À mi-saison, Musique au Cœur du Médoc brille de ses virtuoses.
À Château d’Agassac, ce fut d’abord un moment d’émotion lorsque Nathalie Schÿler (Château Kirwan) passa le flambeau de la présidence de MACM à Yves DI Tullio, « monsieur vidéo, monsieur lumière », dévoué s’il en est, le renfort des artistes lors de chaque concert pour permettre à l’assistance de profiter d’une projection sur grand écran. Quelque part il continue sur sa lancée… pour avoir été pendant des années un homme de cinéma, secrétaire général des Films Christian Fechner avec de très nombreuses productions aux acteurs populaires, tels Louis de Funès, Michel Galabru, Bernard Giraudeau, Gérard Lanvin et tant d’autres célébrités. Son épouse, Marie-José, venue de l’ORTF en particulier, ayant été de tous les instants à ses côtés dans cette rude mais belle aventure cinématographique.
Le 17 mai 2018 se déroulera à Château d’Issan, à Cantenac, une soirée d’exception pour l’anniversaire des 30 ans de MACM (nous y reviendrons, bien sûr) avec le Chœur de l’Opéra de Bordeaux. Pour l’association, ce sera une belle consécration.
Un violon, un piano : Pierre Fouchenneret, Romain Descharmes, à Château d’Agassac.
Ils ont gâté l’assistance qui remarqua d’emblée leur aimable complicité et qu’ils ont régalée avec leur interprétation d’un extrait de la 3ème Sonate en mi majeur de J. Sébastien Bach, puis avec la Sonate pour violon n° 5 en fa majeur opus 24, « Le Printemps », de L. van Beethoven et enfin la Sonate pour piano et violon en sol majeur de Guillaume Lekeu, chacun des deux musiciens faisant précéder tour à tour l’exécution des œuvres d’explications, d’anecdotes toujours très bien perçues par le public, comme un éclairage précieux. (Voir ITW ci-dessous).
Les deux musiciens ont déjà évidemment à leur actif un beau palmarès, Pierre Fouchenneret collabore avec les musiciens les plus doués de sa génération et se produit sur les plus grandes scènes nationales et internationales, il a fondé aussi en 2013 le Quatuor Strada avec François Salque, Sarah Nemtanu et Lise Berthaud. « Classica » souligne son jeu intense, précis et coloré. Ses différents enregistrements témoignent d’une quête perpétuelle d’une esthétique pure et sans affect, mais aussi de son profond amour et respect du texte. Il est également professeur intervenant au Pôle supérieur de Bordeaux.
Comme lui, Romain Descharmes brille aussi dans des salles prestigieuses, à New-York, Londres, Paris, Tokyo, Pékin… Il se produit fréquemment en France, Serres d’Auteuil, La Roque d’Anthéron, Piano aux Jacobins, Nancyphonies, etc. C’est un pianiste recherché en tant que chambriste pour son écoute, sa sensibilité et sa large connaissance d’un répertoire qui va de la sonate aux grandes formations. Il se produit avec des artistes tels qu’Henri Demarquette, Laurent Korcia, Sarah Nemtanu également. Il fait partie du groupe Quai n° 5, avec lequel il a enregistré deux albums chez Decca-Universal. Les grandes scènes parisiennes le reçoivent régulièrement. Il est aussi professeur de piano au CRR de Paris.
Un duo qui dure maintenant depuis 12 ans. Un couple en musique !
JL.L : Vous vous êtes connus lors de vos études au conservatoire, mais vous ne vous fréquentiez pas nécessairement.
P.F. et R.D. : Au bout du compte, ça fait vingt ans, maintenant ! On a été lauréats d’une même Fondation, la Fondation Groupe Banque Populaire, qui nous a amenés à jouer ensemble au Festival des Serres d’Auteuil. La rencontre s’est faite immédiatement, naturellement et la première chose que nous nous sommes dite en sortant, c’est « il faut qu’on rejoue ensemble ! ». Et douze ans après, voilà, on le regrette peut-être (gros éclat de rire de tous les deux). Non, il y a une énorme complicité, et depuis le temps, on a fait beaucoup de concerts en commun, joué énormément de répertoires différents, on a découvert beaucoup de musiques…
JL.L : et puis, bien sûr, des disques et ce tout dernier coffret sur Beethoven, l’intégrale de ses sonates…
R.D. : On l’a enregistré en concert, en live, à Cherbourg, c’était un projet parmi tant d’autres, qui nous tenait beaucoup à cœur, on a commencé à jouer certaines de ses sonates, les plus connues bien sûr, comme la sonate du Printemps et peu à peu, on a développé tout ça, on les a toutes jouées et puis à un moment donné, on s’est dit : « Allez, dans notre vie, là, à notre âge, c’est le moment ! » On le sentait comme ça, il fallait absolument qu’on enregistre.
P.F. : Et bien sûr, on a d’autres projets, on va jouer l’intégrale de la musique de chambre de Brahms avec Romain et un autre pianiste qui s’appelle Eric Lesage, ça va nous occuper jusqu’à la fin de l’année et ensuite, c’est sûr qu’on a plusieurs projets de disques possibles, tous les deux, c’est vrai qu’on hésite encore un peu, est-ce qu’on part sur du Schumann, est-ce qu’on part sur un disque avec une sonate un peu inconnue, Lekeu par exemple ?
