Par Taïdes LOMON
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Société
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Guadeloupéenne de 32 ans, passionnée par les ressources humaines, hyper connectée sur LinkedIn, Laïza MARIE, adore faire la promotion des talents et projets ultramarins. Elle est d’ailleurs membre de l’Association Jeunesse Outre-Mer, premier réseau professionnel des jeunes ultramarins et de leurs amis… Elle ajoute même, quand on lui demande, qu’elle est une femme de challenge et qu’elle refuse rarement un nouveau défi ! (rires).
Justement, beaucoup de personnes te connaissent via LinkedIn, le réseau social professionnel. Tu y es très présente et d’ailleurs tu es perçue comme une véritable influenceuse. Comment cette histoire a-t-elle démarré ?
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Au début, j’utilisais LinkedIn pour recruter et ensuite j’ai commencé à partager la pensée du jour/du soir, ou d’autres publications concernant développement personnel/motivation. Je venais de passer 5 ans et demi dans une société où j’avais vécu des situations assez compliquées (ndlr : Plan de Sauvegarde de l’Emploi). J’avais ce besoin d’exprimer que l’on doit apprendre des situations difficiles pour rebondir et atteindre ses objectifs.
C’est alors que j’ai été approchée par l’Association Jeunesse Outre-Mer pour faire partie du Pôle Coaching RH. Mon rôle consistait alors à accompagner des ultramarins dans la réalisation de leur projet professionnel. Mes deux premiers coachings étaient des accompagnements pour le retour au pays. Il a donc fallu que j’ouvre mon réseau pour me connecter aux directeurs/responsables des ressources humaines et aux chefs d’entreprise d’Outre-mer afin de leur trouver les meilleures opportunités possibles.
De fil en aiguille, j’ai été contactée par des responsables des ressources humaines, des dirigeants de PME ou de startup qui souhaitaient me proposer des offres d’emploi, ou des entrepreneur(e)s ultramarin(e)s qui souhaitaient avoir des conseils en RH. J’avais déjà un certain nombre de followers (abonnés) mais les interactions avec eux ont décuplé et les demandes de mises en relation ont explosé.
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Dans ta dernière interview, il est indiqué que tu es devenue une influenceuse dans l’univers de l’emploi. Comment as-tu décroché ce statut ?
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Je dirais qu’il m’a été attribué l’an dernier. Ce sont les chefs d’entreprise de mon réseau et les recruteurs qui m’ont répété à quel point mes publications étaient suivies et à quel point mon nom était devenu « célèbre » sur LinkedIn. J’avoue que je suis encore très surprise et flattée quand je reçois des messages de chefs d’entreprise qui sont de passage sur Paris et qui souhaitent me rencontrer.
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Mais dis-nous ce que cela signifie exactement pour toi. De quels avantages bénéficies-tu ? Est-ce que ta vie en a été transformée ?
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(Rires). Alors, contrairement aux influenceuses Instagram ou aux Youtubeuses, je ne reçois pas de produits, d’accessoires, etc. Par contre, mon statut me permet d’être invitée à des évènements en lien avec le développement de l’emploi ou de l’entrepreneuriat en Outre-mer et surtout d’obtenir grâce à mon réseau des offres d’emploi pour les jeunes que nous accompagnons au sein de l’Association Jeunesse Outre-Mer, ou de permettre aux chefs d’entreprise/start-up de gagner en visibilité et de décrocher des partenariats.
Je ne fais pas tout cela pour avoir uniquement de la visibilité. D’ailleurs, j’apprécie particulièrement de rencontrer en direct les personnes de mon réseau… Les échanges réels sont toujours très riches et plaisants…
Je ne dirais pas que tout cela m’a transformée. Au contraire, je suis encore plus moi… Laïza Marie. Je suis très honorée d’être reconnue, car je prends un réel plaisir à mener toutes ces actions pour le développement et la valorisation de l’outre-mer, mais à côté j’ai un métier. J’occupe un poste de HR Business Partner à temps plein dans une société de conseil en financement de l’innovation. Je mène donc toutes mes actions sur mon temps libre et je prends plaisir à les faire ! C’est un peu une distraction surtout quand on a 2 h de transport en commun par jour… quand le trafic est normal… (Rires)
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J’imagine que tu dois être très sollicitée.
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Je reçois des messages tous les jours sur LinkedIn et je fais mon possible pour répondre aux personnes qui me sollicitent.
