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Par Jean-louis LORENZO
Un anniversaire inoubliable…
Et en plus, avec un soleil généreux qui a brillé tout au long de l’après-midi jusqu’au crépuscule, sur les terres et terrasses du Château d’Issan, à Cantenac. Pour l’événement, c’était à guichet fermé ! Autant dire que les mélomanes avaient été prévoyants, en réservant bien à l’avance pour vivre cette soirée d’exception avec le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux. Maître de cérémonie : le très médiatique Christian Morin qui officie sur Radio Classique, et toujours ravi de revenir en Gironde où il fit notamment l’École des Beaux-Arts de Bordeaux. Auparavant, Yves Di-Tullio, successeur récent de Nathalie Schÿler à la tête de Musique au Cœur du Médoc, tenait à rappeler que toutes ces années d’œuvres proposées avaient été rendues possibles grâce à la persévérance indéfectible d’une équipe de bénévoles, venue s’enrichir au fil du temps avec de nouveaux visages, depuis ce jour créateur de 1988 quand le couple Roux lança la « première » ; ce fut alors en l’église de Moulis, avec l’Orchestre de Haute-Normandie que dirigeait le maître Berlingen. Et bien sûr, comment ne pas évoquer Annette Ginestet qui tint les rennes de MACM pendant seize années ? Hommage lui a donc été rendu.
Puis, Y. Di-Tullio a évoqué l’avenir immédiat, en l’occurrence la prochaine saison qui amènera son lot de nouveautés, par exemple, en ouverture de chaque concert, cette belle place qui sera réservée à de jeunes musiciens talentueux sélectionnés par Jean-Luc Portelli, le directeur du Conservatoire de Bordeaux et puis « il y aura aussi les 9 et 10 novembre 2018, au Grand Théâtre, le Concours Bordeaux Médoc Lyrique, ouvert au public, qui a pour objectif de mettre en valeur le talent de jeunes artistes venus du monde entier. Pour cela, l’Opéra et MACM, s’associent, avec un jury qui sera composé des représentants des plus grands opéras internationaux. » Il devait enfin remercier le maître des lieux, la famille Cruse, pour son hospitalité et son soutien indéfectible depuis de nombreuses années.
Pour une merveilleuse balade thématique
Puis, place au récital sous la direction de Philippe Molinié qui a occupé et occupe depuis 1986 de multiples et prestigieuses fonctions, comme la direction des chœurs du Grand Théâtre, puis second du chef de Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, composé de 40 artistes permanents (Directeur, Salvatore Caputo) ; il dirige de nombreuses productions d’opérettes, écrit des arrangements musicaux. Ces dernières années, il a été responsable aussi des études chorales et vocales, notamment pour Didon et Aeneas et Jephtha. Ce jeudi 17 mai donc, il dirige une soirée d’exception riche de seize morceaux interprétés par vingt-trois choristes auxquels s’ajoutent les deux solistes, Marie-Andrée Bouchard Lesieur et Léa Frouté et au piano, Martine Marcuz.
Alors nous avons flâné dans une merveilleuse balade thématique, de quoi s’enivrer volontiers, d’autant qu’il s’agissait d’œuvres autour du vin et de la fête… Le banquet est déclaré ouvert, merci Jacques Offenbach, avec La Périchole qui nous emmène au Pérou au XVIIIe siècle, dans une intrigue haute en couleurs où les plaisirs de la fête et de la table se conjuguent. Puis, lui succède une pièce particulièrement savoureuse, Civet à toute vitesse, extraite des quatre recettes de La Bonne cuisine de Leonard Bernstein, le compositeur, entre autres, de West Side Story. Comment aussi ne pas plonger dans Le Chœur de l’ivresse, (Philémon et Baucis) de Charles Gounod ? où l’auteur traite avec grande ironie cette fable antique qui oppose le monde des humain à celui des dieux… Puis, Offenbach nous revient, cette fois avec Orphée aux Enfers, Vive le vin. Et comme au lumineux pays de Provence tout finit par la danse, voici aussi Charles Gounod (opéra Mireille) pour La Farandole, morceau inspiré du poème de Frédéric Mistral.
Margaux avec Caballero, Vodka avec Gershwin
Les œuvres s’enchaînent ainsi pour le plaisir des 300 spectateurs présents dans ce chai magnifique, voué celui-ci aux réceptions, car s’invitent encore Robert Schumann, Maurice Ivain, Charles Lecocq (La Fille de Madame Angot), Gaetano Donizetti, Johann Strauss, avec les voix merveilleuses – et toute la conviction qu’elles offrent lorsqu’elles montent sur scène – de la soprano Léa Frouté et de la mezzo-soprano, Marie-Andrée Bouchard Lesieur. De ces recueils de Francis Poulenc Chansons gaillardes ou Chansons villageoises, Léa Frouté nous entraîne derrière Les Gars qui vont à la fête !
Il y a aussi ce moment surprise quand M.A. Bouchard Lesieur interprète Château Margaux, (oui oui !) de Manuel Fernandez Caballero compositeur et chef d’orchestre espagnol célèbre pour ses Zarzuelas (plus de 200) dont celle-ci, demeurée très populaire : il s’agit d’une pièce dans laquelle les fameuses bouteilles se trouvent au cœur d’une intrigue qui a pour cadre l’Andalousie… Mais pour être dans l’actualité de la soirée, notre charmante mezzo-soprano fait une petite entorse et substitue Issan à Margaux !
Quant à George Gershwin, il viendra trinquer, non avec un verre de médoc mais de…vodka ! Cette Vodka, extraite du Musical Song of the Flame, créé à Broadway en 1925 avec pour toile de fond la révolution russe. Gershwin rend un hommage particulièrement humoristique à la boisson des tsars.
Et une surprise…
Le secret avait été bien gardé. À la fin du concert, en effet, une très ancienne société de trompes de chasse émerge de son repli secret et s’en vient donner la parade, à la grande surprise d’un public ravi : Les Veneurs Bordelais auxquels Michel Cardoze a consacré une émission sur France Bleu il y a quelques temps, vont jouer avec souffle et conviction, repoussant au passage les premiers moustiques qui déboulent avec le crépuscule. Cette société a une origine déjà bien lointaine, puisque née de la passion et de la volonté d’une famille, les Macou, en 1856. C’est une forme musicale, certes liée à la chasse mais qui peut s’en passer, en tout cas, elle ne laisse jamais indifférent, comme à Cantenac ce soir-là, où la prestation des veneurs a également été appréciée et applaudie.
Rédacteur : Jean- louis Lorenzo
Secrétaire de rédaction : Colette Fournier
Pluton-Magazine/2018
Crédits photos : Jean-Pierre Cassagne-Latute, Chantal Martin-Pardigon, Jean-Louis Lorenzo