Par Dominique LANCASTRE
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La fascination de Cécile Guidot. On connaît Cécile Guidot, cette notaire devenue écrivaine, pour sa trilogie sur le monde des notaires. Elle revient avec un roman tout à fait étonnant et qui risque de perturber certains lecteurs ou lectrices. À l’aube de ses quarante ans, Claire, notre personnage principal, découvre son journal intime d’adolescente. Le lecteur rentre petit à petit dans les confidences de Claire et on finit par la trouver vraiment attachante, fragile et très intéressante. C’est une adolescente perturbée mais dans le bon sens du terme. Elle est fille d’une coiffeuse et d’un agriculteur. Un père qu’elle n’aime pas trop pour sa façon d’agir et une mère qu’elle adore et qu’elle n’imagine pas être avec ce père agriculteur, qui ne se gêne pas pour courir après les femmes et tromper la sienne.
Nous sommes dans les années 90, les temps sont difficiles et Claire éprouve une certaine honte d’être la fille de ses parents, des gens plus ou moins pauvres qui n’ont rien à voir avec les autres parents au lycée. Mais Claire est une élève brillante qui s’intéresse à la littérature et à l’histoire- géographie.
Depuis son enfance, Claire s’est toujours sentie très mal dans sa peau, dans son corps de fille qu’elle rejette, et automatiquement elle est devenue un garçon manqué. Mais être un garçon manqué en bas âge ne pose pas trop de souci aux yeux des autres. C’est quand elle quitte cette enfance pour cheminer vers l’âge adulte qu’elle commence à sentir son attirance pour les filles. En réalité, Claire a toujours été un garçon depuis sa naissance, mais prisonnier dans le corps d’une fille. L’arrivée de cette professeure d’histoire-géographie fraîchement mutée de Toulon pour le Nord, un schéma très typique de l’Éducation nationale qui déracine les jeunes profs de leur environnement pour les envoyer dans des endroits perdus de France, va bouleverser Claire. Car elle ne vit que pour elle et si elle obtient de bonnes notes dans cette matière, c’est qu’elle voue une fascination maladive et amoureuse à cette prof qui dès lors va occuper son esprit.
Cécile Guidot aborde le thème de l’homosexualité féminine avec beaucoup de beauté sans pour autant faire de son roman, un roman LGBT. Claire vit à la campagne et ne pense qu’à s’échapper de ce coin perdu pour aller vivre à Paris, où sans doute, elle se confondrait dans la foule et où personne ne saurait qui elle est. Mais il n’y a pas que cela. Nous voyons bien les difficultés qui émergent dans ce genre de couple à la campagne, où l’homme tient encore un discours très macho en dépit du fait qu’il ne fait pas vraiment tourner la maison. Dans le cas de Claire, c’est grâce au salon de coiffure de sa mère qu’ils arrivent à s’en sortir. Est-ce le fait d’être élevée dans une famille de la sorte qui explique qu’elle refuse les garçons ? Elle se pose la question elle-même.
La fascination est un brillant roman sur l’acceptation de soi et le regard dérangeant de la société lorsqu’on est différent. C’est une différence qui peut faire mal. On comprend la douleur de Claire à travers ce récit et d’autant plus à un âge où les adolescents ne font pas de cadeau à leurs amies et amis.
Claire est devenue notaire et dans le roman, elle veut devenir écrivaine. Il serait un peu cavalier de penser que l’auteure parle d’elle-même, même si les détails nous font penser à elle. Mais là n’est pas la question. Ce qui est important est que Cécile Guidot, à travers ce roman, sert un témoignage sur des jeunes filles qui se sentent différentes et qui vivent cette différence très douloureusement. L’écriture est incisive et nous montre en quelque sorte comment cette jeune fille vit au quotidien cette douleur. Le roman est de toute beauté avec des références aux années 90 que bon nombre de lecteurs et de lectrices vont reconnaître. Dès lors, on ne peut dire que bravo à Cécile Guidot pour ce thème si intéressant.
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La fascination Editions JC Lattès
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Auteure
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Après une école de théâtre et des études de droit, Cécile Guidot est devenue notaire avant de se consacrer à l’écriture. Elle a écrit une trilogie remarquée : Les actes, les volontés, les vanités.
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Dans l’univers de Cécile Guidot
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