GRANDES CIVILISATIONS : LA RUSSIE À LA FOIS IMMENSE ET INTIME

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Par Phillipe Estrade-Auteur Conférencier

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Avec le plus grand territoire au monde à cheval sur l’Europe et l’Asie, du Grand Nord arctique au sud plutôt clément, séparés par l’immense Sibérie, la Russie n’arrête pas de fasciner. Sa culture et ses symboles envoûtent, car ses repaires de l’histoire ont marqué le vieux continent et le monde. Alexandre Nevski, Yvan le Terrible, Pierre le Grand, Pouchkine, les Romanov, le bolchevisme, l’Ermitage, le théâtre Marinski, le Bolchoï, la Place Rouge, la romantique Volga et tant d’autres symboles, la Russie est éblouissante, immense et intime à la fois. Elle marque plus que jamais notre époque et a toujours su retrouver sa puissance et son prestige malgré les péripéties de son histoire parfois sombre et souvent chaotique

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DE LA PRINCIPAUTÉ DE KIEV À LA PUISSANTE MOSCOVIE

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La Russie profonde est née dans l’actuelle Ukraine pour l’essentiel, une partie de la Biélorussie et de la Russie occidentale. C’est dans cette immense région d’abord occupée par les Sarmates, les Goths puis les Avars que s’est développé le premier territoire organisé au 9e siècle, la principauté de Kiev, sous l’impulsion des populations slaves localisées dans un premier temps autour du fleuve Dniepr, et soumis en partie par les Khazares depuis le 8e siècle. Les Slaves de la région étaient appelés Rouss par les Varègues, ce qui donnera le mot Russe. Un premier grand prince de Russie régna à Novgorod entre 862 et 879 après que d’autres populations se soient établies plus au nord autour du lac Ladoga dans l’actuelle Carélie, le grand nord de la Russie occidentale. Face à la prépondérante Novgorod, la principauté de Moscou qui n’apparaît dans les chroniques que vers le 12e siècle a constitué le plus puissant État de la Russie médiévale. Près de la Moskova, une première forteresse ceinturée d’une palissade de bois, un kremlin, vit alors le jour dans une bourgade habitée par des pêcheurs. Ce n’est qu’en 1263 que naquit la principauté de Moscou sous l’impulsion du prince Daniel, fils d’Alexandre Nevski.

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Moscou sous le joug des Tatars

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Au carrefour des steppes, le petit bourg fut d’abord un refuge pour les populations fuyant les hordes mongoles qui parvinrent à le piller. Ces peuplades barbares incendièrent les églises et les monastères en 1238, et la ville dut subir le joug des Tatars durant plus de deux siècles. En s’installant en 1326 à Moscou, le chef de l’église orthodoxe fit de la cité le cœur religieux du pays et offrit ainsi à la ville un prestige considérable. Mais l’immense steppe russe a toujours été une terre propice aux invasions. Aux Huns, Avars et Khazars, se succédèrent dans cette entreprise de pillage les tribus mongoles tatares unifiées par Gengis Khan. Elles s’implantèrent durablement pendant deux siècles, se fixant sur les bords de la mer Caspienne toute proche de la Volga, sans pour autant coloniser la terre russe. À plusieurs reprises au 14e siècle, Moscou fut la cible de nombreux incendies, et à la proie des flammes s’ajoutèrent des épidémies terribles. La ville fut même rasée par les Tatars mais sa reconstruction inspira la cité comme le nouveau symbole de l’unité et de la résistance russe.

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Une Russie forte avec Henri III et Yvan IV le Terrible

