Louis Schwizgebel-Wang

Louis Schwizgebel-Wang, le jeune pianiste sino-suisse aux doigts magiques, bientôt au Barbican Center.

Dans quelques jours à Londres, le 17 décembre à 19h30, nul doute que le Barbican Center attirera la foule des mélomanes pour une invitation BBC Symphony OrchestraBeethoven leur a donné rendez-vous (concerto pour piano n°4 en sol majeur) mais aussi pour voir et entendre l’une des étoiles montantes, le brillant interprète Louis Schwizgebel, jeune et séduisant virtuose de vingt huit ans.

Franz Josefovski, un professeur de musique qui a compté.

Fils d’un couple sino-suisse, Louis a de qui tenir, comme le souligne le journal helvétique Le Temps : « Ces parents-là, ont semé en leur enfant précoce des graines de talents multiples » et, de fait, tôt ils allaient déceler chez lui de réelles dispositions pour le clavier derrière lequel il se met rapidement. A neuf ans, Louis Schwizgebel intègrera le Conservatoire de Lausanne, ayant étudié auparavant en compagnie de Franz Josefovski. Ce sont les anciennes Galeries de commerce, dans le quartier de Saint-François qui abritent le Conservatoire dès 1990 mais il existe depuis 1861, avec pour mission l’apprentissage des amateurs de musique, celle aussi de former les futurs musiciens professionnels, là sous le label de Haute école de musique de Lausanne.

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Franz Josefovski, né d’un père viennois et d’une mère suisse, fut lui aussi comme Louis versé dans la musique dès le plus jeune âge. La suite de son parcours le conduit vers l’apprentissage des enfants et il dirigera de nombreuses formations, chorales d’enfants à Genève dans plusieurs écoles, les Califrenzies à Vésenaz, l’Echo d’Onex, la Chorale des Eaux-Vives, le Chœur de Vernier… chaque fois des dizaines de jeunes – mais pas seulement – sur scène, avec des répertoires prestigieux, du célèbre Carmina Burana, à la comédie musicale de Starmania, en passant par les Zigeunerlieder de Brahms, la Belle Hélène de Jacques Offenbach, des Messes, Requiem, célèbres… Mais, au départ c’est donc avec Franz, professeur de piano que Louis, le jeune élève, va perfectionner son apprentissage.

De qui tenir…

Il faut dire que le père du garçon, Georges Schwizgebel, était aussi d’une graine prometteuse (ses propres parents voulaient qu’il soit artiste…) et il est devenu en effet un grand cinéaste d’animation après s’être fait un nom dans le graphisme. C’est dès 1975 que ce domaine va captiver son existence. Des études de chinois à Genève, une bourse pour la Chine, Shanghai et aussi un visage qui va entrer de plus en plus dans son existence, celui de Yaping Wang rencontrée aux Beaux-Arts de Paris et à l’école de la grande ville chinoise. Ils se marieront, le petit Louis naîtra de leur union. Les besoins professionnels les conduiront régulièrement en Chine où Georges fait alors partie du jury de sélection pour le festival d’animation d’Hiroshima de 1988 et celui de Shanghai. En janvier 1990, Louis aura une petite sœur, Tina.

En Europe, en Suisse en particulier, le père a atteint une renommée de premier plan dans cet art à propos duquel La Folle encyclopédie du Cinéma d’animation rapporte que Georges Schwizgebel, plus que cinéaste, se définit comme un « créateur de peintures animées ». On est dans un cinéma d’animation à forte dominante picturale. Son travail a été primé dans plusieurs festivals du monde. Quoi d’étonnant alors si Louis aime la peinture et quand on a aussi une mère artiste peintre, Yaping Wang ? : « Je viens d’une famille de dessinateurs, de peintres, dès mon plus jeune âge je commençais à faire de la peinture avec mes parents et à m’intéresser aux arts visuels ».

Dans une itw accordée à Marc Zisman, à propos de l’enregistrement « Poems » chez Aparte, axé autour de « Gaspard de la nuit », de Ravel et empreint de résonnances littéraires, le jeune homme confie que pour lui tous les arts qui inspirent la musique sont indispensables et peut-être plus encore la peinture, les arts visuels mais aussi assurément la littérature, « Tout cela, oui, est important pour composer un programme ». Ses parents artistes sont mélomanes, rien d’étonnant alors s’il a commencé à pianoter, comme il le dit, tout gamin. Il se souvient en particulier de ce jour d’anniversaire, alors âgé d’à peine six ans, où un ami joua « La lettre à Elise », de Beethoven et cela l’impressionna tant qu’il eut envie bien vite de l’apprendre lui-même ; de là découla sa passion.

Un peu plus tard, la période difficile a été celle de pouvoir concilier école et piano mais on y est arrivé. Ensuite il y a eu la grande expérience consistant à quitter le cocon familial pour l’aventure à New-York où débuta le double apprentissage de la vie professionnelle et en solitaire. Car il ressentait le besoin d’aller vers une grande métropole.

« La Chine en Helvétie : un jeune virtuose du piano double-national ».

