Dr Marie-Antoinette Séjean, médecin nutritionniste
Digeste, riche en protéines, en minéraux, vitamines et acides gras essentiels, mérite-t-il sa place au top des nourritures saines ?
Une brochette de 8 questions pertinentes sur le poisson ?
1 – Le poisson est-il chargé en métaux lourds ?
Bonne nouvelle ! Une étude scientifique américano-irlandaise, publiée en 2015 dans le célèbre American Journal of Clinical Nutrition, laisse entendre que le bénéfice des acides gras oméga 3 apportés par les produits marins, serait supérieur à l’effet délétère du mercure et favoriserait même chez les femmes enceintes le développement cognitif de l’enfant à naître ! À confirmer par d’autres observations…
En France, l’Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire – a préféré conserver ses principes de précaution. À savoir qu’il est recommandé aux femmes enceintes, allaitantes et aux enfants en bas âge de limiter leur consommation de poisson à deux fois par semaine au maximum.
Choisissez les petits poissons, comme les sardines ou le maquereau (même en boîte), situés au tout début de la chaîne alimentaire, donc moins pollués. Ils sont mangés par les plus gros qui concentrent par contre davantage de toxines.
Fort heureusement, certaines marques génériques, comme en France, Leader Price et Carrefour, ont des taux de contamination moindres, comme l’a révélé tout récemment une enquête de 60 Millions de consommateurs !
2 – Combien de poisson trouve-t-on dans les produits transformés ?
Il n’y a pas que du bon dans les dérivés du poisson : rillettes, nuggets, bâtonnets à frire, surimi… La qualité et la proportion finale de poisson pèchent, noyées sous une quantité phénoménale d’additifs et excipients, panure, fécules et autres liants.
L’utilisation de filets de poisson est rare, hormis dans certains panés. Dans la plupart des produits, la matière première est étiquetée « chair » de poisson. Une chair d’origine plus ou moins noble, mélange de chutes de filetage, voire d’arêtes et de fragments de peau, retravaillé dans des broyeurs et des presses.
Pas vraiment appétissant !
Quant au pourcentage total de poisson, il n’est pas toujours explicite et peut faire le grand écart en fonction des produits. Par exemple, il peut varier du simple au triple pour les soupes.
Pour les brandades et parmentiers, comptez en moyenne 27 % de poisson, pour les soupes 29 %, le surimi 35 %, les panés 56,6 % et les rillettes 58,4 %. Les hachés contiennent en revanche 73,8 % de poisson en moyenne.
Source : association de consommateurs CLCV.
Côté produits surgelés, c’est l’arnaque tant ils sont gorgés d’eau !
Parfois, la quantité de chair réelle contenue dans les coquilles Saint-Jacques, à force de trempage, ne dépasse pas la moitié de leur poids. Il suffit de les cuire pour les voir se ratatiner dans l’assiette !
Cette eau ajoutée en toute impunité par les industriels dans les produits marins, permet de prélever une bonne marge sur des denrées étiquetées produits de luxe ! La bonne astuce est de fuir les surgelés et de se précipiter au rayon frais.
3 – Pas si sûr, l’élevage industriel ?
Avec la mondialisation des échanges, comme le dirait une certaine humoriste : « On ne nous dit pas tout ! » L’élevage industriel laisse ainsi la porte ouverte à toutes les dérives dans certains pays où les normes ne sont pas toujours très drastiques. Antibiothérapie, farines animales, bassin surpeuplé…
Cet élevage intensif favorise le stress et la propagation des maladies à cause d’une « sur-proximité ». Les poissons d’élevage les plus prisés sont les poissons carnivores tels que saumons, daurades, bars, truites ou turbots.
Question élevage, le saumon norvégien est de loin celui qui a la plus mauvaise presse, car il est élevé dans une densité extrême et nourri essentiellement avec des farines et des huiles de poisson.
Optez pour les denrées en provenance d’Irlande et d’Écosse où la densité d’élevage est moindre et la nourriture de meilleure qualité, avec moins, voire pas de farine du tout. Les label Rouge et le label Bio sont un plus.
4 – Le saumon toujours plus maigre que la viande ?