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Autour de 1500, durant le long règne d’Henri III, Moscou dominait la Russie occidentale et imposait sa souveraineté sans partage. Novgorod et toutes les provinces de la Volga tombèrent sous l’autorité du grand souverain. En se mariant avec Sophie Paléologue, la nièce de Constantin, dernier empereur byzantin, Henri III fit de Moscou la seule héritière de Constantinople. Il parvint à s’émanciper de la domination des Tatars dont le déclin en Russie devint irréversible. Cruel et d’un tempérament colérique, Yvan IV dit le Terrible succéda à Henri III.  Premier prince moscovite à être couronné tsar au 16e siècle, il fut incontestablement l’un des souverains les plus marquants et les plus actifs de la Sainte Russie. Il réforma le cadre judiciaire et l’administration contre les boyards, les barons locaux, un peu à l’image des rois capétiens dans le royaume de France face à leurs puissants vassaux. Il organisa un nouveau système fiscal et centralisa le pouvoir. Imprévisible, Yvan IV fut baigné durant toute son enfance dans la haine et les complots, et il en resta durablement perturbé. La nation était gouvernée d’une main de fer. En revanche, le souverain distribua des territoires à ses fidèles, exécutant sans pitié au passage tous les conspirateurs. De 1552 à 1556, ses armées avaient déjà soumis le royaume tatar de Kazan, conduisant le tsar à édifier Saint-Basile-le-Bienheureux sur la place Rouge à Moscou afin de marquer sa victoire et sa nouvelle autorité. Puis il parvint à pacifier ses frontières de l’Est pour préparer les futures conquêtes de la lointaine Sibérie et écraser au passage par le sang tous ceux qui s’opposaient à lui, y compris son propre fils qu’il tua dans un excès de colère. En 1885, le grand Répine immortalise la scène dans une toile sublime d’un réalisme éprouvant et saisissant, exposée à la galerie Tretiakov à Moscou. On est frappé par toute la détresse d’un père, le regard perdu, terrifié par son acte de folie.

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UNE NOUVELLE CAPITALE À SAINT-PETERSBOURG

Saint-Pétersbourg, fondée par le tsar Pierre 1er dit le Grand, a vu le jour dans des marécages sur les bords de la Neva, aux portes de la Baltique. Le tsar voulait ouvrir une fenêtre sur l’Europe, dans une région sans cesse disputée au royaume de Suède avec lequel les conflits armés étaient fréquents. La nouvelle capitale devint le centre politique et culturel incontournable de toutes les Russies. En regardant vers l’ouest, désormais, Pierre 1er fit de la Russie une puissance moderne, rivale des grandes nations européennes, notamment de la prestigieuse France. Les styles baroque et néo-classique retenus par les architectes et artistes français, suisses et surtout italiens firent de la ville un feu d’artifice de bâtiments colorés et délicieux marqués par le génie particulièrement fécond de l’italien Rastrelli qui a par ailleurs signé les grands palais de la ville et de sa périphérie, le Palais d’Hiver qui abrite aujourd’hui le musée de l’Ermitage, l’un des plus grands musées du monde avec Le Louvre, et le palais de Tsarskoïe Selo aux revêtements délicieusement bleutés. Les propos de Gogol, dans la nouvelle qui porte le nom de La perspective Nevski, sont plus que jamais d’actualité, en particulier depuis les ambitieux travaux de nettoyage et d’embellissement liés au tricentenaire en 2003 de la création de Saint-Pétersbourg. « Rien n’est plus beau que la perspective Nevski ; y a-t-il rien qui manque à la splendeur de cette artère, la reine de beauté de notre capitale », écrira-t-il. Percée en 1712, elle traverse la ville historique jusqu’à l’ancien Palais d’Hiver devenue le musée de l’Ermitage, sur les bords de la Neva.

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Impératrice de toutes les Russie, Catherine II  la puissante et l’éclairée

