PORTRAIT : MARIE CURIE, SCIENTIFIQUE AU DESTIN EXCEPTIONNEL

Par Philippe ESTRADE auteur-conférencier

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Issue de la petite noblesse polonaise, Marie Curie a poursuivi ses études à la prestigieuse Sorbonne à Paris. Licenciée en physique avec une première place et une mention très bien, puis en mathématiques, la brillante jeune Polonaise a alors poursuivi des travaux sur les aciers et leurs propriétés magnétiques. Mariée à Joliot Curie, c’est ensemble qu’ils découvrent en 1898 deux substances radioactives, le radium puis le polonium, ainsi nommé en référence à la Pologne, la patrie de Marie. Seule femme à recevoir deux prix Nobel, d’abord de physique en 1903, partagé avec son mari Pierre et Henri Becquerel, l’immense scientifique obtint plus tard le prix Nobel de chimie en 1911, à l’issue de ses travaux précisément sur le radium et le polonium. Marie Curie s’éteindra dans le sanatorium de Passy en Haute-Savoie en 1934, à l’âge de 66 ans, trop exposée dans sa carrière aux éléments radioactifs.

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MARIE, UNE IMMENSE TRAVAILLEUSE

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Cinquième enfant d’une famille d’enseignants, le père est professeur de physique et la mère institutrice, Marie née Maria Skodowska naquit le 7 novembre 1867 à Varsovie, alors soumise à l’autorité russe. Après de brillantes études secondaires, la jeune femme s’est heurtée à l’impossibilité pour les filles d’entrer à l’université, alors que la Russie avait procédé dans cette fin du 19e siècle au transfert à Saint-Pétersbourg, en Russie, des différents ministères polonais en réaction à la révolte du pays, entre 1861 et 1864. La russification à marche forcée contraignit Marie à se rendre en France pour poursuivre ses études.

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Des études supérieures à Paris

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Hébergée chez sa sœur et son beau-frère, Maria commença dès 1891 des études de physique à la faculté de sciences de Paris. Deux ans plus tard, elle sortit première de sa promotion à la licence de physique. Brillante étudiante, une bourse lui fut accordée pour poursuivre des études de mathématiques dont elle obtint la licence, seconde de sa promotion. Marie est une étudiante boulimique de travail, ce qui n’échappe pas à ses enseignants, notamment Gabriel Lippmann, son professeur de physique. Celui-ci obtiendra pour elle des études sur l’aimantation des différents aciers dans son laboratoire, mais soucieuse d’obtenir plus de connaissances sur le magnétisme et la matière, Maria rencontra alors un certain Pierre Curie, déjà illustre spécialiste de l’époque.

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Avec Pierre Curie, l’alliance de l’intelligence et de la recherche

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À l’issue de sa rencontre avec Pierre Curie, chef des travaux de physique à l’école municipale de physique et de chimie industrielles, Maria accepta de travailler avec cet éminent savant. En 1895, elle rentra cependant quelque temps en Pologne pour enseigner et vivre aussi l’émancipation de son pays face à la Russie, mais Pierre Curie

lui demanda de revenir à Paris et de devenir son épouse. C’est à Sceaux que Maria devint Marie Curie en épousant Pierre, le 26 juillet 1895.

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UNE ÉTAPE CAPITALE, LA DÉCOUVERTE DU RADIUM ET DU PLUTONIUM

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Découverts par Röntgen avant les rayons mis au jour par Henri Becquerel, les rayons X vont susciter un immense intérêt dans le monde scientifique. Se consacrant à sa thèse de doctorat, Marie choisit cependant de travailler sur les rayonnements uraniques de Becquerel, c’est-à-dire l’uranium. L’école municipale de physique et de chimie industrielles a ainsi mis à sa disposition un petit atelier de recherche bien rudimentaire. Le 26 décembre 1898, elle découvrit le radium avec le chimiste français Gustave Bémont, qui avait décidé de rejoindre le couple Curie.

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Polonium et radium

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Marie Curie parvint à établir le caractère atomique du rayonnement de l’uranium grâce à un procédé quantitatif mis au point par Pierre Curie, son époux. Travaillant ensemble dans le vétuste laboratoire offert, Pierre et Marie Curie découvrirent en 1898 deux éléments à ce jour méconnus, le radium et le polonium. Le rayonnement conjoint de ces deux éléments, leur radioactivité selon le terme utilisé par Marie Curie, est beaucoup plus intense que celui produit par l’uranium. Une anecdote raconte que le chimiste allemand Wilhelm s’étonna de la rusticité du local de recherche des Curie et déclara « ce laboratoire tenait à la fois de l’étable et du hangar à pommes de terre, et si je n’y avais pas vu d’appareils de chimie, j’aurais cru que l’on se moquait de moi ». 

