Phyto-victimes: une association d’aide aux professionnels victimes des pesticides

Pluton Magazine est allé à la rencontre de Phyto-Victimes, association d’aide aux professionnels victimes des pesticides, dont l’un des objectifs est d’accompagner les victimes et leurs familles.

PM : Quelle est la situation en France sur ces maladies,  et sont-elles toutes reconnues en tant que maladies professionnelles ?

 

De nombreux malades contactent aujourd’hui l’association Phyto-Victimes. La grande majorité d’entre eux est atteinte de pathologies lourdes et irréversibles telles que des cancers (vessie, prostate, sang…), l’hypersensibilité aux produits chimiques, la maladie de Parkinson… En France, pour faire reconnaître le caractère professionnel d’une maladie, les organismes de sécurité sociale se basent sur des tableaux de maladies professionnelles. Actuellement, seules deux maladies en lien direct avec les pesticides ont été reconnues et sont inscrites dans les tableaux de maladies professionnelles du régime agricole. Il s’agit de la maladie de Parkinson, inscrite depuis 2012 et du Lymphone Non Hodgkinien-LNH (hémopathie), depuis 2015.

Exemple du tableau sur la maladie de Parkinson :

Ces tableaux décrivent les conditions nécessaires à la reconnaissance. Ainsi, pour que la maladie de Parkinson soit reconnue comme maladie professionnelle, il faut un certificat médical confirmant la maladie, prouver 10 ans d’exposition (délai d’un an entre le certificat et le lancement de la procédure), ainsi qu’une liste de travaux effectués montrant l’exposition.

 

PM : Pourquoi les recours sont souvent des combats titanesques ?

 

La procédure de base est assez contraignante, et encore plus pour les personnes qui ne remplissent pas les conditions des tableaux. Dans ces cas-là, il revient au CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles) de statuer sur le caractère professionnel ou non de la maladie, ce qui rend la procédure plus longue et plus complexe.

De plus, après que le malade a été reconnu en maladie professionnelle, un taux d’IPP (Incapacité Permanente Partielle) doit être fixé afin que la victime reçoive une indemnité conforme aux préjudices de la pathologie. Ce point fait souvent l’objet de débat et de désaccord entre la victime et l’organisme de sécurité sociale, en nécessitant parfois l’aide d’un avocat…

Pour résumer, les procédures sont souvent longues et complexes car les situations des victimes ne sont pas homogènes : il peut exister un désaccord entre une assurance privée et l’organisme de sécurité sociale pour savoir qui prend en charge la maladie, désaccord sur le taux d’IPP, sur une maladie qui n’est pas inscrite dans des tableaux et où il faut apporter la preuve du lien avec les pesticides…

 

PM : Pouvons-nous nous affranchir totalement de cette pratique chimique ? Quelle forme d’agriculture préconisez-vous ?

 

L’objectif de notre association n’est pas de préconiser une agriculture plus qu’une autre, mais simplement de dire qu’il existe aujourd’hui des alternatives aux pesticides et qu’il est nécessaire d’évoluer vers des pratiques moins consommatrices en pesticides. Nous souhaitons également que les pesticides les plus dangereux (CMR1 et 2 – cancérogène, mutagène, reprotoxique) soient interdits, ainsi que ceux classés comme perturbateurs endocriniens…

Il peut être difficile pour un agriculteur de remettre en cause des années de pratiques agricoles, pour des raisons techniques, économiques ou personnelles…

Il existe aujourd’hui un dispositif piloté par le ministère de l’Agriculture, de l’alimentaire et de la forêt dans le cadre du Plan EcoPhyto qui cherche à réduire la consommation de pesticides via le réseau des fermes DEPHY.

PM : En attendant, quelles précautions les professionnels et consommateurs peuvent-ils prendre ? – Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui se lancent dans ce métier noble qu’est l’agriculture ?

 

La chimie a permis de produire des denrées bon marché, convenant à tous, selon un système encouragé par la société, les gouvernements, les firmes… Cependant, la société est aujourd’hui en recherche de produits plus « propres » afin de ne pas mettre en danger sa santé. Il faut donc que le consommateur change ses habitudes de consommation en achetant ces produits, parfois plus cher… Le changement ne viendra pas seulement du monde agricole, mais de toute la société.

Il est donc nécessaire dans un premier temps, d’avoir des produits de substitution, de revoir sa conception du travail (lieu et conditions de travail…), puis en dernier recours, de s’équiper d’EPI (Équipements de Protection Individuelle)  afin d’être le moins exposé aux pesticides. Cela vaut notamment pour les jeunes qui vont se lancer dans l’agriculture, car,  comme nous le démontre notre expérience dans les établissements scolaires, peu de jeunes se protègent des pesticides. Même si certains efforts ont déjà été faits, il faut continuer d’insister sur la formation et la protection.

 

PM : Parlez-nous de l’association Phyto-victimes :

 

L’association Phyto-Victimes a été créée en 2011 par des professionnels qui ont été confrontés brutalement à 2 constats :

–           Les pesticides employés dans le cadre de leur métier leur avaient peut-être apporté au départ un confort de travail, mais ils avaient surtout causé des dégâts importants et irréversibles sur leurs organismes.

–           En plus de se battre contre leurs maladies, ils devaient se battre pour être reconnus comme victimes des pesticides.

Face à l’immense difficulté que représentent ces 2 combats, la décision a été prise de créer une structure qui vienne en aide à l’ensemble des professionnels victimes des pesticides, en répondant à deux objectifs principaux : rendre justice aux professionnels victimes des pesticides, et lutter contre la sous-évaluation des conséquences sanitaires des pesticides.

Aujourd’hui, l’association Phyto-Victimes regroupe des centaines de professionnels dont la santé a été affectée par l’utilisation des pesticides dans le cadre de leurs métiers.
La mission principale de l’association est donc d’aider les victimes dans leurs démarches de reconnaissance en maladie professionnelle. Nous intervenons aussi auprès de divers publics afin de les sensibiliser aux dangers des pesticides et sur l’importance de se protéger, notamment dans les lycées agricoles. De plus, nous soutenons et participons à différents projets de recherche scientifique afin de faire évoluer les connaissances sur les pesticides et leurs conséquences sur la santé des utilisateurs. Enfin, nous collaborons également avec les ministères afin de faire évoluer la législation.

Pour plus d’informations, vous pouvez aller sur le site de notre association : http://www.phyto-victimes.fr

Pluton Magazine remercie l’association Phyto Victimes, qui rappelons-le, est principalement constituée aussi d’hommes et de femmes courageux, eux-mêmes victimes de l’agriculture chimique.

Propos recueillis par Georges Cocks

Secrétariat rédaction Colette Fournier

Pluton-Magazine/2017

Sources :

– Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), FAO

– Phyto-victimes

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