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On peut lui attribuer beaucoup de qualificatifs flatteurs mais c’est d’une main de fer qu’elle administra son immense territoire. Habile en politique étrangère, femme de caractère et libérée, elle collectionnait avec ivresse amants et favoris. Éclairée et mécène, Catherine fréquentait régulièrement et avec assiduité les grands noms de la littérature et de la philosophie du siècle des Lumières, entretenant une correspondance assidue avec Voltaire notamment et Diderot qui fit le déplacement à Saint-Pétersbourg. Elle lisait Montesquieu dans cette Russie où l’on parlait le français comme dans toutes les cours d’Europe au 18e siècle. Irrité par son indépendance d’esprit et de vie, son époux Pierre III la fit surveiller au palais de Peterhof mais elle obtint la déchéance du tsar, avec la complicité de son amant et de quelques officiers fidèles. Pierre III fut jeté en prison et étranglé probablement, précise la chronique. Elle régna donc sous le nom de Catherine II de 1762 à 1796 en impulsant une politique internationale dominatrice et ambitieuse. Avec la Prusse, elle démembra l’État polonais puis fit de la Russie une puissance dominante au Moyen-Orient. C’est encore elle qui enleva la Crimée à la redoutable Turquie. Toujours appliquée, stratège habile et manœuvrière, elle sut aussi jouer les médiatrices dans les conflits, en particulier celui qui opposa l’Autriche et la Prusse lors de la succession en Bavière. Sous son règne, plus de 500 000 km2 furent intégrés dans l’empire.  Devenue premier producteur mondial de fonte et de fer, la Russie doubla sa production industrielle mais malgré la volonté de développement et de modernisation, la misère et le système féodal bloquèrent l’émancipation du peuple dans cette période encore considérée comme l’âge d’or de la Russie. Les révolutions à venir couvaient dans la ruralité misérable et les villes où s’entassaient les pauvres gens.

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Les Romanov et la révolution bolchevique

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La dynastie des Romanov a régné sur la Russie de 1613 avec Michel III à Nicolas II, le dernier des Romanov exécuté avec sa famille en 1918. Malgré ses 2000 églises et monastères, Moscou demeurait une ville encore provinciale prudente et distante face aux idées nouvelles et libérales qui ébranlèrent l’intelligentsia pétersbourgeoise, notamment lors du mouvement des décembristes, une révolte impulsée en 1825 par des officiers éclairés et conscients de la grande misère du peuple russe. Le contexte de la première guerre mondiale sera fatal pour Nicolas II, dernier tsar de Russie. Difficultés de ravitaillement, grèves générales sur fond de paupérisme et de dénuement total, la Russie bascula dans la révolution. Lancée par les bolcheviks, celle d’octobre 1917 mit un terme au système féodal et abolit immédiatement la propriété foncière pour offrir la terre aux paysans. C’est le croiseur Aurore qui donna le feu vert de l’insurrection en lançant de son canon une salve d’artillerie en direction du Palais d’Hiver. Alors que le tsar, son épouse et ses filles disparurent assassinés et que Moscou redevint capitale de la Russie, le pays sombra dans une guerre civile jusqu’en 1921. Retrouvées dans un sous-bois isolé puis identifiées après bien des péripéties, les dépouilles du tsar et de sa famille furent ramenées à Saint-Pétersbourg en 1998 et inhumées dans le cœur de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, face à la Neva et au Palais d’Hiver. Le pays des Soviets et l’URSS stalinienne ont imposé la dictature du système communiste durant de longues décennies, jusqu’en 1989 où la chute du mur de Berlin résultant de la politique d’ouverture de Mikhaïl Gorbatchev parvint à faire tomber progressivement tous les totalitarismes communistes en Europe de l’Est.

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DÉCOUVRIR LA RUSSIE PROFONDE DE NOS JOURS

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Entre la douce Volga qui sillonne la Russie intime vers Ouglitch puis Yaroslav et les territoires rudes du Grand Nord, en terre carélienne, la richesse culturelle du pays est inépuisable. Au fil de l’eau, en empruntant les nombreux canaux créés de gré ou de force sous la terrible époque stalinienne, la Russie profonde se dévoile avec pudeur et permet de relier aujourd’hui Saint-Pétersbourg à Moscou. Sublime architecture de Saint-Pétersbourg, probablement l’une des plus belles villes du monde, que l’architecte Michel Pétuaud-Létang a comparé dans un ouvrage aux harmonieuses façades du 18e siècle à Bordeaux, de l’intendant Tourny, en quelque sorte le baron Haussmann de la capitale du Sud-Ouest. L’audace saisissante de la littérature, la diversité sublime de la peinture russe et la dimension architecturale éblouissante font du pays une adresse culturelle lumineuse.