On avance souvent comme vérité première que le poisson le plus gras est toujours moins gras que la plus maigre des viandes. Pas si sûr si l’on observe de plus près leur composition respective.
Le saumon qui est un poisson gras, apporte en moyenne 9 à 10 % de matière grasse. C’est ce taux de lipides qui lui confère sa texture onctueuse et le rend si agréable en bouche. Le saumon d’élevage est un peu plus gras que le saumon sauvage.
100 g de saumon apportent donc près de 10 g de lipides, soit l’équivalent d’une cuillerée à soupe d’huile. Un steak « classique » du même poids, contrairement à une idée reçue, a sensiblement la même quantité de graisses !
Si l’on prend des morceaux nobles pour confectionner le beefsteak, ils fournissent même moins de graisses que le saumon. Le filet, la tranche ou le rumsteck n’apportent que 3,5 g de lipides pour 100 g et le steak haché allégé, seulement 5 % de matières grasses.
Le saumon fumé, déshydraté par la fumaison, a un taux de lipides encore plus élevé et une teneur en sel 14 fois supérieure à celle du steak. Donc pas si diététique et à consommer avec modération, d’autant que le sel stimule l’appétit et majore la rétention d’eau !
En résumé, le saumon frais contient autant de graisses que le steak et le saumon fumé en contient plus !
La suprématie du saumon réside dans la nature même de ses graisses de composition. Comme tous les poissons gras, il est riche en acides gras polyinsaturés, plus fluides que les acides gras saturés de la viande, qui encrassent beaucoup plus l’organisme.
5 – Le poisson, un vrai protecteur du cœur et des vaisseaux ?
Dès les années 1960, les scientifiques notaient l’absence d’infarctus du myocarde chez les populations esquimaudes férues de poissons et d’aliments marins. Résultats confirmés ultérieurement par la réduction de la mortalité cardiovasculaire chez les personnes consommant au moins deux plats de poisson par semaine… si non pollués !
Un taux de métaux lourds trop élevé inverserait ces effets protecteurs.
Préférez donc les poissons les moins contaminés comme la morue (cabillaud), la sole, la sardine, le haddock, la truite, le hareng, la perche, le tilapia ainsi que les coquillages. En revanche, modérez le saumon d’élevage, le thon, le requin, l’espadon, le carrelet et la lotte.
6 – Les poissons gras, bons pour le régime ?
La réponse est oui, archi-oui !
L’une des différences majeures entre le poisson et la viande concerne le taux et surtout la nature des graisses qui les constituent. Les poissons maigres (cabillaud, lieu, merlan…) ont un taux enviable de lipides (graisses) inférieur à 1 %, taux que l’on ne retrouve dans aucune viande. Ce taux est compris entre 2 et 10 % pour les poissons semi-gras comme le hareng, le maquereau, la sardine ou le saumon, et est à 18 % pour l’anguille ou la murène, très grasses.
Dans les régimes amincissants, les « poissons gras » sont souvent délaissés, à tort, au profit des poissons les plus maigres, car leurs graisses – contrairement à celles de la viande – ne sont pas stockées avec la même intensité, ni la même répercussion.
La vérité concernant les graisses, c’est que « nous sommes vraiment ce que nous mangeons ».
Si je mange beaucoup de graisses saturées, contenues dans les fritures ou la viande bien persillée, dans la peau des volailles ou la couenne du cochon, dans les pâtés, les rillettes, les saucisses ou le saucisson… mon corps « se sature » de dépôts de cholestérol, d’acides gras rigides qui se précipitent au niveau des artères et colonisent ma graisse.
Ainsi s’installent la maladie cardiovasculaire, le surpoids et l’obésité ainsi que le vieillissement prématuré des cellules qui se régénèrent mal.
Une alimentation riche en poissons gras fluidifie, quant à elle, les membranes par la présence des fameux oméga 3. Autre aspect non négligeable, leur richesse en graisses leur permet d’être plus rassasiants que les poissons maigres, digérés plus lentement, en raison d’un temps de séjour plus long dans l’estomac.
Ces acides gras sont si instables que le poisson ne peut jamais rester longtemps non réfrigéré contrairement à la viande, qui avant de se détériorer, supporte des températures plus élevées.
