Entre les lignes -B-1 : Le bal des clochards célestes d’Ernest PÉPIN.

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Par Dominique LANCASTRE

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Avec son livre, véritable hymne à la vie, Ernest Pépin nous invite à aimer la vie en nous plongeant dans l’atmosphère peu connue ou souvent inconnue des laissés-pour-compte de la société. Comme il l’écrit si bien dans ce roman : « On ne naît pas clochard, on le devient. »

C’est avec une facilité poétique déconcertante que l’auteur nous kidnappe et nous projette à toute vitesse dans le monde de Bolo et Boline, deux clochards qui vivent leur vie de déchéance avec grande dignité et ne demandent que de la reconnaissance. Pas la reconnaissance d’être clochard mais la reconnaissance d’être en vie, de leur dignité humaine, de leur place dans une société égoïste et du paraître.

Bolo raconte la vie de Boline et Boline raconte la vie de Bolo, rétablissant la vérité pour le lecteur sur ce qu’ils sont vraiment. Dans ce chassé-croisé émotionnel, seul l’amour indescriptible les soude, alors que la déchéance amplifiée par l’alcool, la drogue, le sexe et le déséquilibre mentale fait rage. C’est un amour tellement puissant qu’il balaie tout sur son passage. Soudés par un lien si fort, ils déambulent dans l’enfer de la misère sans sombrer.

Ernest Pépin fait danser les mots dans Le bal des clochards célestes avec son style « poético-prosaïque » et cela ne nous laisse pas indifférents. En prenant comme protagonistes ces deux personnages sur lesquels se greffent d’autres personnages comme Jolo et Ernestine dite Man Tine, l’auteur nous renvoie vers notre perception de la vie telle qu’elle se déroule depuis toujours ; riches ou pauvres, clochards ou non, nous devons tous mourir un jour.

C’est cette dure réalité qu’il pointe d’une certaine manière dans ce roman et la condamnation de notre société qui rejette tout ce qui est hors norme. Cette condamnation est d’autant plus flagrante car il s’agit du regard antillais, ce regard qui juge et condamne. Dans leur pérégrination déchéante-destructrice, Bolo et Boline deviennent sous la plume d’Ernest Pépin des personnages sympathiques, agréables, que nous lecteurs adoptons sans jugement. Une volonté de l’auteur de faire une place, dans notre société psycho-dépressive, aux plus petits, aux moins fortunés, aux laissés-pour-compte.

Ce qui frappe le lecteur dès les premières pages, c’est le maniement de la langue. Ce sont des mots, des phrases, des maximes, des pensées, de la poésie, de la philosophie qui nous prennent aux tripes et nous happent dans un tourniquet littéraire.

L’auteur guadeloupéen est connu (qui ne connaît pas l’auteur de L’Homme-au-Bâton, dont une médiathèque porte bien le nom) et pour ceux qui ont déjà lu ses différentes œuvres, il ne laisse rien au hasard.  Il nous convie à la lecture de quelques poèmes glissés ici et là dans ce roman et qui confirment certainement pour lui que la vie n’est pas possible sans poésie.

C’est l’utilisation de cette poésie tout au long de l’histoire qui nous permet de mieux cerner les personnages. Il devient conteur avec des Ye krik ! Ye krak! Tim-Tim ! Bois Sec ! L’imaginaire antillais est très présent, sans oublier l’histoire de ces îles. C’est un roman qui accouche de l’Afrique, le point de départ, une remontée vers les terres ancestrales. L’Afrique représentée en mère sauveuse après cette descente en enfer où ils ont touché le fond du fond. N’est-il pas dit que celui qui tombe au sol se sert du sol pour se relever ?

L’auteur de L’homme au bâton signe une nouvelle fois une histoire hors du commun. Une histoire que je vous invite à découvrir. Le bal des clochards céleste est publié à Caraïbéditions, maison d’édition installée aux Antilles et qui n’arrête pas de nous étonner dans le choix de ses publications.

Le bal des clochards célestes ISBN : 9782373111781

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Résumé

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Ernest Pépin nous plonge dans le monde chaotique de Boline et de Bolo, deux laissés-pour-compte devenus clochards qui n’ont qu’eux-mêmes pour toute espérance. Avec une plume qui oscille entre le poétique et le cocasse, il réussit à nous faire vivre l’enfer intime que connaissent ses deux personnages principaux. À travers eux, nous découvrons l’envers d’une société égoïste, indifférente aux exclus, empêtrée dans sa bonne conscience. Pour autant, le récit que nous propose l’auteur reste pétri d’une humanité vraie, parfois mystique, qui nous fait ressentir la chair blessée de la condition humaine.

ISBN : 9782373111781 Caraibeditions Prix 17.30

Ernest Pépin, d’origine guadeloupéenne, s’est affirmé comme une des plumes majeures de la Caraïbe. Auteur de poésies et de romans, il a été couronné à plusieurs reprises, notamment par le Prix Casa de las Americas en 1991 et le Prix littéraire des Caraïbes en 1993. L’Homme-au-Bâton et Tambour-Babel parus chez Gallimard restent, jusqu’à aujourd’hui, ses œuvres principales ; Tambour Babel a été sélectionné pour le prix Goncourt et pour le prix Renaudot. Ce sont là autant d’hommages à une œuvre multiforme qui a toujours honoré sa créolité et sondé les profondeurs de la société caribéenne. (Sources Caraïbéditions)

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Dominique LANCASTRE


Pluton-Magazine 2024

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