Anggy Haif – Haute Couture
C’est au 62, Espace Christiane Peugeot, qu’aficionados, amis et fans du couturier s’étaient donné rendez-vous pour sa collection Haute Couture 2016, intitulée Rasyn R.A.S.Y. N, mais vous aurez compris qu’il joue ici avec la phonétique. Rasyn-Racine ou si vous préférez dans la langue de Shakespeare : Root. Rasyn-Racine-Root, un univers où les matières brutes, lianes, calebasses, écorces d’arbres fusionnent avec les textiles modernes de la planète dans une explosion de couleur et un bouillon de culture.
Un parcours admirable : de Douala à Paris
Né à Douala, issu de la tribu Yambassa du Mbam Inougou, Anggy Haif s’amuse à habiller des poupées avec les chutes de tissus que sa mère couturière laissait tomber, lorsqu’il était enfant. Elle est aussi chanteuse traditionnelle et c’est par la musique que commence Anggy Haif. Repéré à Yaoundé par un photographe, il pose comme modèle. Puis, il s’y installe, découvre la danse contemporaine et la percussion. Il devient costumier pour sa troupe. Chant, danse, spectacle, des modèles à habiller, la troupe se développe et il se fait connaître. En 1997, il est repéré de nouveau par la réalisatrice Oswat lewat qui lui fait faire sa première émission en tant que créateur. En 1999, la chanteuse Sally Nyolo le sollicite pour la première partie de son festival Bitkusy.
Paris, le monde, la planète.
De fil en aiguille, ce qui est tout à fait normal pour un créateur, Anggy Haif tisse des liens. À partir de 2002, il devient incontournable. En 2005, il remporte le premier Prix Jeunes Créateurs lors d’un festival organisé au Niger par l’Alliance Française de Paris et obtient une bourse pour un stage de 6 mois avec la maison de couture Azzedine Alaia.
Il s’installe à Paris, capitale de la mode, et en 2006, il remporte le prix professionnel des trophées des Créateurs SEAT organisé au palais des festivals de Cannes. Mais, Anggy Haif ne se contente pas uniquement de Paris, il voyage à travers le monde car son expérience lui permet de former des jeunes créateurs lorsqu’il part en résidence de création. Haïti, Brésil, Saint Domingue, Le Ghana, Centrafrique, comme la liste l’indique, sont des pays où de jeunes créateurs n’ont pas la chance ni les moyens financiers de développer leur art. Anggy s’implique dans la formation des jeunes issus des milieux défavorisés. Le créateur a aussi une vision très écologique et respecte les filières de commerce équitable et le maintien des métiers de l’artisanat.
Des formations clés
À partir de 2012, en créateur conscient des difficultés du métier de la mode (car il faut le souligner, ce n’est pas une des branches des plus faciles et la concurrence y est souvent impitoyable), Anggy Haif se lance dans des formations. Il s’inscrit au ECP Business School of Management (Paris Fashion Factory). Prend des cours de marketing de luxe et de gestion d’entreprise de mode. Il suit la formation Mode Emploi-Créateurs et Entrepreneurs à la Fédération du prêt-à-porter féminin de Paris. Pour financer ses collections, il travaille comme conseil en vente aux Galeries Lafayette et au Printemps (Prada, Sonia Rikiel, Armani) et auprès des boutiques de luxes des aéroports (CDG).
Anggy Haif, une maison aux symboles forts
En mélangeant les matériaux, en choisissant des couleurs vives qui symbolisent la joie et le soleil ; en pariant sur le métissage culturel, en mettant en parallèle les traditions et le luxe contemporain au service du dialogue entre l’art et la mode tout en privilégiant l’usage des matières naturelles traitées de façon écologique, la Maison Anggy Haif envoie des symboles forts dans une société qui cherche son équilibre.
C’est toujours avec cette vision qu’il nous a présenté sa collection Haute Couture 2016 à l’Espace Christiane Peugeot, collection dont chaque pièce est une œuvre d’art dans laquelle les matières s’enchevêtrent pour former un modèle à la fois unique et planétaire. Une collection que vous avez pu découvrir tout en lisant cet article.
Interview: 3 questions à Anggy Haif
Pluton-Magazine : Quel sens donnes-tu à Rasyn ?
Anggy Haif : Rasyn est une fusion des cultures, une interrogation sur notre identité, une réinterprétation des valeurs et des traditions.
Pluton-Magazine : Quelles sont les difficultés que tu rencontres en ce moment dans le cadre de tes créations ?
Anggy Haif: Les difficultés sont totalement financières car il n’existe aucune structure de soutien aux jeunes marques, donc c’est très dur de faire un défilé haute couture quand on n’a aucun financement, mais on se bat pour continuer à faire vivre la mode qui est notre passion, malgré les difficultés.
Pluton-Magazine: Quels sont tes projets ?
Anggy Haif: Mon projet est de trouver un moyen de financement pour pouvoir mieux me développer ou trouver un crédit pour finaliser ma boutique dans le marais et assurer le développement de mes lignes commerciales.
Témoignages
Artiste peintre : « ce que j’aime beaucoup et qui se rapproche de mon travail, c’est l’alliance entre les deux cultures au niveau de l’Europe de ce qui se fait aussi bien au niveau de l’Afrique. On veut souvent mettre des clivages entre les deux et là, c’est la preuve que le mariage est complètement possible et cela donne un métissage réussi et cela porte d’un côté la culture occidentale et d’un autre côté la culture africaine, et pour moi, quand c’est fait dans un endroit comme Paris, capitale de la mode : je dis chapeau.»
Jahel Broda (Mannequin) : « je n’en suis pas à mon premier défilé avec Anggy Haif, mais j’ai beaucoup aimé celui-là pour la diversité de sa collection.»
Anne-Charlotte Ménoret (Artiste-lissière): « Par ses créations avant-gardistes , Anggy Haif, nous a fait plonger lors de son défilé, dans son univers aux multiples réalisations à partir de différents matériaux, les calebasses, les textiles africains colorés, les lianes, les écorces d’arbres, le rafia, le cuir… portés par de sublimes mannequins maquillés à la façon tribale. En tant qu’Artiste-lissière, je ne peux que ressentir une très forte émotion devant la beauté des multiples œuvres d’Anggy Haif, qui nous imprègnent de sa culture Africaine, le Cameroun dont il est originaire.»
Laura le Corre (commissaire d’exposition): « J’ai beaucoup aimé ce défilé qui m’a surpris. Je travaille depuis longtemps avec des plasticiens africains. Anggy fait de ses mannequins une oeuvre d’art.C’est l’alliance du génie avec la classe. On peut avoir le génie et manquer de classe. Il a mis l’Afrique à l’honneur, tout ce qui a de plus beau.C’est un vrai plasticien en vérité.»
Maison Anggy Haif Présentation
Remerciements
Pluton-Magazine remercie E.P Photografia . Vous pouvez consulter les photos E.Photografia sur sa page facebook
Anne-charlotte Menoret– Espace Christiane Peugeot– La maison Anggy Haif – Laura le Corre et ses collaborateurs.
Dominique Lancastre CEO
Secrétariat rédaction Colette Fournier