La dopamine : l’eldorado des industriels

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Par Georges COCKS

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L’hormone du plaisir est devenue l’hormone du désir. Convoitée par les industriels, elle est devenue leur eldorado gratuit pour astreindre enfants et adultes à des expositions néfastes qui désocialisent les individus, avec des troubles du comportement relativement inquiétants.

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Les enfants en sont les premières victimes. Retard dans le langage, nervosité, agressivité, effacement total dans l’environnement familial Des parents qui croyaient bien faire sont pris par les discours paternalistes de constructeurs soucieux du bien-être de « l’enfant », qui fabriquent toutes sortes d’appareils numériques pour tous les âges, pour tous les usages, pour soi-disant permettre à l’enfant de se développer plus rapidement sans leur assistance. Un coup de pouce à l’éducation quand on sait que les parents ne consacrent plus de temps véritable à leurs enfants. Mais c’est bien là le problème : il n’y a pas d’appareil dans le placenta ! Tous les êtres vivants, hormis de rares exceptions, apprennent de leurs parents, il ne peut en être autrement. Mais l’homme croit si bien faire que le digital à profusion et sans frein est devenu un ennemi dont le visage n’est pas encore complètement démasqué. Car il n’existe pas suffisamment d’études et de recherches approfondies sur le sujet. Les médecins de l’enfance voient pourtant défiler des parents désœuvrés avec des jeunes enfants en difficulté scolaire ou en totale insoumission.

Le docteur américain Nicholas Kardaras parle d’héroïne de l’écran pour montrer le danger d’exposer les enfants aux écrans dès le plus jeune âge et au-delà de façon assidue. Ces outils créent de la dopamine. C’est pour cela que nous passons toute la journée à regarder notre téléphone portable, à échanger des SMS, à poster, à liker, à twitter sur les réseaux sociaux. Nous ne pouvons plus nous en passer. La dopamine alimente le circuit de la récompense cérébrale et l’exposition aux écrans réduit le cortex frontal qui rétrécit si l’on passe trop de temps sur les écrans.

Cela a pour conséquence d’augmenter l’agressivité, l’impulsivité, l’impossibilité de pouvoir prendre de bonnes décisions ; la capacité aux enchaînements logiques s’en trouve donc altérée.

Les ados sont la cible privilégiée de l’économie numérique. Dès leur onzième année, une grande majorité de jeunes possèdent déjà un téléphone mobile. Les fabricants ont compris qu’ils avaient tant à gagner en utilisant cette opportunité étonnante pour vendre et conserver à vie cette part de marché. Toujours innover pour séduire, la devise est toujours payante.

Les likes, les cœurs en cadeau sont une source de plaisir pour le cerveau, et ce qui fait froid dans le dos, c’est que les programmateurs ne l’ignoraient pas. Ils savaient tous que les individus pourraient devenir dépendants et que cette tendance ne serait pas sans danger, jusqu’à ce que cette dépendance devienne un trouble classé dans la Classification Internationale des Maladie ( CIM-11) selon l’OMS. Jouer avec les mots quand les maux jouent avec la vie.

Trouble du jeu vidéo : une maladie ou juste un simple trouble ?

 

Le trouble du jeu vidéo est défini par l’OMS dans le projet de 11e révision de la Classification internationale des maladies (CIM-11) comme un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables.

Pour que ce trouble soit diagnostiqué en tant que tel, le comportement doit être d’une sévérité suffisante pour entraîner une altération non négligeable des activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles ou d’autres domaines importants du fonctionnement, et en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois.

La CIM sert de cadre à la définition des statistiques et des tendances mondiales en matière de santé, et constitue la norme internationale de notification des maladies et des problèmes sanitaires. Elle est utilisée par les médecins du monde entier pour diagnostiquer des affections, et par les chercheurs pour classer des maladies par catégorie.

L’inclusion du trouble du jeu vidéo dans la CIM-11 fait suite à l’élaboration de programmes de traitement destinés à des patients souffrant d’affections et présentant des caractéristiques identiques à celles du trouble du jeu vidéo, observées dans de nombreuses parties du monde, ce qui amènera les professionnels de la santé à porter une attention accrue aux risques de développement de ce trouble et, partant, aux mesures à prendre en matière de prévention et de traitement.

Des études montrent que le trouble du jeu vidéo ne touche qu’une petite partie des personnes qui utilisent des jeux numériques ou des jeux vidéo. Néanmoins, tout joueur doit être attentif au temps passé sur les jeux, en particulier si ses activités quotidiennes en pâtissent, ainsi qu’à tout changement physique ou psychologique sur le plan social et celui de sa santé, qui pourrait être attribué à un comportement de jeu.

