernier étage d’un immeuble très citadin, sont accolées trois chambres de bonne. L’une habitée par un geek fou d’opéra et maniaque de la propreté, l’autre par un happy hippy hirsute, et la dernière, par une belle qui n’a pour compagnon qu’un poisson dans un bocal…
Nous entrons alors dans leurs quotidiens et explorons la solitude de ces êtres. Par la comédie certes, mais pas seulement. Une certaine tristesse se dégage par moment de ces personnages qui cherchent le bonheur mais ne le trouvent pas. Cela renforce l’attachement que l’on éprouve à ces personnages un brin pathétiques par leurs errements et leurs faux-pas. Et donne du fond à ce petit bonbon acidulé.
Toute la force de ce spectacle atypique réside dans la mise en scène et la scénographie très inventives. Les trouvailles, astuces et autres folies furieuses sont extrêmement bien pensées et exécutées, d’une qualité ébouriffante! De surcroît, les comédiens servent parfaitement cette extravagance ! Jonathan Pinto-Rocha, nous offre d’ailleurs son beau brin de voix pour quelques effets d’opéra stupéfiants ! Quant à Agathe L’huilliers, elle est aussi foutraquement Rock ‘n roll qu’Amy Winehouse dont elle arbore l’emblème sur la jambe !
Une mention spéciale pour les régisseurs de cet ovni ! Que ce soit à la régie son et lumière ou à la régie plateau, leur talent est hautement mis à contribution ! Une fois n’est pas coutume, vous verrez ces derniers aux saluts. Ce qui fait bigrement plaisir!
Bigre
Écrit et mis en scène par Pierre Guillois.
Jusqu’au 30 juillet 2016. Du mardi au samedi à 20h30
Théâtre Tristan Bernard
64, Rue du Rocher
75008 Paris.