Hulo Guillabert : ces femmes qui font bouger l’Afrique

Pluton Magazine est allé à la rencontre de l’une d’entre elle : Hulo Guillabert, consultante internationale, activiste panafricaine, directrice des Editions Diasporas Noires et de la revue Bonnes Nouvelles d’Afrique et aussi auteure, elle croit en l’Afrique et personne ne pourra la faire changer de position.

 

12193646_422714154586486_1253509034728009166_n-1En Afrique,  la femme veut sortir des sentiers battus, s’émanciper à sa façon en bousculant les traditions, mais aussi les avis individuels et personnels fondés sur l’influence de ses détracteur. Vivre sa foi et assumer sa tenue vestimentaire. Elle a son mot à dire sans chercher aucune rivalité avec l’homme. Elle veut simplement montrer qu’elle est capable de bonnes choses dans le sens du bon progrès. Chanter, jouer d’un instrument de musique, les femmes savent le faire aussi bien que tenir la maison ou une échoppe et bien heureusement, quelques hommes ouverts d’esprits encouragent leur entreprenariat. On a tout à apprendre de ce vaste continent et de sa diversité culturelle qui marque ce XXI° siècle d’une empreinte différente car le talent y bourgeonne depuis la radicule.

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PM : Que pensez-vous de la position de la femme africaine aujourd’hui et pourquoi doit-elle faire bouger les rangs ?

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Les femmes sont aujourd’hui reléguées aux seconds rôles partout sur la planète, quasiment, et particulièrement en Afrique… Mais c’est un second rôle de façade car si on gratte un peu, on se rend compte que beaucoup de choses concernant la bonne marche de notre société reposent sur elles, non seulement dans le domaine familial, éducatif et social, mais aussi dans le domaine professionnel ou politique, par exemple, les assistantes sont les piliers des entreprises, rien n’y marche sans elles, mais ca, personne n’en parle !

Il faudrait  vraiment que notre société phallocratique reconnaisse leur immense apport (et pas que le 8 mars), et leur permette d’exprimer plus leur créativité qui est aujourd’hui brimée par de multiples carcans !

C’est dommage, car ce sont les sociétés et les nations qui sont perdantes, et Thomas Sankara le disait déjà dans son célèbre discours sur les femmes !

Les femmes doivent s’investir et être investies en masse dans toutes les instances décisionnelles en Afrique car elles ont un regard unique, pragmatique, empathique, et elles sont plus enclines à se sacrifier pour l’intérêt général, elles ont ça dans leur ADN en tant que mères de leurs enfants et mères de l’humanité.

Pour provoquer, je dis souvent que si la volonté et le travail étaient payés à leur juste valeur, les femmes africaines seraient toutes milliardaires et les hommes smicards (rires)…

Les femmes étaient puissantes, reines, ministres, conseillères, prêtresses, militaires (les fameuses Amazones) dans la société antique africaine, pourquoi plus maintenant ?

PM : Vous avez aussi un grand cœur pour les enfants, quel rôle jouez-vous au sein de la lutte contre la mendicité ?

En fait, je ne suis pas de ceux qui leur viennent en aide au quotidien pour les nourrir et les vêtir, notamment au sein d’une association !

Mon Collectif Doyna Stop à la mendicité des enfants et moi, nous nous battons surtout au niveau politique pour arrêter cette barbarie, car laisser mendier des enfants très jeunes, déguenillés, couverts de plaies et de maladies, sales, affamés, à la merci de toutes les prédations, notamment des pervers, souvent enrôlés par les bandits dans les rues, c’est une ignominie, un scandale !

Cette exploitation de leur vulnérabilité par des adultes sous des prétextes soi-disant religieux est une indignité, j’ai honte et j’ai mal !

Quand je les croise, ces enfants-là, j’essaie de leur donner de l’amour, de l’affection, c’est aussi de ca qu’ils manquent le plus, ils sont si petits parfois !

Ces enfants sont pourtant notre avenir… Nous hypothéquons notre avenir !

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PM : Quelles sont vos relations à l’Afrique ?

Certains me surnomment Mama Africa (rires).

En fait, l’Afrique c’est comme une soupe et j’en suis le sel, et impossible d’extraire le sel de la soupe, n’est-ce pas ?  Je préfère l’appeler Kama (son vrai nom) ! Je pense Kama tout le temps, partout, pour tout…

Je suis persuadée que nous avons tous les outils en nous pour nous en sortir, il suffit de chercher à nous connaître mieux, à nous faire confiance !

Je lis beaucoup sur nos valeurs ancestrales dont je découvre chaque jour des pans entiers d’une magnificence extraordinaire… Il nous faut déconstruire tous les mensonges dont ces valeurs ont été l’objet pour mieux nous dominer, et remonter assez loin afin de les retrouver immuables dans leur rectitude inégalée pour les offrir au monde.

PM : Vous êtes engagée sur de nombreux fronts, comment voyez-vous l’Afrique de demain ?

Je suis très préoccupée par son avenir, son devenir, je suis parfois fatiguée, mais la plupart du temps, je suis dans un optimisme presque serein, je sais que nous sommes en train de nous éveiller d’un long sommeil, je participe tous azimuts à cet éveil et nous sommes de plus en plus nombreux à participer à cela…

Je sais que l’Afrique est en train de renaître de ses cendres et que plus rien ne sera plus comme avant ! Malgré les apparences actuelles, l’avenir est lumineux, c’est sous le capot, j’y crois fermement !

PM : Êtes-vous toujours comprise par vos pairs ?