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En route vers le Nobel

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En 1903, devant la faculté des sciences de Paris, Marie soutint sa thèse de doctorat en sciences physiques « Recherches sur les substances radioactives » et fut la même année la toute première femme à recevoir le 10 décembre 1903 le prestigieux prix Nobel, celui de physique, avec son marie Pierre et Henri Becquerel. Une indiscrétion précise que seuls les noms de Pierre Curie et de Henri Becquerel furent retenus dans un premier temps pour obtenir le Nobel, provoquant l’intervention de Pierre afin que sa brillante épouse, qui avait partagé avec lui toutes les recherches, fut elle aussi honorée du Nobel. En 1904, Pierre décrocha une chaire de physique et devint professeur à la Sorbonne alors que Marie recevait la direction des travaux du laboratoire précisément lié à la chaire de son époux.

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RECHERCHE EN LABORATOIRE ET ENSEIGNEMENT

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La disparition accidentelle de son mari le 19 avril 1906 va durablement affecter Marie. Marie Curie mit toute ses forces dans la recherche et se consacra à l’enseignement. Elle est habituée à être la première, première femme professeur à la Sorbonne en remplacement de son époux décédé, première femme titulaire d’un poste de directrice de laboratoire universitaire. La presse, les curieux mondains, les artistes et les personnalités politiques se pressaient à la Sorbonne ce 5 novembre 1906 pour être les témoins historiques du premier cours du professeur Marie Curie.

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La mort accidentelle de Pierre Curie

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Le destin a frappé les Curie ce 19 avril 1906. En effet, Pierre fut renversé par un camion hippomobile rue Dauphine à Paris et succomba à ses blessures. Il courait pour éviter un fiacre, glissa sur la chaussée humide avant d’être percuté à la tête par une roue du camion. Durablement effondrée, Marie mettra du temps à se remettre de cette terrible épreuve, en étant cependant bien soutenue par sa belle-famille.

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Vers un nouveau prix Nobel

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Après 1908, la chaire qu’elle occupait prit alors l’intitulé de « physique générale et radioactivité ». Quelques pressions la conduisirent à postuler à l’Académie des Sciences mais à deux voix près, elle échoua devant Édouard Branly. Il faut dire qu’il faudra attendre un bon demi-siècle pour que l’Académie accueille enfin une femme. Plus que jamais au travail, Marie Curie a participé au premier congrès Solvay, des rencontres annuelles de tous les savants et chercheurs du moment, qui s’est déroulé en 1911 en présence notamment d’Einstein et de Max Planck. Le 8 novembre 1911, alors qu’elle est frappée par une campagne calomnieuse et xénophobe issue de sa liaison avec Paul Langevin, physicien et homme politique (elle était pourtant veuve depuis cinq années), Marie Curie apprit que le prix Nobel de chimie lui était décerné. Celle que la presse d’extrême-droite, virulente à cette époque, qualifia de « polonaise qui brise un bon ménage de Français » devint alors la seule femme à recevoir deux prix Nobel, de physique en 1903 et de chimie en 1911.

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Active durant la Grande Guerre

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Marie Curie n’a pas hésité un seul instant à s’engager dans la Première Guerre mondiale et  à mettre à profit son savoir immense et ses connaissances pour apporter de l’aide dans le développement de la radiologie et le soutien général aux blessés. Elle est d’ailleurs parvenue à faire équiper des véhicules radiologiques qui ont servi aux traitements de blessés de guerre et à la localisation des projectiles. Rejointe par sa fille Irène, et possédant son permis de conduire, Marie Curie s’est rendue sur les différents fronts pour effectuer des radiographies. Irène obtint d’ailleurs à son tour le prix Nobel de chimie en 1935 en compagnie de son époux Frédéric Joliot-Curie pour de nouveaux travaux sur la radioactivité. En 1918, alors que le terrible conflit venait de s’achever, Marie Curie rejoignit son poste à l’institut du radium tandis que les bienfaits du radium justement furent démontrés dans le traitement des cancers. Face au désarroi de l’Europe ruinée et affaiblie par la guerre, Marie reçut le soutien de Marie Melonay, une journaliste américaine fascinée par la scientifique et la femme, qui collecta auprès des femmes américaines de fortes sommes d’argent, de nouveaux instruments et du radium pour que Marie Curie puisse relancer ses recherches.  

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Marie Curie qui a beaucoup voyagé pour faire des conférences après la guerre, accepta d’utiliser son nom prestigieux dans le monde pour renforcer en permanence la recherche. Scientifique au destin exceptionnel, elle s’est même investie en 1922 auprès de la Société des Nations dans le cadre de la « Commission internationale de coopération intellectuelle », orientée vers la science et la paix. En permanence exposée aux éléments radioactifs dans le cadre de ses travaux, Marie Curie a commencé à s’affaiblir à partir de 1920 mais a tout de même poursuivi ses recherches, axées sur les approches thérapeutiques. Frappée par une leucémie, elle s’est éteinte au sanatorium de Passy en Haute-Savoie, le 4 juillet 1934 et a rejoint Pierre, disparu trop tôt. Ces deux géants de l’histoire reposent au Panthéon depuis le 20 avril 1995.

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Philippe Estrade

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Pluton-Magazine 2023

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