Par Dominique Lancastre
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Avec Esquisses, Philippe Triay nous invite à nous questionner sur le sens de la vie, de cette vie moderne dans laquelle nous évoluons parfois à nos dépens car rien ne fonctionne comme nous l’aimerions.
Le poète sillonne le monde à travers ces vers libres. Comme il le dit lui-même, après avoir sillonné le monde, il devient globetrotter dans sa tête. C’est donc une très profonde réflexion sur l’état du monde qu’il nous présente et il nous invite à ce voyage aussi.
Le recueil se divise en plusieurs temps forts et si le poète nous avertit que le monde dans lequel nous vivons est un monde en perdition, un monde qui sombre, il y a tout de même de l’espoir.
De temps à autres alors que certains poèmes nous plongent dans les abysses de la douleur de ce monde, il y a des lueurs d’espoir, des sursauts, comme les arbres renaissent après un long hiver vigoureux. Philippe Triay distille de l’espoir à travers sa poésie.
Les premiers poèmes sont très sombres et nous percevons une certaine rébellion Si la colère se fait ressentir, c’est avant tout de la bonne colère à travers laquelle l’auteur exprime toute son indignation pour le monde dans lequel nous vivons, un monde qui manque d’empathie envers nos semblables. Cette colère est peu à peu atténuée et comme une expiration, l’auteur nous livre des poèmes plus contemplatifs où la nature semble avoir sur lui un effet de baume pour calmer cette colère et cette douleur qui traversent son esprit vagabond.
Certains textes sont illustrés par la peintre et créatrice digitale Lauwaart, qui travaille sur les esthétiques et les identités, et s’est prêtée au jeu subtil de l’interprétation entre le verbe et l’image, en harmonie avec les aspirations et l’univers du poète.
La préface est signée de son éditrice Michelle Jean-Baptiste qui livre ses impressions, et dont nous tirons cet extrait :
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“Voici des mots écrits par un auteur-poète, un auteur-journaliste, témoin de son temps, qui ne détourne pas le regard et ne se défile pas face aux rêves perdus, aux brisures ou à la “buée des âmes” des personnes qu’il croise, heureuses ou miséreuses.”
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Des mots bien choisis qui mettent le lecteur sur la piste de ce qu’ils vont saisir à la lecture de ces poèmes.
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Résonances
Il y a eu un foudroiement de trompette
Suivi d’un effondrement de piano et d’une trâlée de batterie
Aux lancinantes résonances et puis des enchevêtrements de sons
Qui montaient jusqu’aux cieux
Avec des enfants rieurs.
Et les arbres alors se mirent à verdoyer en cadence
Et alors j’ai pensé que la vie était belle
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Philippe Triay
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« J’ai écrit ces textes dans une période moralement assez difficile, mais ce n’était pas dû à la crise sanitaire et les difficultés qu’elle a entraînée chez un grand nombre de personnes. On trouvera dans le livre des poèmes plutôt sombres, mais aussi d’autres tendant vers l’optimisme et célébrant la beauté des choses et du monde, comme pour juguler ses aspects négatifs. Il y a une sorte de bipolarité qui imprègne ce recueil, et franchement je dois dire que je comptais l’intituler à un moment « Poèmes bipolaires ».
Les textes me viennent parfois comme une fulgurance, une évidence, sous le coup d’une inspiration ou d’une émotion soudaine, sinon brutale. Cela peut arriver à n’importe quel moment. Dans les transports, au travail, à la maison… J’écris quelquefois en pleine nuit, quand les mots s’imposent à moi dans mon sommeil et me réveillent. Cela peut paraître bizarre mais ça arrive, les créateurs comprendront !
Certains poèmes dérivent de mon imaginaire, d’autres sont issus d’expériences vécues ou de choses vues, comme cette dame noire, une clocharde, dont je parle dans le recueil. Cette personne, que je n’aperçois plus d’ailleurs en ce moment, a vécu durant des années dans un recoin sordide près d’un grand magasin de la porte de Montreuil, entourée d’une montagne de sacs. Seule, immobile. C’était frappant et quelque peu effrayant. J’ai essayé de lui parler une fois. Elle était complètement mutique, absente au monde. Cette situation m’avait particulièrement touché. » Philippe Triay
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La vie ne doit pas être un jeu d’échec
Ni un champ de bataille permanent
Un hennissement de cheval rageur
Un brouhaha d’affrontements stériles
Contre les autres et contre soi-même
L’existence est un jeu d’harmonie
De délivrance et réconciliation
De réussites et de projets novateurs
À la rencontre de l’altérité sublime
De la beauté providentielle et salvatrice
De justice et de liberté retrouvées
À la source de la création
De microscopiques étoiles se mêlent
Aux particules mirifiques
Qui annoncent d’infinis questionnements
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Par Dominique LANCASTRE
Pluton-Magazine/2021