Méghane MONATUS créatrice de mode pour les femmes petites.

Je suis Méghane MONATUS, 38 ans, je suis créatrice de mode pour les femmes petites (moins d’un mètre soixante-trois, confection  pour les tailles 32, 34, 36, 38, 40 et au-delà), la première en France qui dédie mes créations et tout mon travail pour ces femmes longtemps oubliées.

Je suis titulaire d’un bac électrotechnique et d’un BTS ATI (Assistant Technique d’Ingénieur)

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Ayant toujours eu une âme creative, en parallèle de mes études je developpais mes compétences en PAO (publication assistée par ordinateur), je faisais donc des flyers, des mises en page de magazines, du graphisme au service d’association comme, par exemple, le CM98 (Comité Marche du 23 mai 1998), entre autres, et j’ai travaillé après mes études en tant que graphiste et webdesigner.

Cependant, une question me trottait toujours dans la tête :  pourquoi les femmes petites n’existent-elles  pas dans le secteur de la mode ? pourquoi est-ce si  difficile de trouver des vêtements à ma taille ?

C’est parce que je me suis penchée en profondeur sur ces questions que mon avenir professionnel allait changer du tout au tout.

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PM :  Pourquoi avoir opté pour une voie tout à fait originale et il me semble totalement opposée à celle que vous aviez initialement prévue ?

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Il est vrai que rien ne me prédisposait à être dans le secteur de la mode, à créer des vêtements et bijoux de mes mains, ni même à faire des défilés, faire passer des castings, faire des shootings…

Parce que ça répond à un besoin personnel mais que je savais global, il fallait donc faire quelque chose.  Je pense que, quand on opte pour une voie qui vient du coeur, ça fait sens ! Qu’elle soit originale ou pas, elle a du sens, sinon elle ne cognerait pas à notre cœur ou dans notre tête. Le plus dur était de l’écouter et de se lancer dans l’inconnu.  Il fallait faire sortir de terre des solutions. Je n’avais pas de compétences dans le domaine de la mode, de la couture, ni dans celui du mannequinat, mon aspiration à vouloir que les petites femmes puissent avoir des vêtements qui les subliment, et qu’elles puissent être sur des podiums (à l’instar des autres) semblait tellement farfelue aux yeux des autres, mais moi ,cette idée  m’a poussée à l’action. C’est dans l’action qu’on fait surgir des solutions.

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PM : Votre parcours de styliste est original, car vous êtes autodidacte, comment est-ce possible ? Qu’avez-vous fait ?

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C’est vrai, je suis autodidacte et parfois je m’étonne encore des vêtements et bijoux que je parviens à réaliser avec mes propres façons.

Si on m’avait dit que je serais dans la couture, que je créerais des vêtements et bijoux de A à Z toute seule, je ne l’aurais pas cru! J’ai toujours trouvé fascinant qu’on puisse d’un tissu tout plat qui ne paie pas de mine faire un vêtement qui sublime le corps.

Comment ai-je fait ?

En fait rien n’était prémédité,  ce qui m’a amenée à la couture est d’abord un souhait, la volonté d’agir pour introduire les petites femmes dans la mode (Il faut rappeler que c’est un marché qui n’existait pas à l’époque, un concept qui semblait impossible).

Comme je ne connaissais rien dans ce domaine, ma logique me disait qu’il me fallait trouver au moins une action qui avait un rapport avec, c’était pour moi le dessin.  Consciente qu’une cause engendre un effet, j’ai décidé de me remettre à crayonner des robes que j’aimerais trouver en boutique destinées aux  petites femmes.

Les dessins une fois réalisés m’ont donné envie de les voir en tissu, en volume. J’étais persuadée qu’à partir d’un dessin, il était simple de réaliser un vêtement.  Mais les personnes à qui je m’adressais ne pouvaient rien faire sans patronage et pour ma part je ne savais même pas ce que c’était (rire) ! J’ai donc compris qu’il fallait que je me débrouille toute seule.

Ayant quitté quelques jours avant mon travail de graphiste, je me lève un bon matin avec une envie très forte de m’acheter une machine à coudre alors que je ne savais pas coudre ! J’ai tout de suite voulu confectionner mon premier modèle et là c’est révélée une véritable passion! C’est ainsi que j’ai commencé à créer plein de vêtements, sans patronage mais avec un grand engouement.

Il faut toutefois noter une cohérence dans mes études, en effet les cours de mécanique que j’ai eus me permettent aujourd’hui de savoir faire des patronages et les lire aussi, la créativité que je développais dans le graphisme, dans la mise en page, les montages vidéos, je l’ai développée pour mon site Internet, mes flyers et bien sûr pour mes créations de vêtements et de bijoux, mon logo, etc.  Finalement, tout cela m’a permis d’être autonome et polyvalente dans tous les aspects de mon entreprise en termes de savoir-faire.

D’ailleurs, petit clin d’œil… le lycée technique Jacquard était une école de couture.

 Et bien sûr, il y a le dessin, une activité que je faisais beaucoup étant enfant mais que j’avais abandonnée dans la période adolescente et que j’ai donc reprise du jour au lendemain justement. Toutes ces compétences « acquises » j’ai pu les mettre au service de mon grand vœu.

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PM : Vous remportez un trophée : le Prix spécial de L’UNOM..  Expliquez-nous en quoi cela consistait et quels étaient l’objectif et l’enjeu de cet événement ?