J’avoue que cette question ne me préoccupe pas, j’ai toujours été un peu hermétique à ce qu’on pense de moi, sinon je ne serais pas moi-même en toutes circonstances, peu importent les conséquences… Paradoxalement, je suis quelqu’un de très sociable aussi, avec une bonne éducation de base mais un peu comme une autiste affectueuse et empathique envers les autres et en même temps, libre,  trop libre, défendant ses propres valeurs et son authenticité.

Je réalise aussi parfois que je fais peur aux hommes à cause de cette liberté farouche, incontrôlable, si c’est cela votre question…

PM : Comment vivez-vous cette iniquité face au pillage des biens (minerais, terres rares, pierres précieuses…) sans un retour sur le terrain dans le quotidien du peuple, et avec le reflux des migrants ?

Je le vis très mal, je le dénonce constamment, j’essaie d’éveiller les consciences à ce propos, notamment au niveau de la jeunesse africaine, sur les réseaux sociaux, dans mes conférences, dans mon dernier livre qui s’appelle  Prenez le pouvoir – Message aux jeunes  (éd. Diasporas Noires), je leur donne beaucoup d’informations géostratégiques et des conseils pour se défendre face à ces pillages organisés par les occidentaux, et maintenant, la Chine s’y met aussi. L’Afrique est un gâteau appétissant pour le monde entier, sauf pour nous-mêmes ! J’essaie aussi de les éveiller pour ne plus qu’ils aient envie de tenter l’aventure de la migration.

PM : Votre maison d’édition n’est pas un hasard, voulez-vous raconter à nos lecteurs la raison et l’objectif qu’elle poursuit ?

Je suis devenue éditrice suite à un fait qui m’a profondément marquée : Sylvia Serbin, une Martiniquaise auteure du livre  Reines et héroïnes d’Afrique,  a vu son livre massacré et falsifié par une maison d’édition allemande qui l’a traduit en y insérer une vision raciste de l’Afrique. Elle a porté plainte, mais n’a pas obtenu gain de cause. Vous imaginez, son livre circule avec son nom et des idées qui ne sont pas les siennes. Au regard de ces faits, j’ai pensé que les Africains devaient arrêter de se faire éditer par les Occidentaux, car nos intérêts sont divergents. Eux, leurs intérêts, c’est de prolonger leurs propres visions des Africains et de l’Afrique, le misérabilisme, notre soi-disant incapacité à nous en sortir sans eux… Je dis souvent : écrivons nous-mêmes notre histoire et nos histoires, donnons notre propre version des faits sans les dénaturer par le miroir que nous tendent les autres… Nous avons déjà entendu la version de la chasse donnée par les chasseurs, écoutons la version des lions à présent, il est temps !

Donc, l’objectif qu’elle poursuit est illustré par cette histoire qui est son ADN et sa mission est aussi illustrée par ce nom  Diasporas noires, car nous voulons mettre en avant la littérature africaine et afro-descendante, en Afrique et à travers le monde. Et ce n’est pas une question de couleur de peau, mais une affaire de se sentir appartenir à la soupe africaine, d’en être le sel.

 

PM : Selon vous, quelle est la responsabilité de l’auteur africain de nos jours, car la littérature africaine est toute jeune ?

Je pense que la responsabilité de l’auteur africain de nos jours est en priorité l’éveil de conscience du peuple africain en Afrique et du peuple afro-descendant partout dans le monde, dans tous les domaines, politique, spirituel, éducatif, social,… afin que ce peuple puisse se libérer de toutes ses nombreuses chaînes visibles et invisibles, qu’il retrouve son estime de soi malmenée par des siècles de domination en tout genre et en tout lieu, qu’il redécouvre son héritage vilipendé, sa véritable histoire et qu’il relève la tête…

PM : Quel message voulez-vous délivrer au peuple africain ?

Mon message au peuple africain c’est « LEVE TOI ET MARCHE ! ».

Extrait de son discours sur l’Unité de l’Afrique, que vous pouvez lire en intégralité ci-dessous.

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Hulo Guillabert « Africaine du Sénégal », promotrice culturelle, conférencière, éditrice, écrivain et activiste du panafricanisme. Elle est née au Sénégal et a vécu en France où elle a occupé des postes de responsabilité au sein de grandes entreprises, comme consultante. Après des dizaines d’années passées à Paris, à l’Île de la Réunion et à Montréal, elle rentre au bercail et abandonne sa carrière de consultante afin de s’engager pour l’Afrique. Elle crée la maison d’édition numérique Diasporas Noires, 100 % africaine et militante ainsi que la Revue des bonnes nouvelles d’Afrique. Elle est l’initiatrice des conférences mensuelles « Les Rendez-vous de l’Afrique Consciente ». Infatigable, elle fonde également en 2014 le Collectif DOYNA STOP à la mendicité des enfants.

 

Discours de Hulo Guillabert sur « L’Unité de l’Afrique»

Discours sur « L’Unité de l’Afrique» au colloque du 16 Février clôturant la présidence Mauritanienne de l’UA

Pluton Magazine remercie Hulo Guillabert et toutes les femmes comme elle, qui sont prêtes à enfanter un monde nouveau pour un meilleur demain. Ses quatre derniers mots pour clore  cette interview dénotent sa foi et sa conviction profonde dans le combat qu’elle mène. « Je plaide, dit-elle, pour que les femmes soient reconnues dans toutes leurs dimensions, car elles sont des actrices incroyablement dynamiques, énergiques, volontaires, bienveillantes, pragmatiques, efficaces pour nos sociétés, pour nos nations… Elles ont le droit à tous les égards, car sans elles, pas de développement ! »

Propos recueillis par Georges Cocks

Secrétariat rédaction: Colette Fournier

Pluton-Magazine/2017

Notes:

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Lisez la Revue des bonnes nouvelles d’Afrique

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au Monument de la Renaissance le 3éme samedi de chaque mois, à 15H30

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