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Roublev, Répine, Tolstoï, Pouchkine, Gorki, peinture et littérature, l’autre force russe

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Les grands noms de la peinture et de la littérature russe ont toujours fasciné l’Occident. Pays de l’iconographie religieuse, la « Trinité », icône que l’on vient admirer du monde entier, œuvre du moine Andreï Roublev exposée à la galerie Tretiakov, le grand musée moscovite, est un chef-d’œuvre unique réalisé vers 1420. Dans sa simplicité, cette icône admirablement conservée traduit l’espérance rayonnante et exprime le génie de cet homme de foi. Répine qui immortalisa la détresse d’Yvan le Terrible après qu’il eut tué son fils offre une toile poignante et désespérée, également visible à la galerie Trétiakov. Le classicisme et le romantisme furent florissants, les œuvres d’Alexandre Ivanov en témoignent alors que le réalisme qui devint le style dominant au 19e siècle capture la nature, les paysages, les rivières et fixent la personnalité des Russes. Le talentueux Kontchalovski a peint Pouchkine à sa table de travail, un portrait imaginaire que l’on peut découvrir également au musée Tretiakov. Puis, à la fin du 19e siècle, les Ambulants comme Sourikov et Polenov ont impulsé une peinture plus libérée des standards conformistes et embourgeoisés. Quant à la littérature russe, elle offre des monuments, tels Pouchkine, Gorki, Gogol, Tolstoï ou plus récemment Soljenitsyne qui dénonça dans  L’archipel du Goulag  l’enfer de la répression du système communiste. Pouchkine, issu d’un arrière-grand père d’origine africaine affranchi par Pierre le Grand est une véritable institution dans le pays. Il n’avait eu de cesse de dénoncer tous les abus. À l’âge de dix ans, cet homme brillant lisait déjà La Fontaine et Voltaire en français. Il demeure le poète et le dramaturge le plus lu et le plus cher au cœur du peuple russe. Enthousiasmé par la révolution, Maxime Gorki qui connut une enfance misérable et chaotique devint une référence de la littérature sous le joug soviétique. Soucieux d’améliorer le terrible sort de la paysannerie russe, Léon Tolstoï, autodidacte, a livré deux chefs-d’œuvre de la littérature mondiale  Guerre et Paix, fresque de la société russe sous la domination napoléonienne et  Anna Karénine, méditation sur la solitude et la tragédie de la vie.

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L’architecture en bois à Kiji, la perle de Carélie

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Découvrir Kiji et ses églises de bois nécessite un accès par bateau, seul moyen d’accéder à l’île proche du cercle polaire et située à la latitude du Groenland. L’air y est vif, même l’été où la température n’excède guère 15 à 18 degrés au meilleur de la saison, et à condition que le soleil manifeste un peu de générosité en perçant l’horizon voilé et violacé. D’ailleurs, toute la Carélie de la fin novembre aux premiers beaux jours d’avril vit repliée sur elle-même, car la Svir ainsi que les lacs Onega et Ladoga sont figés par le gel et les glaces épaisses. Les ours et les loups abondent sur ces terres de chasseurs et ces forêts de bouleaux et de pins du Grand Nord. À cette latitude, le thermomètre qui peut descendre au-delà de – 30 rend le pays rude, et dans les villages isolés uniquement accessibles aux scooters des neiges, seule la vodka peut réchauffer les âmes esseulées. Baignée par une lumière polaire exceptionnelle, Kiji possède l’église en bois la plus surprenante de toute la Russie, l’église de la Transfiguration intégrée au cœur d’un ensemble architectural qui offre un clocher carélien et une église de bois plus modeste, l’église de l’Intercession. Construite en 1714 et contemporaine de Pierre le Grand qui installa sa capitale à Saint-Pétersbourg en 1703, l’église de la Transfiguration, coiffée de 22 bulbes habillés d’écailles de tremble, se présente comme une pyramide à trois niveaux octogonaux superposés, réalisée sans le moindre clou… La légende rapporte les propos de Nestor, l’architecte bûcheron qui jeta sa hache dans les eaux glacées du lac Onega après qu’il eut achevé son ouvrage : « Cette église a été bâtie par moi, Maître Nestor. Il n’y en a jamais eu d’aussi belle et il n’y en aura jamais plus. » La couverture de tremble change de couleur selon la lumière et les caprices du soleil qui tarde toujours à percer le voile brumeux de cette région humide. Dans l’île de Kiji, quelques rares fermes isolées, un moulin à vent perdu qui résiste au vent, des isbas du 19e siècle encore coquettes et une vieille église de bois du 14e siècle, dont on dit qu’elle serait la plus ancienne église de bois de Russie, offrent encore à Kiji un dernier élan de vie. Une centaine d’habitants, pour l’essentiel affectés au musée et à l’entretien de cet exceptionnel patrimoine de bois, vivent ici et s’entêtent à passer le redoutable hiver russe, totalement isolés mais bien à l’abri dans leurs isbas chauffées par l’abondant bois de Carélie. À la belle saison, le visiteur pourra s’égarer sur les chemins sinueux, humides et verdoyants, autour de l’enclos paroissial. Là, il découvrira quelques jardins fleuris, délicieusement entretenus, des meules de foin et des baies rouges qui font de Kiji un petit paradis de la fraîche campagne russe.