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Depuis 5 ans, il existe le Trophée des Entrepreneurs AFROCREOLE.  Ce trophée récompense les entrepreneurs africains et ultramarins, conscients qu’ils sont peu ou pas représentés dans l’entrepreneuriat. Pour ma part, encouragée par une amie à m’y inscrire, je l’ai écoutée sans trop y croire .

Je me suis rendu compte que l’année verrait l’anniversaire de mes 10 ans de couture et de combat dans le milieu de la mode. J’ai trouvé que ça avait étrangement du sens si je pouvais remporter un trophée, saisir une chance d’obtenir une certaine reconnaissance qui validerait une étape réussie d’une décennie.

Dans mon cas, j’ai eu l’honneur de recevoir le Prix Spécial de l’Union Nationale des Outre-mer. J’ai été très touchée. Cette reconnaissance me permettait de me dire qu’une étape était bel et bien franchie, visible au yeux de tous et reconnue, ça m’encourage fortement pour la suite.  D’ailleurs, effet du hasard ? j’ai signé mon bail pour mon atelier deux semaines plus tard.

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PM :Comment vous êtes-vous preparée ?

Je me suis prise au jeu de demander aux personnes de voter pour mon entreprise, la période des fêtes m’a aidée à voir du monde en peu de temps, aussi quelques bons amis ont été de véritables surpporters. Le plus touchant, c’est que beaucoup disaient que je méritais d’en remporter un. Il y a eu aussi tous les amis des réseaux sociaux qui ont joué le jeu et j’ai pu voir que les gens trouvaient mon travail remarquable.

Au fond de moi ,je sentais que je méritais cette reconnaissance aussi, ce fut un long chemin et ce chemin a été particulièrement difficile en ces 10 ans d’épreuves et de persévérance que cela a demandé. Pour moi, ce Trophée était la médaille que rêve d’avoir un champion.

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PM : D’où vous viennent ces inspirations ?

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Mes inspirations sont très liées au XVIIIe siècle, un côté princier et raffiné, mais aussi ethniques de par mes origines antillaises et mon métissage.

C’est difficile de savoir d’où elles proviennent, car mon environnement direct dans mon enfance n’était pas du tout relié à cela. Mais les appétences ou attirances innées  que l’on peut tous avoir sont très souvent mystiques, je pense.

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PM : Quel est le sentiment qu’on ressent après une victoire ?

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Si c’est une vraie victoire (une victoire que l’on a eue sans tricherie), alors c’est un sentiment de bonheur pur, un sentiment d’accomplissement, d’avoir realisé et de s’être réalisé pour apporter à la société une solution, une voie, un  parcours,  même si ce dernier était houleux. Cette victoire rend encore plus beaux tous ces moments difficiles et renforce le sens de la mission qu’on se donne, et le valide.

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PM :  Peut-on y trouver un message à transmettre ? Si vous en aviez un pour ceux qui ont peur de se lancer,  quel serait-il ?

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Oui, je pense qu’il y a toujours un message à transmettre,  quelle que soit l’expérience.

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Le message serait que même si nous n’avons pas les conditions dites nécessaires pour réaliser quelque chose, nous pouvons toujours décider d’entamer ne serait-ce qu’une action, cette action répétée produira un cheminement qui lui-même ouvrira de nouvelles circonstances.

Du dessin, je suis passée à l’apprentissage de la couture en autodidacte, puis à la confection de toutes mes créations, ce qui m’a ouverte à la photo, au shooting, à mon concept de mannequins Petite Taille et enfin aux podiums et au monde des défilés et aux créations sur-mesure, personnalisées et donc à des femmes petites qui se trouvent belles ou sublimées.

Une phrase que j’ai beaucoup appliquée dès que le doute m’assaillait ou dès que je me posais trop de questions était : « just do it. »

Une autre phrase sur laquelle je me suis appuyée est celle de Gandhi : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. »

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PM : Il me semble qu’actuellement vous avez acquis votre propre atelier ?

Oui ! J’ai enfin aquis mon atelier, je suis installée sur l’île Saint-Denis, un lieu agréable très prisé pour les JO qui approchent, et qui est en voie de devenir un lieu incontournable ! J’en suis très heureuse !

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PM : Quelles sont les prochaines étapes ?

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Eh bien, il s’agira de poursuivre mes commandes sur mesure, des défilés, de mettre en place ma collection série, de la faire fabriquer et la vendre en boutique et/ou dans mon atelier. Je prévois des cours de catwalk également, entre autres projets.

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PM :  Si on se dit rendez- vous dans 5 ans, où vous voyez-vous ? Qu’avez-vous accompli  ?

Dans 5 ans, je veux que mes créations soient vendues dans les 5 Continents, qu’elles descendent dans la rue fièrement portées par des petites femmes qui retrouvent confiance et estime d’elles-mêmes, que mon  concept de mannequin Petite Taille soit étendu dans le monde à tous les podiums

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Gagner ma vie avec mes créations est l’objectif que j’aurai réalisé dans les 5 ans.

En plus des créations personnalisées, des créations sur-mesure, je fais des retouches, je transforme de vieux vêtements à la demande de mes clientes et j’utilise aussi des vêtements qu’on me donne pour créer d’autres vêtements pour poursuivre le cercle vertueux du non-gaspillage.

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Je m’adapte à toutes les morphologies que je m’attache à sublimer.

Je reçois à mon atelier sur RV pour tout projet.

PM : Merci de votre disponibilité, Meghane

Reportage de Lomon Taïdes

Crédit photos: Paul Tomasini, Sergiu Tavitian , Laurent Rosemain

Lien: http://www.meghanem.com/

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