Retour à la nature : ces hommes et femmes en mal du monde

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Par Georges COCKS

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Le retour à la nature décrit un besoin d’enracinement que nous avons perdu – Stéphane Hugon.

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Combien sont-ils,  un millier, des millions à choisir de vivre en autarcie, loin du monde ? On ne connaît pas leur nombre mais ils sont nombreux et ils sont encore plus nombreux tous ceux qui aspirent à ce mode de vie coupé de la société économique déshumanisante, et qui ne peuvent pas franchir le pas. Frustrés, ils mènent à leur façon leur rêve en se complaisant au strict minimum

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Pourquoi certains trouvent-ils le « monde » beau à habiter et d’autres non ?

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Les facteurs sont multiples mais convergent vers le même liant : le mode de vie proposé et souvent imposé par la société de consommation actuelle. L’essor industriel a permis de produire plus, mais il a détruit le lien social.

Tandis qu’un grand nombre d’individus jure par l’industrie des loisirs, du confort, des gadgets… d’autres ont une envie soudaine de fuir  comme la peste ces choses qu’ils utilisaient frénétiquement auparavant. Influencés par des facteurs politiques, économiques, sociaux et environnementaux, ils ont compris que le modèle actuel est un modèle à court terme qui ne consent pas à améliorer les conditions de vie humaine de la population de façon durable pour les générations futures. Seul compte l’instant présent, et les efforts sont insuffisants voire absents pour pallier tous les dérèglements et les torts causés à toutes les espèces et les formes de vie terrestre. Les promesses ne sont pas tenues  et en finalité le consommateur est pointé du doigt et il doit toujours payer pour les décisions grossières des fabricants d’un monde meilleur, selon ces derniers. La superposition de la culpabilité à l’autre est si facile que la prise de conscience éveille un comportement nouveau qui ne l’est pas en réalité, car ce mode de vie n’était  pas inscrit dans les gènes des humains : revenir à l’élémentaire de la vie. Notre façon de vivre aujourd’hui serait même responsable de nombreux maux irréversibles et mortels qui tuent des millions de personnes chaque année.

Le quatrième pouvoir ne manipule pas toute la masse, heureusement. Au contraire, il permet à quelques-uns de s’échapper de cette bulle d’insouciance et d’égoïsme. Il reste encore quelque vrais journalistes d’investigation qui mettent au grand jour, au péril de leur vie, des sujets qui dérangent, des supercheries énormes et des vérités qui ne peuvent plus être maintenues dans l’ombre.

Aujourd’hui, nous avons une vue d’ensemble de tout ce qu’il se passe dans le monde de bon comme de mauvais. Certaines problématiques sont communes à plusieurs pays. Certains gouvernements font au mieux pour traiter voire enrayer certains problèmes, tandis que d’autres ne leur emboîtent pas le pas, et cette disparité creuse encore davantage le fossé des catégories socio-professionnelles. Partout, l’hégémonie des riches s’étend et les pauvres se multiplient. Extorqués, écrasés… ce sont, comme on les appelle : les esclaves modernes. Pour un salaire indécent, ils croupissent dans des bureaux fermés à longueur de journée, multipliant les maladies professionnelles de tous genres auxquelles n’y a pas de remède, si ce n’est de remettre en cause le monde du travail. Certains ermites viennent de là. Parmi eux, il y en avait qui occupaient des postes importants, jusqu’au jour où toutes ces contradictions et ces incohérences de la société ont fini par les dérouter. Alors, ils ont fait le grand saut, seul ou en famille loin de tout. Perdus dans les forêts luxuriantes, égarés sur une île paradisiaque, ils ont fait le choix de vivre une nouvelle vie en harmonie avec la nature, avec les règles qu’elle impose, qui étaient tout simplement le modèle standard de la vie originelle. Ils redeviennent peu à peu des chasseurs, vivent de la cueillette et de la pêche comme on le faisait autrefois. Survivre sans le confort matériel classique dans des conditions extrême n’est pas donné à tout le monde. Pourtant, c’est bien ce modèle qui a assuré la survie de l’espèce humaine jusqu’à ce jour.