La magie cellulaire réside dans le fait que les graisses du poisson, plus oxydables « hors du corps », le sont aussi dans le corps. Elles sont donc plus facilement « métabolisées », brûlées par les réactions cellulaires. Ainsi, à calories égales, un régime riche en graisses saturées (celles de la viande), fait prendre plus de poids qu’un régime riche en graisses insaturées (celles du poisson).
Et ce sont les poissons gras qui, dans leur graisse justement, concentrent le plus de ces acides gras, si bénéfiques ! La « chasse au gras » ne doit donc pas être obsessionnelle, sous peine de priver l’organisme de bienfaits.
7 – Quel est le mode de cuisson optimal ?
Celui qui préserve justement les précieux acides gras oméga 3 !
Au-delà de 10 minutes, ils ne résistent pas à la chaleur et sont totalement dégradés. Donc, d’accord pour un court-bouillon mais à petits bouillons et sur un temps très court. Exit les soupes de poisson mijotées pour ceux qui veulent bénéficier de leurs vertus.
Et que dire des fritures qui imprègnent les poissons les plus maigres de graisses saturées, en augmentant de beaucoup leur valeur calorique, tout en détruisant leurs bienfaits ? À réserver donc aux extras !
Une sole meunière dans un bon beurre aillé ou une friture d’éperlans ou de vivaneaux à l’antillaise ? Seulement de temps en temps !
Au menu, une cuisson légère, en papillote, au four ou au court-bouillon ou juste saisie à la poêle est préconisée avec un peu d’huile d’olive.
8 – Le poisson cru, bon pour la santé ?
Le poisson cru, largement popularisé par la cuisine japonaise ou tahitienne, a le vent en poupe. Extrêmement fragile, il nécessite une hygiène rigoureuse et une consommation quasi-immédiate. Il est ainsi déconseillé aux femmes enceintes et aux jeunes enfants en raison des risques d’intoxication alimentaire.
La listéria est la bactérie la plus fréquemment rencontrée. L’Anikasis, ver parasite, peut infecter 30 à 80 % des poissons fréquemment consommés crus. Il est détruit par la congélation préalable, ce qui affecte de beaucoup leur saveur, et ne concerne pas les mets servis au restaurant. Autre hôte indésirable, le ténia du poisson est beaucoup plus rare.
Déclinaison de poisson cru
Tartare : poisson cru haché assaisonné
Carpaccio : fines tranches de poisson cru marinées
Version orientale
Sashimi : fines tranches de poisson cru (saumon, thon, anguille et autres produits de la mer)
Sushi : boulette de riz surmontée d’une tranche de poisson cru
Maki : morceau de poisson cru entouré de riz, d’algues, ou de légumes
Le poisson, bon pour le cœur et les artères, est aussi bon pour (ah !) la ligne. Garder la pêche, sans jeu de mot. Bon appétit et surtout excellente santé !
Source : « La Diététique Créole » – Dr Marie-Antoinette Séjean – Éditions Orphie
LA RECETTE
Le carpaccio des îles
Ingrédients
• 300 g de filets de dorade finement escalopés
• 1 orange pressée
• 1 citron pressé
• 1 pomelo
• 2 c. à soupe d’huile d’olive
• 1 c. à café de baies roses
• 1 petit piment antillais épépiné ou du Tabasco
• Sel, poivre au moulin
Disposer le carpaccio de dorade sur deux assiettes.
Mêler le jus des agrumes à l’huile d’olive.
Ajouter le piment émincé finement au couteau et à la fourchette.
Saler, poivrer.
Arroser le poisson et laisser mariner au frais 15 min.
Peler le pomelo à vif et détacher les tranches.
Les disposer en rosace autour du poisson.
Dégustez !
Source : « Les Délices coquins, recettes d’amour érotiques et métaphoriques », dernier livre du Dr Séjean paru aux Éditions Orphie.
Dr Marie-Antoinette Séjean, médecin nutritionniste, auteure, présidente de l’association Nutricréole « Santé des Outre-mer, Santé de la Terre »
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Dr Marie-Antoinette Sejean