Anne Bihan passe son enfance en Bretagne, où elle est née. Poète, dramaturge, essayiste, elle publie dans diverses revues, fait paraître un récit, Miroirs d’îles, et plusieurs pièces de théâtre. Trois de ses poèmes ont été publiés aux éditions Bruno Doucey dans l’anthologie Outremer – Trois océans en poésie. Elle a publié aux Éditions Bruno Doucey, en 2011, Ton ventre est l’océan.
Deux ciels s’épousent à la césure des mers
de l’un je reconnais la langue goémonière
de l’autre les voix ouvertes à qui suit ses chemins
de l’un les pierres debout les nuits de grande lune
de l’autre les vallées qui puisent dans la chaîne
de l’un ce fleuve cette île le vent fort ce matin
la pâque du clocher qui sonna pour les miens
le père parti trop tôt la mère dans la violence
d’un novembre d’orage
le chant d’un coquelicot tremblant sur son corsage
de l’autre ce Noël flamboyant de soleil
d’amour de joie têtue d’étreintes enfantines
cette petite fille surgie sous ses ombrages
riant sous le manguier
où ses frères jouent à vivre dans d’autres paysages
il est des monnaies-plumes
des monnaies-coquillages
papillons notous et passereaux
dents poils de rousette et sapi-sapi
cauris couteaux fibres de cocos
deux pays s’étreignent là où je m’assemble
ce cahier est sans retour
Variation 1
…elle a toujours été là grise et des milliers de moutons
blanc bougent en elle, vent à décorner les boeufs, impos-
sible de les compter mais le tenter quand même, et la
journée file sans la quitter des yeux
.
.
…elle a toujours été là verte et bleue dans la lumière,
c’est l’été ou un jour d’hiver de ciel froid coupant, pas un
pet de vent dit le père et regarde bien ce banc de poissons
qui jouent à saute-mouton le long du bateau, essaie de les
compter
.
.
…elle a toujours été là dans le désir du fleuve et la course
translucide du troupeau des civelles, un seau accroché le
matin à la grille par un pêcheur, la mère d’avance qui se
régale et tu dis c’est bon ‘est riste nous allons les man-
ger maman, jamais elle ne reverront la mer…
Il est des jours sans rives
des jours de paupières sur le ciel bleu
que les oiseaux la nuit
transpercent
dans l’angle mort de l’ombre.
Dans le soir qui comparaît
quelle prière native
scelle la parole?
Le matin qui s’étonne
de la voûte à grande eau lavée par la douleur
livre aux vents la chambre vide
.
temps de tire la porte
sortir de ses gonds
son battant d’amours mortes
Une promenade en poésie/2017
Pluton-Magazine/2017