Tout est contre nature, aujourd’hui. C’est pour cela que rien ne dure et que tout nuit. Le bonheur est d’être libre et soumis aux seules lois imposées par la nature. On ne peut se rebeller ni s’en affranchir, on les accepte de plein gré, car elles ont été conçues pour nous. La nature ne donne pas d’ordre, elle apprend à vivre, elle accepte de nourrir et de partager dès lors qu’elle n’est pas agressée. Le temps reprend sa place, l’essentiel est de se nourrir, le magico-religieux se dissipe peu à peu et libère des peurs morbides.

Cette forme de vie assainit le corps et libère l’esprit selon ses adeptes. Les tensions du travail ainsi supprimées, certains se portent mieux et prétendent ne plus tomber malades aussi souvent qu’avant.

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Quel impact pour la nature ?

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Si la nature leur fait du bien, le rendent-ils à la nature en retour ? Retourner au naturel avec les tendances liées au monde actuel est un défi et un enjeu majeur pour l’individu mais aussi pour l’environnement. En effet, l’idée est de ne pas souiller son nouveau milieu comme l’ancien monde d’où l’on vient, si vraiment le traitement infligé à la planète nous horrifiait. Il faut pouvoir tirer de la nature l’essentiel de ses besoins et introduire le minimum de choses néfastes à l’environnement. Or, cela ne s’apprend pas dans les livres de classe. Il n’y a pas d’école pour la décolonisation du système. Les déchets produits doivent pouvoir retourner à la terre dans un processus biologique organique simple et normal.

Les néo hippies de l’île de La Goméra, dans l’archipel des Canaries, sont régulièrement chassés par la police qui prétend qu’ils nuisent au tourisme et polluent leur environnement. Présentée de cette façon, ou pourrait rapidement adhérer à la critique en oubliant que de leur mode de vie, il résulte quand même moins de volume d’ordures produit par an et par quelques habitants. On oublie qu’ils n’ont plus de véhicule donc aucune empreinte carbone, ils ne prennent plus l’avion pour ceux qui sont devenus des sédentaires confirmés. Ils n’ont plus d’appareils électroménagers, pas d’électricité… N’ayant pas d’expérience en construction, certains débarquent avec un minima de confort, emportant matelas, accessoires plastiques… qui finiront un jour dans la nature mais cela reste encore dérisoire comparé aux déchets ramenés pas la mer qui souillent les côtes et ceux qui sont piégés dans les immenses gyres que forme le plastique accumulé au milieu des océans, et qui menacent la faune marine et notre alimentation. Pour une grande majorité de ces nouveaux ermites, nombreux ne sont pas complètement hors du système. Ils doivent y retourner de temps en temps, y travailler un peu, se faire de l’argent et  revenir, car ils ne sont pas complètement organisés et indépendants. Il faut l’admettre, on ne peut pas s’y soustraire aussi facilement qu’on le voudrait. Disparaître sans  laisser de trace, sans être déclaré vivant à l’état sauvage, c’est être déclaré mort au bout de quelques temps. Personne n’aimerait se retrouver avec un tel état civil. 

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Peut-on vraiment revenir à la nature ?