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Le Kremlin et Saint-Basile, un décor de théâtre sur la Place Rouge

Moscou a engagé une grande toilette dans le début des années 90, qui vient de s’achever, comme le fit sa rivale Saint-Pétersbourg qui a fêté en 2003 le tricentenaire de sa création par Pierre le Grand, tsar de toutes les Russies. Après la réfection du Kremlin et de son prodigieux ensemble de cathédrales qui jouxtent le siège du pourvoir politique, la basilique Saint-Basile-le-Bienheureux, joyau posé sur la place Rouge dans le cœur historique de Moscou, a achevé une restauration totale en 2004 qui lui a redonné ses couleurs fraîches et un éclat insolent de beauté à en faire pâlir Yvan le Terrible en personne. La place Rouge s’inscrit aujourd’hui parmi les plus beaux espaces urbains du monde, probablement le plus coloré, flanqué du légendaire Goum de l’époque soviétique, transformé en galerie marchande de luxe où seuls les moscovites fortunés ont leur place, et du Kremlin aux murs italianisants de couleur rouge, admirablement rénové, siège du pouvoir central russe. Pour fermer cette gigantesque place, il y a justement Saint-Basile puis à l’autre extrémité le musée d’histoire et l’église de la vierge de Kazan, détruite comme sa voisine la porte de la Résurrection pour élargir l’accès à la place Rouge et favoriser les défilés militaires. Mais l’une et l’autre ont été admirablement reconstruites dans les années 1990. Les mille reflets des bulbes colorés et éclatants de Saint-Basile attirent comme un aimant. C’est Yvan le Terrible, encore lui, qui ordonna la construction de la basilique afin de marquer la chute du Khanat de Kazan en 1552, jour de fête de l’Intercession de la Vierge. À l’origine, l’édifice comptait huit coquettes chapelles dédiées aux saints patrons des 8 jours de la sévère bataille. Plus tard, en 1588, une neuvième chapelle fut dressée sur la tombe d’un simple d’esprit particulièrement pieux du nom de Basile, et la basilique prit le nom de Saint-Basile-le-Bienheureux. Le sommet de la cathédrale est hérissé d’un toit qui s’inspire de l’architecture en bois de la Russie rurale alors que les autres niveaux sont coiffés d’un dôme en forme de bulbe revêtu de couleurs saisissantes et alternées, aux tonalités bleues et blanches, vertes et rouges. Le tsar Yvan le Terrible aurait fait crever les yeux de ses architectes Postnik et Barma qui pourraient d’ailleurs n’être qu’un seul et même homme, afin de les empêcher de renouveler en d’autres lieux un nouveau chef-d’œuvre, une telle prouesse susceptible de concurrencer Saint-Basile. Lorsque les mille feux d’un soleil rouge au couchant se cristallisent sur Saint-Basile et que s’enflamment comme de la céramique de Chine ou de la faïence de Toscane les bulbes de la basilique, on mesure alors toute la grandeur des lieux et la beauté déroutante de ce fabuleux décor de théâtre.

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Philippe Estrade AuteurConférencier

Pluton-Magazine/Paris16/2019

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