Par Aurore Boyard
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« La justice est sinistrée » s’alarme Jean-Jacques URVOAS, titre le site de l’express. Fr. le 3 avril 2016. Ce n’est pas une nouveauté pour nous, avocats, qui ne cessons de dénoncer cet état de fait depuis plusieurs années. Des jugements qui ne sont pas imprimés faute de moyens pour acheter des ramettes de papiers, des greffiers qui achètent leurs propres fournitures, des experts non payés, des retours de dossiers de plaidoirie payants, etc…. Elle est loin l’époque où la France pouvait donner l’exemple d’une justice sereine et fonctionnelle.
Et oui, la justice est sinistrée et c’est un garde des sceaux qui le dit ! Ce problème est pourtant connu de nos dirigeants depuis plusieurs années, voire des décennies. Pénurie de magistrats, de greffiers, longs délais d’attente, multiplication des audiences à juge unique alors que la collégialité serait bienvenue, autant de conséquences qui impactent grandement le système judiciaire de notre pays.
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Alors quelle solution à venir ? Plus de crédits ? Une prise de conscience qu’il faut attribuer plus de fonds au ministère de la justice ?
Que nenni, voyons.
Mais la mise en place de systèmes visant à dé-judiciariser notre système en faisant appel à des notions nouvelles, inconnues du grand public telles que la procédure participative. Vous vous demandez certainement ce que c’est que cette chose là ! Pourtant, vous devriez le savoir, la profession d’avocat a communiqué sur cette nouvelle modalité de règlement des litiges l’an passé…. Ah, vous n’aviez rien compris…
Alors on recommence :
La procédure participative vise à vous permettre de régler un litige sans passer par la case tribunal. Comme l’explique extrêmement bien le site de l’ordre des avocats du Barreau de Tours, auquel vous voudrez bien vous référer pour plus de détails1, la procédure participative est un mode alternatif de résolution de votre différend, qui ne vous contraint pas à solliciter l’intervention d’un tiers, juge, médiateur ou conciliateur. Instaurée par l’article 37 de la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010, elle est aujourd’hui codifiée dans le code civil à l’article 2062. Elle consiste en la conclusion d’une convention entre les parties à un conflit et leurs Avocats, en vue de rechercher, ensemble, une solution constructive dans une démarche de discussion.
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Ce qu’il faut savoir est que l’exécution de la convention participative rend irrecevable tout recours devant le juge.
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Vous pensez que cela va vous coûter moins cher ? Pas forcément, les avocats sont des professionnels et il est normal de régler les honoraires, fruits de leur travail. En revanche, cela va coûter moins cher à l’Etat français puisque la justice ne sera pas saisie …. Enfin, pas à ce stade car en cas d’échec, retour au juge !
Cette procédure participative n’est pas le seul moyen pour l’Etat français de tenter de limiter l’engorgement des tribunaux : la médiation et la conciliation sont également mises en exergue dans notre législation depuis quelques temps. Le but étant d’éviter le recours au juge et donc de diminuer les coûts pour notre pays des Droits de l’Homme (il est utile de le rappeler à ce stade des débats).
Pourtant les français semblent être très attachés à leur système judiciaire et le passage devant le juge est autant attendu que redouté. Et rien ne pourra remplacer ce besoin nécessaire pour tout un chacun qui divorce un jour, qui doit faire face à un problème concret, ou pour une victime pour laquelle la condamnation pénale signe le début de la reconstruction.
Pourquoi changer un système qui a fait ses preuves ? Parce qu’il coûte très cher ? Ah bon, mais un Etat, cela se gère non ? L’anticipation, le « gouverner, c’est prévoir » qui nous avait été enseigné sur les bancs de l’école (enfin, de mon époque, bien sûr…. J’ai l’impression d’être un dinosaure !) n’était qu’un leurre ? qu’une phrase de style ?
Ah, je vis au XXIème siècle et il faut évoluer et faire basculer la justice vers l’avenir…Mais c’est quoi au juste la justice du XXIème siècle ? Lorsque notre précédent garde des sceaux avait effectué son tour de France pour expliquer ce que c’était, nous pensions tous que le quotidien des tribunaux allait être amélioré….
Et bien non, cruelle déception. Ô rage, Ô désespoir, comme dirait l’autre ( vous savez celui qui a écrit « Le Cid »2) ,on nous a expliqué comment nous passer d’argent que nous n’aurons jamais pour améliorer le fonctionnement des tribunaux.
Alors, nous sommes dans une impasse et justiciables, ne pensez pas que cela va s’améliorer. Il n’y aurait plus d’argent, nous répète- t’on inlassablement à longueur de temps, et tous les jours pour que nous le comprenions bien, et l’Etat français ne pourrait rien faire contre. La méthode Coué est d’une efficacité redoutable.
Ce qui est certain est que le monde judiciaire est en pleine mutation, et ce n’est que le début, mais nul ne peut anticiper ce qu’il sera dans dix ans.
Par Aurore Boyard
Pluton-Magazine
1 (http://www.barreaudetours.fr/le-rôle-de-lavocat/lavocat-et-la-procédure-participative),
2 Corneille, mais pas le chanteur…#