Un poème n’est rien
mais en beauté tu gagnes
Des rancœurs de la vase
éclosent des printemps
des soleils
des perles
du vent
La spontanéité glacée
des rues noires
évaporées brouillard
Des surgissements
comme ça
rougeoyants
et pleins de choses encore
« J’avoue que l’entreprise me semblait ardue, quasiment aucun éditeur ne se hasardant à publier de la poésie de nos jours. J’ai néanmoins fait un choix – drastique – parmi mes écrits, pour n’en retenir qu’une quarantaine, et envoyé le manuscrit à quelques éditeurs ciblés. Les éditions du Manguier, que je remercie ici pour la confiance qu’elles m’ont accordée, ont rapidement manifesté leur intérêt. Et suggéré, idée lumineuse, d’illustrer les textes. »
« J’ai tout de suite pensé à un ami peintre et plasticien, Romain Ganer, originaire de la Guadeloupe, artiste au trait et à l’imagination fulgurantes. Après avoir lu mon manuscrit, il a immédiatement et avec enthousiasme adhéré au projet. Romain n’a pas fait des dessins directement inspirés des poèmes, mais nous avons effectué des sélections successives parmi ses centaines d’esquisses et de dessins en recherchant ceux qui adhéraient à mes textes, qui pouvaient s’entremêler à leur sensibilité. »
« Avec les illustrations, mon projet initial a pris une autre dimension, bien que je n’aie rien changé aux textes. En poésie, j’écris de manière musicale, rythmique, sonore. C’est une mélopée qui se joue dans mon âme, destinée à être scandée, slamée, déclamée ou interprétée. Mais, miracle de l’écriture, les mots se reçoivent différemment en fonction des sensibilités. C’est ainsi que l’éditeur, lui, visualisait les poèmes, d’où sa suggestion d’illustrations. Idem pour le peintre, homme d’image, qui a une vision picturale du texte. »
« Et les poèmes, donc ? J’y ai mis de la révolte, de l’indignation, et même de l’effroi, face aux « Barbaries » du monde. Sa violence aveugle et son indifférence. Il y a de l’impatience aussi, et de la lassitude devant nos résignations, nos lâchetés face à l’état des choses. Par bonheur, on trouve aussi quelques lueurs, de l’espoir, de la beauté et de l’amour. Sa perte, également. Je conçois au final ces fragments d’écriture comme de modestes témoignages, des brins d’humanité, épars, puisés dans la chair de la vie. »
Philippe Triay, « Barbaries » (dessins de Romain Ganer) – Les éditions du Manguier, février 2016, 90 pages, 10 euros (disponible également sur Amazon)
Propos recueillis par CEO Dominique Lancastre
Crédit photos: Romain Nicolas
Illustrations Romain Ganer