Dès lors, pourquoi classer ce trouble dans une liste internationale sans chercher à faire de la prévention, par exemple en interdisant l’accès aux écrans aux tout petits enfants jusqu’à un certain âge, au lieu de classer leur utilisation en fonction de l’âge, sans limite  d’âge? N’est-ce pas pourtant ce que l’on attend desdits professionnels de la santé ? Il est urgent de comprendre que ce n’est pas la difficulté à résoudre le jeu qui est à remettre en cause, mais la dépendance que va créer ce jeu chez un enfant d’un an ou plus jusqu’à sa vie d’adulte. Les conséquences sociales sont souvent compliquées et difficiles pour les familles, quels que soient leurs statuts.

Mettre en avant les jeux vidéo comme source de problème et de trouble, c’est noyer le poisson. Les jeux vidéo sont-ils les seuls dangers ? Le support écran, quelle que soit sa forme d’utilisation, présente un caractère dangereux lorsque son utilisation devient prolongée. Il est regrettable que l’OMS n’élargisse pas le champ d’application à ces formes d’usage. Certains professionnels ont longtemps défendu les avantages des jeux sur le développement du cerveau humain et surtout des enfants, au profit de l’économie. Selon eux, les jeux contribueraient à développer certaines facultés, comme le repérage dans l’espace, le sens de l’observation… Certains parents ont du mal à y croire, à voir les rappels constants qu’ils doivent faire à leur progéniture au quotidien, et tous sont unanimes à dire parfois que leurs enfants se ressemblent en tout point par leur comportement. De plus, les jeux en ligne contribueraient au développement de certaines capacités sociales. Là encore, si les jeux ne sont pas soigneusement choisis, la violence et l’érotisme peuvent souvent développer chez les plus jeunes des penchants néfastes. Parler de socialisation lorsque l’isolation est de plus en plus fréquente est un non-sens. Les liens de socialisation comme l’empathie, le partage, l’amitié… restent très superficiels et impossibles au vu du nombre d’amis souvent virtuels, dont on ne sait rien à vrai dire. Nous le savons tous, les enfants sont les prescripteurs idéals. Des conclusions souvent hâtives sans aucune étude réelle et sérieuse sont donc rendues. La classe sociale de plus en plus touchée est celle d’en bas. Les jeux sont les seuls moyens pour les familles défavorisées d’offrir un loisir, à moindre coût, à leur enfant. À Noël, pour un anniversaire, il y a toujours un nouveau jeu, une innovation certaine par les fabricants pour créer plus de dépendance. Le temps passé sur les écrans est un sujet épineux. Dans ce monde où tout passe par la digitalisation, il est hors de question d’aborder ce sujet en controversant.

Le constat est toujours déroutant et notre incapacité à créer un monde un peu meilleur est plus qu’horrible. Nous savons ce que nous faisons et le mal que nous produisons, mais au nom du profit, nous nous contentons de quelques mises en garde au lieu d’enrayer le problème une bonne fois pour toute. Tant pis pour ceux qui ne les respectent pas. Est-ce une façon de se donner une bonne conscience ? Il reste à savoir comment cette pseudo maladie sera prise en charge tant dans le milieu professionnel que privé. Tout nous pousse à croire que le tout n’est pas simplement de dire, au bout de 12 mois d’observation, qu’il s’agit d’une maladie, mais que la soigner semble le plus important à faire.

Le temps passé à jouer est de plus en plus long, car les parties sont de plus en plus longues. Seuls ceux qui n’ont pas de responsabilité, voire peu, vont jusqu’au bout. Et qui sont-ils ? Les enfants, vos enfants. Ce sont eux qui passent le plus de temps à jouer, et quand les parents arrivent à les extirper du jeu, c’est autant de temps qui se poursuit devant la télé ou le téléphone portable. Rendez-vous dans 12 mois pour que le trouble soit avéré. Avant cette période, il faudra vous débrouiller par vos propres moyens, ou recourir à l’aide de professionnels de la santé pour socialiser à nouveau votre enfant. Les jeux sont-ils le reflet de la société ? Aident-ils à devenir des citoyens pacifiques ou sont-ils juste des œillets pour regarder droit devant, comme cette habitude qui consiste à fixer son écran et formate une nouvelle génération d’humanoïdes répondant à des normes de vie déshumanisantes ?

Source : OMS

 

 

 Cocks Georges (Rédacteur et correspondant permanent Guadeloupe)

Secrétariat de rédaction Colette Fournier (Lyon)

© Pluton-Magazine/2018/Paris 16eme

Photo:  Getty images international

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