Aujourd’hui, les membres de mon réseau m’identifient sur des offres d’emploi pour que je puisse les partager, des étudiants me contactent en privé pour obtenir des conseils ou partager leur CV et des professionnels me contactent pour partager leurs évènements.
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Comment vois-tu l’évolution de ta « relation » avec LinkedIn ?
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Je ne suis pas prête à me sevrer (rires). Je suis toujours aussi accro et cela ne risque pas de s’arrêter, maintenant que j’ai atteint les 5000 abonnés et que j’ai réussi à atteindre plus de 16000 vues sur une publication qui mettait en avant Shirley Billot, la fondatrice martiniquaise de la marque Kadalys qui a su faire de la banane un ingrédient beauté puissant et efficace. Je continue de faire tout au feeling, de laisser parler mon cœur quand je publie ou partage des posts. Mais désormais, j’ai une vraie stratégie de publication qui est beaucoup plus étudiée qu’auparavant.
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Être influenceuse suppose d’établir des partenariats. Quels sont les partenariats que tu as en cours ?
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Je n’ai pas de partenariats mais je suis connectée aux réseaux d’entrepreneurs/startup ultramarins afin de partager leur activité ou faire suivre leurs offres en cours. Je pars du principe que c’est, comme on dit chez nous : « Yon A Lot ». Je sais que ce que je donne aujourd’hui, l’univers me le rendra demain. J’ai envie de montrer au monde entier que nos Outre-mer ont des talents.
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Aussi, plus ton audience s’étend, plus tu es débordée… d’autant plus que tu as un travail à côté ! Comment comptes-tu garder ton authenticité ?
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Je garderai cette authenticité tant que je cela restera un « jeu » et que je continuerai à m’amuser, c’est le côté être sérieux sans se prendre au sérieux. Le plus important pour moi est de trouver un équilibre entre ma vie personnelle, ma vie professionnelle, mon activité sur LinkedIn et mes autres projets. J’essaie de tout faire en étant moi, en étant vraie et surtout en gardant ma joie de vivre et le sourire.
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Tu as participé à un startup week-end du 15 au 17 mars à Paris, peux-tu nous en parler ?
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J’ai longtemps hésité à m’inscrire à cet évènement, car les Startup Weekend rassemblent des entrepreneurs, des startup lovers, des ingénieurs, des développeurs et des étudiants pour vivre une aventure intense en 54 h. Je n’avais donc pas les prérequis pour y participer mais en allant sur la page de l’évènement, j’ai vu d’autres critères : ultramarins, curieux/intéressés par l’innovation. J’étais convaincue à 90 % mais il me fallait une dernière confirmation. J’ai donc contacté Anne-Audrey, l’une des organisatrices qui m’a encouragée à m’inscrire en me disant que j’y avais ma place et m’a garanti que j’allais vivre une aventure exceptionnelle et inoubliable !
À peine avais-je raccroché, j’ai foncé sur le site pour m’inscrire sous l’étiquette d’une jeune femme ultramarine, curieuse, intéressée par l’innovation, passionnée par l’entrepreneuriat et le networking.
Vous pouvez retrouver l’article sur son retour d’expérience sur LinkedIn => .
https://www.linkedin.com/pulse/startup-weekend-paris-o-maker-mon-retour-dexpérience-de-laïza-marie/
J’ai vécu une aventure de 54 heures intense, exaltante et inoubliable ! J’y ai rencontré des personnes extraordinaires
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Ton équipe HeliOcéanos a remporté le 1er prix Startup Week-end Outre-Mer qui vous permet de présenter votre projet à l’Assemblée nationale en septembre dans le cadre du Concours de Prospective Outre-Mer 2050. Souhaites-tu continuer l’aventure ?
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Nous sommes très fiers d’avoir remporté le 1er prix et sommes reconnaissants de tous les encouragements, soutiens que nous avons reçus. Nous croyons fortement en ce projet, c’est pour cette raison que nous avons décidé de rester ensemble pour le porter le plus loin possible. Si vous voulez en savoir plus sur notre projet, n’hésitez pas à nous suivre sur les réseaux sociaux : LinkedIn, Facebook et Instagram.
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As-tu d’autres projets liés à l’Outre-mer ?
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J’ai beaucoup de projets et d’envies, comme animer des ateliers sur une meilleure utilisation de LinkedIn à travers l’Outre-mer ou encore aider les entrepreneurs à mieux gérer la croissance de leurs effectifs, notamment les start-up.
Après, je me laisse aussi guider par le fruit de mes rencontres futures, car mon poste de HRBP est assez prenant.
