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« La peinture abstraite est une écriture dotée d’un alphabet dont la consonne et la voyelle sont la forme et la couleur ». Nadim Rachiq.
« la peinture est une musique qu’on écoute avec les yeux, la musique est une peinture qu’on regarde avec l’oreille ». Nadim Rachiq
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Toutes ces pensées de l’artiste plasticien Nadim Rachiq autour de l’art et en particulier la peinture, semblent prendre forme dans sa dernière œuvre picturale ; « Alwane wa angham ». Ce qui veut dire en langue arabe, couleurs et mélodies ; Alwane : couleurs, Angham : mélodies. Un titre étroitement lié à l’utilisation, dans cette toile, de la calligraphie arabe. Une façon de créer un chevauchement entre l’article et l’œuvre en question.
Alwane wa Angham, en l’occurrence, couleurs et mélodies en français ; ces deux mots désignent la peinture et la musique. Dans cette toile, elles en sont représentatives . C’est une peinture à la croisée de la ligne, de l’écriture, du mot, de la forme, de la couleur et du son. Autrement dit, elle exprime la relation entre la littérature, la peinture et la musique, d’où son titre déjà cité ci-dessus.
Paul Klee et Wassily Kandinsky sont deux artistes peintres dont la démarche artistique consistait à mettre en évidence la relation entre la peinture et la musique. La littérature leur était indispensable pour pouvoir parler de leur recherche plastique et pouvoir démontrer leurs démarches artistiques ; Vassily Kandinsky a écrit Du spirituel dans l’art et en particulier dans la peinture, et Paul Klee a écrit La pensée créatrice. Ce qui nous permet de dire qu’entre l’art et la littérature, il y a toujours eu une corrélation. C’est la littérature qui a permis l’analyse de certaines œuvres et de l’écriture cde l’histoire de l’art. Par ailleurs, on peut également dire que dans la littérature il y a de la création, de l’imagination, l’équilibre et l’harmonie des éléments susceptibles de faire de cette dernière une forme d’art. Pour écrire son roman, un écrivain est censé réfléchir, penser, imaginer, créer, écrire, composer, agencer…
Dans cette œuvre, la calligraphie arabe est omniprésente et elle occupe une place prépondérante. Outre son caractère poétique et dansant, l’utilisation de cette dernière est justifiée par le fait qu’elle est considérée comme une forme d’art. Donc, étroitement liée de façon générale aux arts plastiques et de façon particulière à la peinture. Dans cet ouvrage pictural, la calligraphie arabe a pour fonction de représenter l’écriture, la poésie et la littérature. Elle regroupe en elle seule ; la ligne, l’écriture, la forme, la couleur, le son, le sens. Elle est à la fois élément plastique et élément littéraire. Susceptible de créer, de façon picturale, un trait d’union et une passerelle entre plusieurs formes d’expression : écriture, peinture, littérature, musique…Elle est peinte, écrite, vue, lue, sentie, comprise et chantée. Dans cette œuvre et, en tant qu’écriture, elle évoque en arabe les noms de plusieures formes d’expression : écriture (kitaba كتابة) , poésie (chiir (شعر , chants (aghani أغاني ), musique (moussikaموسيقى ), (Angham أنغام) art (art فن) etc… Par son caractère continu, la calligraphie arabe peut être le moyen d’expression picturale capable de réunir, de façon graphique sur le même support, plusieurs formes d’expression.
Sur le côté droit du tableau, on voit des notes musicales peintes avec différentes couleurs. Une façon plastique d’exprimer par le biais de la couleur les différentes mélodies. Un style de figure non linguistique mais plastique qui évoque la musique. Une métonymie picturale peinte et, en même temps, écrite qui consiste à désigner le tout par la partie, en l’occurrence, la musique par les notes musicales. Ces dernières sont aussi des écritures, certes non alphabétiques mais musicales. Cependant, entre les notes musicales et la littérature il y a une relation, une passerelle et un dénominateur commun, du fait que toutes les deux sont des écritures et, certes pas dans le même contexte, peuvent être toutes les deux écrites, lues et comprises… Contrairement à la calligraphie, les notes musicales représentent dans cette œuvre l’écriture d’un langage universel , en l’occurrence, la musique.
Cette toile est faite à la peinture à l’huile. Un fluide qui facilite la fusion et le mélange entre les différentes couleurs et les différents pigments ; on peut y voir une sexualité et une reproduction intra chromatique. Par le biais du pinceau et de l’huile, les couleurs se rencontrent, se mélangent et fusionnent. De ce mélange naissent d’autres couleurs. Dès lors, on peut constater que dans une composition picturale à l’huile, l’interaction entre différentes formes et différentes couleurs est indispensable. C’est une condition sine quoi non, sinon l’huile en tant que fluide ne remplit pas sa fonction. Dans la peinture à l’huile, les couleurs sont faites pour être liées entre elles.
Ce constat nous amène à la réflexion suivante : toutes les formes d’expression sont liées les unes aux autres par un dénominateur commun. L’écriture, la poésie, la musique, la littérature… leurs noms féminins découlent de l’anima et elles portent toutes en elles la semence de leur géniteur commun, en l’occurrence, l’art qu’on peut éventuellement considérer comme animus…
Cette œuvre est un essai de démontrer, dans un langage plastique, la relation et les interactions entre l’écriture, la calligraphie, la littérature, la poésie, la peinture, la musique…et mettre en évidence cette corrélation entre ces différentes formes d’expression. Dès lors, une question se pose ; peut-on, à l’instar de la littérature, penser à une éventuelle peinture comparée… ?
Pluton-Magazine/2021/Jan
Cette peinture à l’huile sur toile, d’une dimension de 195 x 130 cm a été réalisée par l’artiste Nadim Rachiq en 2021.
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