Par Georges COCKS
.
Anthony Leclaire : dans les pas des grands
.
Ils sont de plus en plus jeunes à rechercher dans la musique le salut du repos éternel, dans un monde où les autres bruits ne sont pas aussi agréables à écouter, et sur leur chemin, ces âmes sensibles que nous sommes sont en quête d’une liberté… une évasion musicale où les clés de la geôle sont les oreilles, mais pas n’importe lesquelles. Les émissions de divertissement nous révèlent chaque année des talents de plus en plus jeunes. Mais il y a aussi le retour en force de la belle musique jouée par une génération qu’on croirait sourde à Chopin, Mozart, Schumann… et plutôt adepte des basses et des rythmes rapides. Agé seulement de 32 ans, Anthony Leclaire est un jeune pianiste d’origine guadeloupéenne plein de caractère. Il semble être d’un autre temps, un Summertime sur la trace d’un Oscar Peterson sans doute, et est professeur au conservatoire de Saint-Nom-la-Bretêche et à l’Académie Inter Musicale de Paris.
Découvrons ce jeune prodige qui revient tout juste de la 10e édition du Festival Première rencontre autour du piano, tenu en Guadeloupe. Il était entouré du Polonais Adam CZULAK, de la Japonaise Yayoi Lina IKAWA, du Colombien Jesus Javier MOLINA, de la californienne Pamelia STICKNEY, tous en compagnie d’un parrain qu’on ne présente plus : Mario CANNONGE, pianiste martiniquais qui a posé sa signature sur la musique antillaise, le zouk, et est à l’origine de belles mélodies qu’on danse encore dans un kolé séré jusqu’au petit matin.
.
PM : Comment est née la passion pour le piano ?
.
De manière tout à fait fortuite… Mon grand-père s’achète un piano à sa retraite pour commencer son apprentissage. J’ai 12 ans à ce moment-là, et l’année d’après, je décide de commencer l’étude de l’instrument.
.
PM : Parlez-nous de votre mentor ?
.
Mon mentor, que dire ? Grand musicien, pianiste exceptionnel et humainement une belle personne que je respecte profondément. Ma plus belle expérience en tant qu’élève, une bénitoïte, soigneusement posée sur un tissu de velours noir.
.
PM : Le piano est un instrument qui joue sur notre corde sensible, quel est votre instrument de l’émotion ?
Je n’ai qu’un seul instrument en tête, le piano !
.
MP : Parlez-nous de votre parcours, de la Guadeloupe à la France.
.
J’ai débuté l’apprentissage du piano avec Madame Jenny Albanese Grand, à l’âge de 13 ans. Je lui dois beaucoup, car c’est elle qui m’a éveillé à la musique. J’ai décidé d’emprunter une voie professionnelle après l’obtention de mon bac. Mon arrivée à Paris n’a pas été des plus simples. Je n’avais aucun répertoire et de très grosses méconnaissances théoriques. Moi, je voulais juste jouer du piano, et j’ai dû me plier au cursus du conservatoire, qui englobait plusieurs disciplines obligatoires. En plus des difficultés liées à mon parcours et à mon âge, j’ai beaucoup appris sur les relations humaines. Certains professeurs sont pourvus de mauvaises intentions. La naïveté de la jeunesse et la sincérité de mon engagement dans mon travail ne m’ont pas permis de m’en rendre compte suffisamment tôt… C’est l’expérience de la vie ; aujourd’hui, je les remercie.
.
PM : Qu’est-ce qui fait le succès d’un pianiste ?
.
C’est un tout ! Chaque pianiste a sa particularité, son propre style. Je suis époustouflé par la virtuosité du pianiste chinois Lang Lang, mais je suis également admiratif de certains pianistes d’une autre génération, comme Martha Argerich, Arthur Rubinstein…
La nouvelle génération de pianistes, tout comme Lang Lang, Katia Buniatishvili et j’en passe, a une forte personnalité et touche peut-être une génération de plus en plus jeune !
.
PM : Ecoutez-vous d’autres styles musicaux, à part le classique ?7
.
Je suis ouvert à tout type de musique. J’écoute du rap, de la dance hall, du jazz et d’une manière générale, la musique du pays. J’écoute bien évidemment de la musique classique, et surtout, quand je suis amené à travailler de nouvelles œuvres.
.
PM : Retour sur votre Festival en Guadeloupe, comment avez-vous vécu cette expérience ?
.
C’est la première fois que je venais jouer en Guadeloupe dans un contexte professionnel, dans le cadre d’un festival, depuis que je suis parti en Métropole pour mes études au conservatoire. J’ai été très heureux de rencontrer Steeve Nuissier et de participer à la 10e édition du festival. J’ai apprécié le fait de pouvoir m’exprimer musicalement sans contraintes.
J’ai également appris que jouer à domicile n’était pas ce qu’il y avait de plus simple. Il était important pour moi d’offrir un beau spectacle au public et en particulier à une personne, mon grand-père… mon plus grand soutien.
.
.
PM : D’élève à professeur, comment cela se passe avec vos apprenants ?
.
J’apprécie la relation que j’ai avec l’ensemble de mes élèves. Je privilégie le côté ludique dans mon enseignement. La discipline est stricte, malgré tout, il est important pour moi de mettre un peu de fun dans mes cours pour maintenir la motivation des élèves !
.
.
PM : Quels sont vos projets à venir ?
.
Dans les mois à venir, je serai amené à me produire lors de différentes manifestations. Pour l’instant, les dates ne sont pas encore arrêtées.
PM : Quel est votre meilleur projet collaboratif ?
.
Je dirais les rencontres autour du piano, car j’ai eu la possibilité de m’exprimer le plus librement possible en choisissant mon propre programme.
C’était aussi important pour moi de rencontrer le public guadeloupéen !
.
PM : Votre rêve ?
.
Mon rêve….pour qu’il se réalise, je n’en parlerai pas..
Anthony Leclaire, un talent à suivre, des symphonies à ne plus s’en lasser, des compositions que nous attendons impatiemment et pourquoi pas, des univers pour nous faire encore trébucher sur les émotions : des musiques de film, qui sait, peut-être un de ses rêves que nous entendrons en temps voulu et qui nous fera rêver par la suite. Le champ des possibilités est grand, les sources d’inspiration aussi. C’est un garçon généreux au sourire ravageur, mais sur la scène, l’artiste est sublimé par la passion, et ses yeux et ses doigts ne rêvent que de perfection.
Rédacteur Cocks Georges
Secrétariat de rédaction Colette Fournier
©Pluton-Magazine/2018
Crédits photos : Anthony Leclair avec l’aimable autorisation de KaféFoto