Aurora Borealis
Clovis Perrin est né au siècle dernier. Longtemps, il a exercé la profession de médecin
généraliste à Paris. Retraité, il vit dans la Loiret depuis de nombreuses années.
Le Temps court à Paucourt
Le temps court à Paucourt,
Pas plus qu’aux alentours,
Mais pour nous, à Paucourt,
Le temps paraît bien court.
Car depuis trois semaines, elle est là, douce Zette
Ayant quitté, navrée, sa belle Auvergne verte.
Et c’est bien, cette fois, son tout dernier voyage,
Le tout dernier chapitre de son court pèlerinage.
Une flèche l’a atteinte, comme elle rejoint l’oiseau,
Et le mal se cache quelque part sous sa peau,
Quelque part dans son corps.
De retirer cette flèche, ce cruel missile.
D’un unanime accord
Il fut considéré qu’il était impossible.
Que faire en un tel cas ? Prier Dieu ? Ou le Diable ?
Ou faire brûler des cierges ? Ou faire tourner des tables ?
Nous avons écarté ces choix déraisonnables.
Zette, maintenant, est là, comme un dauphin échoué,
Échoué sur la plage, en un lieu familier,
Où souvent elle vint, comme une amie très chère
Qui vient et qui s’en va, que jamais l’on ne perd.
Là, elle est accueillie par nos enfants chéris,
Accueillie comme une mère, comme la plus proche amie,
Avec diligence, sans religiosité,
Mais avec compétence, avec simplicité.
Dévouement, patience, sourire, complicité,
Courage dans l’épreuve, dans l’épreuve partagée.
J’admire la bonté que révèle cet accueil,
L’amour sans raison pour l’autre qu’on recueille.
L’amour que je vois là, qui est sans prétention,
Sans référence divine, sans justification.
Cet amour n’a besoin d’aucune explication.
Il est seulement l’amour.
Ça se passe à Paucourt.
Les Anges
Ne le saviez-vous pas ? Les anges sont parmi nous !
Rien ne nous les signale, pas même un seul bijou.
Pour être plus discrets, ils ont ôté leurs ailes,
C’est peut-être bien lui, c’est peut-être bien elle.
Leur venue est souvent tout à fait ordinaire,
Parfois inattendue, entourée d’un mystère.
Ils peuvent être mariés, ou bien ne l’être pas.
Ils font peu de chichis, mais ils sont toujours là
Prêts à vous écouter, et prêts à vous servir,
Si vous voulez de l’aide, ou seulement un sourire.
Aider les autres semble être leur unique désir,
Comment leur être utile, comment leur faire plaisir.
Certains pensent que les anges sont envoyés par Dieu
Dans un but très précis, pour nous dire ce qu’il veut,
Pour ouvrir un tombeau, la porte d’une prison,
Faire périr les méchants et secourir les bons,
Interdire l’entrée du paradis terrestre,
Annoncer une naissance par des hymnes célestes.
Mais je ne parle pas de ces messagers saints :
Séraphins, chérubins, et autres anges gardiens
Dont les images floues ne sont que les reflets
De ce dieu tout puissant qui aurait des valets.
Je pense à tous ces êtres qui comme nous sont de chair
Et mènent près de nous une vie ordinaire.
Ils ignorent eux-mêmes leur nature angélique,
Et ne sauraient que faire d’un titre honorifique.
Ils font avec conscience le métier qu’ils exercent
Et d’une vaine gloire jamais ils ne se bercent,
Car en tout ce qu’ils font, ils y mettent de l’amour
Comme les vieux paysans au moment des labours.
Si j’en parle aujourd’hui, c’est que dans la famille
Vivait discrètement, au pays des myrtilles,
Un ange véritable dont le temps se termine.
Qui est reconnu tel d’un avis unanime,
Mais moi, homme stupide ! tel un ange sans G,
Je n’y avais même pas une seule fois songé.
Que ferons-nous sans elle?
Si le brin d’herbe grandit, fleurit, jaunit et meurt,
Si le blé forme l’épi afin qu’il soit coupé,
Si même le séquoia, qui vit plus de mille ans,
Doit finir abattu, retourner à l’humus,
Et si même les montagnes, toucheraient-elles les nues,
Finissent rabotées par la pluie et le vent,
Si tout être vivant, baleine ou bien oiseau,
Lièvre, éléphant, ou petit vermisseau,
Si tout ce qui s’élève, grandit, s’épanouit,
Doit un jour se flétrir, décroître et disparaître,
Pourquoi donc, petit homme, voudrais-tu toujours être ?
La raison est : j’ai peur de ne plus être ici,
Avec vous, avec toi, avec tous mes amis.
Sans moi, que feras-tu ?
Sans moi, que feront-ils ?
Ne vous suis-je pas à tous indispensable ?
Et ne suis-je pas, au monde, l’être le plus précieux ?
Le plus beau, le plus sage et le plus courageux,
Bref, celui qu’attendaient la nature et les Cieux ?
Croire cela, me dites-vous, est faux et ridicule !
Ce que nous redoutons, c’est la mort de l’autre,
De celui qui nous aime, avec qui nous vivons.
Que ferons-nous sans lui ?
Que ferons-nous sans elle ?
Elle va bien nous manquer !
Auteur et illustrateur :
– Suzanne, neuf poèmes pour un départ,
« Suzanne – Neuf poèmes pour un départ », c’est un livre intimiste, touchant, tendre et émouvant, rempli d’amour que nous livre là l’auteur. En cinquante pages, neuf poèmes et douze illustrations, il aborde le douloureux sujet de l’accompagnement d’un proche aimé jusqu’à son dernier voyage.
Il en faut du courage pour les uns et les autres, pour ceux qui restent et celui ou celle qui va partir, pour vivre ces derniers instants dans la grâce.
Ce livre est habité par la sensibilité. Il émeut, touche, bouleverse et en même temps il fait qu’on se sent plus humain. Il fait voir la beauté qui habite chaque instant de l’existence et l’harmonie qui émane de paysages simples qui servent de cadre à nos vies.
Il est empli de délicatesse, de douceur puissante, d’évocation de la fragilité de la vie et du bonheur. Une fois que vous l’avez terminé, il reste en vous et continue à vous accompagner longtemps. Un pur joyau.
Illustrateur
– Tout ce qui vole n’a pas toujours des ailes, d’eMmA MessanA
– Le régime de Replète la sorcière, d’eMmA MessanA
– D’Est en Ouest, de Sylvie Ptitsa
Clovis Perrin
©Pluton-Magazine/2017
Une promenade en poésie/2017