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C’est un souhait louable voire salvateur, on pourrait tous y gagner : l’homme et son environnement. Mais nous avons tellement été assistés au fil du temps que nous sommes quasiment dans l’impossibilité de tout faire en harmonie avec la nature, car nous n’avons aucune connaissance en matière de survie ni de plantes. Bêcher son lopin de terre, planter, attendre la récolte, pratiquer l’élevage… tous ces gestes perdus restent un art difficile à maîtriser. Notre éducation s’est éloignée de plus en plus de mère nature. Nous avons conféré le savoir à une élite qui nous donne ce qu’elle veut comme information. Nous avons appris à détruire la nature plus qu’à la protéger, si bien que nos gestes aujourd’hui pourraient tout aussi bien la ruiner davantage, si un flot important d’humains regagnait les clairières et les prairies désertes. Il ne sera pas facile de faire virer de bord ce tanker ni de le freiner dans sa course. La singularité technologique a connu une mutation trop rapide depuis l’avènement de l’ordinateur avec sa capacité à échanger et partager avec un autre. Nous sommes l’Ordinateur. Le monde a changé de façon exponentielle. Son nouveau visage est comme une matrice où nous nous promenons sur un circuit imprimé  à travers ses composants, allant jusqu’à falsifier la nature elle-même. Une abomination monstrueuse allant jusqu’à fabriquer une nourriture qui n’a rien de naturel, tout est chimique, copiant le goût et la texture de ce qu’il y a de plus naturel.

Il reste encore dans ce monde préfabriqué des communautés qui vivent loin de la civilisation moderne. Ce sont les derniers vestiges de ce monde. Les témoins qui prouvent bien que la vie est possible encore et encore de cette façon-là. Certains résistent à la mondialisation, d’autres se font absorber et finissent par disparaître. Toutes les difficultés majeures auxquelles ils doivent faire face résultent de nos  incivilités quotidiennes. Sécheresses persistantes, gibiers et poissons  qui se font rares, espèces animales et végétales en voie de disparition ou nuisibles à la consommation… menacent aujourd’hui la qualité de leur vie.  Nous nous complaisons si facilement aujourd’hui dans notre confort que rien ne laisse présager que retourner à la nature serait approuvé et ferait l’unanimité, même si le pouvoir était dans la main des écologistes. C’est aussi sûrement la raison pour laquelle, au suffrage déguisé, leur voix reste sans écho. Il y a cette peur qu’une radicalisation écologique n’entraîne un effondrement du système économique, une crise dont se passeraient bien les  capitalistes toujours à l’ascension du pouvoir.

Aujourd’hui, les manifestations pacifistes pour la protection de l’environnement sont devenues courantes et sont portées par une nouvelle génération sensible au legs et sachant que tous les soins apportés à la nature n’étaient qu’un écran. Cette avancée fulgurante de la singularité technologique aurait dû nous permettre aujourd’hui de mieux vivre en accord avec notre environnement. Notre objectif aurait dû être, en tout premier lieu, la protection de notre milieu, conserver et favoriser la bonne santé de notre biodiversité et notre habitat au lieu d’une poursuite effrénée de croissance interminable.

Mais en lieu et place, nous sommes en passe de créer une autre humanité en peine de son cadre de vie, qui aura tout le mal du monde à cohabiter dans son monde existant dans un milieu artificiel. Nous sommes dans une contradiction permanente dans tous les domaines qui impactent notre vie, notre santé et notre bien-être. Il faut effacer de nos mémoires les empreintes de prédation à la nature, le va-vite, les solutions à tout, car tout n’est pas problème dans la nature. L’ordre des choses naturelles est une chaîne qu’il ne faut point briser.

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Les parcs naturels nous font envier la pureté et la qualité de vie qui nous échappent un peu plus chaque jour : le paradis dont nous rêvons tous, même si nous sommes accrochés plus que d’autres à notre mode de vie. Il y a toujours mieux et nous le savons tous. Il y a toujours une carte postale, quelle que soit sa nature, qui révèle la nature profonde cachée en nous.  Combien de temps encore allons-nous pouvoir la sauvegarder de la cupidité sans pitié qui nous lie à notre fin inéluctable ? Encore une fois, il y en a quelques-uns qui ont accaparé le luxe de construire des complexes hôteliers pour garder l’homme proche de la nature économique plus que de la nature en elle-même en le berçant d’illusions, pour assouvir une curiosité, plus qu’un désir.

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©Pluton-Magazine/2019/Paris 16eme

Photopraphie : PXhere – libre de droits

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Par Georges COCKS
Ecrivain-poète-Romancier
Rédacteur Pluton-Magazine
Site :
www.cocksgeorges.jimdo.com

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