JL.L. : Et précisément, à propos de Guillaume Lekeu, ce compositeur, mort hélas très jeune, le public à Château D’Agassac, a pu mieux le découvrir grâce à une brillante interprétation, la vôtre à tous les deux. On sent que vous l’aimez !
P.F. : Ah ! on adore, c’est une musique qui déborde d’émotion, de jeunesse, de passion, c’est pour nous un vrai bonheur de jouer ça.
R.D. et P.F. : Oui, elle touche souvent à des zones de plaisir pour un musicien ; il y a une sorte de jubilation à interpréter une œuvre comme celle-là. Pour Beethoven, ça passe parfois aussi beaucoup par un plaisir intellectuel, même si la palette de sentiments est incroyablement large chez lui, probablement plus que chez Lekeu, mais il y a une jubilation naturelle et immédiate dans la musique de Lekeu qui fait que même dans le dialogue avec son partenaire, on est tout le temps sur la brèche…
JL.L : Et pas de suite, vous l’avez rappelé sur scène en préambule, pauvre Guillaume Lekeu, parti trop jeune…
P.F. : Oui, mort à 24 ans, on serait tenté de dire stupidement, mais à l’époque on pouvait mourir d’empoisonnement pour avoir consommé une glace avariée… Il est parti en quelques jours. Alors que devant lui s’ouvrait, je pense, une carrière énorme, il aurait marqué vraiment sa génération comme d’autres l’ont fait, César Franck, Saint-Saëns, et j’ai l’impression qu’à 24 ans, il touche à des choses qui me rappellent même presque quelque chose de supérieur encore à Saint-Saëns et à Franck, c’est un Gabriel Fauré, on sent qu’il pourrait tendre vers quelque chose d’assez fou et…
R.D. : … et même à 24 ans, il a un langage vraiment à lui. Car de certains compositeurs, au début de leur vie professionnelle, on pourrait dire : tiens, il ressemble à untel, ou il ressemble à son maître… mais là, on sent qu’il est unique, bien lui-même.
JL.L. : Et cette magnifique sonate pour violon n° 5 de Beethoven qui a ravi aussi l’auditoire, que l’on connaît sous le titre du Printemps, mais titre inapproprié en réalité, dites-vous ?
R.D. : Oui, c’est simplement qu’après le mort de Beethoven, l’éditeur a fait ce choix, nous on trouve que c’est dommage, parce que ça met dans la tête des gens une façon d’écouter, quelque part on les conditionne, on imagine quelque chose de très joyeux, enjoué, eh bien pas forcément, c’est plutôt une réflexion métaphysique plutôt que quelque chose de printanier…
P.F. : Je ne pense pas que le côté imagé, chez Beethoven, soit la bonne façon de le lire, il n’est pas binaire dans les sentiments, tout ce qui est printemps, joie, tristesse, non, c’est beaucoup plus subtil et mélangé.
JL.L. : Et alors, Pierre, c’est maintenant Beyrouth qui se profile !
P.F. : Ha oui, oui ! et c’est la première fois que je vais dans ce pays, une perspective agréable et d’abord musicale, bien sûr, ça va être une découverte, je vais jouer avec l’orchestre du Liban, un concerto de Mendelssohn, c’est un voyage vers l’inconnu, mais en tout cas, sûr que je ne serai pas déçu par la nourriture que j’adore (rire).
JL.L. : et vous Romain ?
R.D. : Pas tout de suite, mais après l’été, nous partons ensemble en Chine. Là aussi de grands moments en perspective !
À Ludon-Médoc, Château d’Agassac, XIIe siècle, une valeur sûre.
Une inscription latine dénichée dans ses souterrains attesterait de sa construction au XIe siècle, mais plus vraisemblablement deux siècles plus tard. Toujours est-il que ce fut déjà aux temps très anciens le cadre d’un vaste domaine, alors seigneurie d’Agassac, qui s’étendait sur 800 hectares, propriété de la famille Gaillard de Gassac dès 1238 (le premier seigneur du domaine, en 1172, fut Guillaume-Raymond d’Agassac). Plusieurs familles se succédèrent ensuite, les d’Albret, Pommiers, cette dernière en resta propriétaire jusqu’en 1841, date à laquelle le domaine passa dans les mains de l’un des premiers et grands agronomes français, Marcel Richier, inventeur notamment du palissage de la vigne au fil de fer, technique mondialement utilisée dans le monde aujourd’hui. Jusqu’en 1961, Château d’Agassac appartint à une partie de la famille Capbern-Gasqueton. En 1996, celle qui compte au rang des plus belles propriétés du Haut-Médoc passa sous le giron des assurances Groupama.
Reconnus mondialement pour leur finesse et leur goût délicatement aromatisé, les vins sont exportés à travers la planète sous les noms de Château Ludon et Château Pomiès.
Trait d’histoire : en 1766, monsieur Sauvat de Pommiers, Baron d’Agassac, épousa Marie-Anne Leblanc Nogues, cousine de l’impératrice Joséphine de Beauharnais.
Jean-louis LORENZO
Secretariat de rédaction: Colette FOURNIER
Pluton-Magazine/2018
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