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Quelle est ta vision de l’emploi en Outre-mer ?
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Il y a une prise de conscience de la fuite des cerveaux et une volonté de favoriser le retour au pays. Il y a de nombreux acteurs ou des conférences sur le sujet depuis ces deux dernières années. Il y a d’ailleurs le projet Alé Viré lancé par Catherine Conconne sur la Martinique.
Nous sommes nombreux à avoir quitté nos territoires d’Outre-mer pour continuer nos études et dans certains cas, à avoir choisi des domaines ou métiers qui n’existent pas chez nous. C’est la raison pour laquelle on assiste à la montée de l’entrepreneuriat et des start-up. Beaucoup de ceux qui reviennent décident de lancer leur propre activité. Plutôt que de passer de longs mois à rechercher un emploi au risque d’en prendre un par dépit, nos compatriotes préfèrent se lancer et contribuer ainsi, à leur niveau, au développement du territoire où ils s’installent.
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Si tu avais un message à passer aux ultramarins sur place et ailleurs, quel serait-il ? Pourquoi ?
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Je voudrais remercier tous les ultramarins mais aussi tous les amoureux de nos territoires qui sont restés sur place et qui mènent des actions au quotidien pour faire avancer les choses et tous ceux qui ont fait le choix de repartir pour continuer à faire bouger les choses.
Tout seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin. Je pense que nous en avons pris conscience. Et rentrer au pays n’est plus considéré comme synonyme d’échec…d’ailleurs, tous les compatriotes devraient garder à l’esprit ce que disait Nelson Mandela :
« Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. » Donc, continuons d’apprendre et de faire de belles choses ensemble !
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Pourquoi les talents ne retournent-ils pas au pays ?
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Les personnes que j’ai accompagnées dans leur projet de retour au pays partagent souvent avec moi leurs retours d’expérience et les obstacles qu’elles rencontrent.
Tout d’abord, un point important qui pèse dans la balance : la rémunération. En effet, bien souvent, celle qui leur est proposée est généralement en dessous de celle qu’elles perçoivent. À cela, il faut ajouter que les avantages, tels que l’intéressement, la participation, etc., sont plus rares voire inexistants selon l’entreprise.
Cela peut paraître surprenant mais la réadaptation peut être difficile et c’est là un autre élément qui rend difficile le retour. En effet, lorsque l’on revient après de longues années, il faut changer ses habitudes, son mode de vie et renouer avec la culture, les us et coutumes des territoires. Ce n’est pas toujours simple.
Il faut également trouver sa place en entreprise et se faire accepter par ses nouveaux collègues qui n’ont pas forcément quitté les territoires. Ils peuvent percevoir les repats (ndlr : les ultramarins qui souhaitent revenir au pays) comme des menaces qui sont venues pour leur « piquer leur place » ou leur imposer leurs méthodes de travail.
Il arrive aussi des fois où les ultramarins doivent se reconvertir, car leur métier ou le domaine d’activité dans lequel ils ont évolué n’existe pas sur place.
De plus, les perspectives d’évolution sont relativement faibles si on arrive avec une certaine expérience. Je pense que si l’on veut faire revenir les talents, il faut arrêter de se limiter aux arguments comme l’amélioration de la qualité de vie (la plage, le climat…), le rapprochement familial, etc., et que l’on doit mettre les moyens nécessaires pour les attirer et être conscient que le retour au pays s’organise (déménagement, etc.). Dans ce contexte où intégrer une entreprise dans son territoire d’origine n’est pas toujours simple, beaucoup d’ultramarins associent un projet de retour à un projet de création d’entreprise…
Je suis très positive et curieuse de voir ce que l’avenir me réserve.
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Beaucoup de personnes ont commencé à te suivre quand tu partageais les messages de pensée positive le matin… Quel message aurais-tu envie de partager avec nos lecteurs pour conclure ?
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Dans une de mes premières interviews, j’avais indiqué qu’il fallait être acteur/actrice de sa vie. 2 ans après, c’est toujours valable, je crois encore plus à cette loi de l’attraction… et surtout au fait qu’il faut croire en soi, croire en son potentiel et s’entourer de personnes bienveillantes !
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Quels sont tes projets d’ici 10 ans ?
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J’ai des projets plein la tête mais les prochains mois/prochaines années détermineront mes futurs choix.
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Que peut-on te souhaiter ?
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De rester authentique et de faire tout ce que je fais avec passion en respectant mes valeurs.
Merci
Pluton-Magazine/2019