Dans son palmarès affectif, il a du mal à privilégier tel ou tel autre de ses nombreux professeurs car – dit-il – « ils ont tous compté pour moi ». L’écoute de la musique à la radio en famille, des disques surtout, tout cela a contribué également à son apprentissage tout au long de sa formation. Mais que ce soit à New-York ou ailleurs, il aime aller au concert, écouter, entendre les autres, d’autres instrumentistes. Et puis, il y a eu aussi le passage obligé par les concours. C’est difficile mais la reconnaissance du travail transite aussi par là…

Alain Arnaud, de la RTS, dit joliment qu’une « éducation à la chinoise » a contribué à faire du fils un pianiste virtuose, Louis, jeune prodige genevois du piano classique auquel il a consacré une émission dans les séries d’été de l’info, au titre évocateur « La Chine en Helvétie : un jeune virtuose du piano double-national ». Si le talent est une chose, le travail en est une autre. Beaucoup de Chinois sont des virtuoses c’est connu en effet mais Yaping Wang la mère reconnaît qu’une éducation « soutenue » là-bas, pour ne pas dire stricte, conduit en effet au succès un jour, ce qui fait sourire Louis car il reconnaît qu’aujourd’hui maman « ne l’est plus du tout, stricte, tant mieux !  ». Quand il était petit et qu’il a commencé le piano, là, ça ne rigolait pas !

Fin novembre 2015, dans un coup de projecteur sur ce jeune artiste né à Genève le 19 novembre 1987, Le Temps souligne le parcours exceptionnel du garçon qui à l’âge de 18 ans partait déjà à la conquête des scènes internationales, au lendemain de son 2 ème prix remporté au concours de Genève.

louis4Depuis, le pianiste saute souvent de New-York à Londres, car pour lui il est important de profiter de la vie musicale, si forte dans ces deux cités notamment mais c’est bien évidemment avec plaisir qu’il retrouve les siens et donne des concerts au pays. Et d’autant plus de plaisir que ça le change des hamburgers, car maman s’avère être aussi une excellente cuisinière… Une affection particulière pour l’Angleterre certainement car c’est à Leeds, dans le Yorkshire qu’il remporta en 2012 le 2 ème prix du Concours international de piano de la ville – une compétition parmi les plus exigeantes au monde – devenant aussi le meilleur pianiste suisse depuis cinquante ans (titre de la Tribune de Genève). Beethoven lui a porté chance, pari risqué, il avait pourtant choisi ce concerto pour piano N°4 dont l’interprétation n’est pas facile mais c’est une pièce de laquelle il se sent proche, elle lui permet d’être lui-même. C’est un concerto qu’il aime jouer. Eh bien, gagné ! Une TV pour le direct, la radio, la presse écrite, un large public désormais le connaîtra.

De grandes scènes internationales, des orchestres prestigieux, des publics conquis.

Mais au pays, il était déjà connu et apprécié : à dix-sept ans, il remporte le Concours international de Genève. New-York, ce sera deux ans plus tard avec les « Young Concert Artists International Auditions », ce qui le conduira vers la Juillard School de la ville pour se perfectionner chez Emmanuel Ax (notoriété dès 1974 à Tel-Aviv, avec le 1 er prix du concours Arthur Rubinstein) et Robert Mc Donald, travaillant aussi auprès de Pascal Nemirovski (pianiste français d’origine ukrainienne, de renommée internationale sur le plan d’une pratique pédagogique estimée). Quant aux nombreux orchestres prestigieux avec lesquels Louis depuis travaille, l’éventail en est largement déployé : Wiener Symphoniker ; London Philarmonic Orchestra ; BBC National Orchestra of Wales ; Hallé Orchestra ; Orchestre de la Suisse romande ; Sinfonieorchester Basel ; Orchestra della Svizzera Italiana ; Philarmonia Zürich ; les orchestres de chambre de Zürich, de Lausanne, de Genève ; l’orchestre National de Lyon ; Orchestra of St. Luke’s ; Detroit Symphony Orchestra et Shanghai Philarmonic Orchestra…Quand la question de sa double appartenance est posée au bel eurasien, il répond que c’est là au contraire un enrichissement ; bien sûr, il se sent suisse avant tout pour avoir grandi et étudié au pays natal, mais en Chine où il joue régulièrement c’est un plaisir pour lui et d’autant qu’il se débrouille quand même avec la langue. Il se dit toujours ravi d’y donner des concerts.

Il se produit auprès de chefs renommés, Charles Dutoit, Fabio Luisi, Marek Janowski, Louis Langrée, Leonard Slatkin, Sir Mark Elder, Thierry Fischer, Vasily Petrenko et Alondra de la Parra. Louis Schwizgebel participe à de nombreux festivals : le Verbier, Londres, Bergen, Mecklenburg, Cannes et son Midem. Il est accueilli dans de prestigieuses salles de concert, du Carnegie Hall de New-York, au Shanghai Oriental Art Center, en passant par Washington, Londres, Paris (salle Pleyel), la Suisse bien sûr, ou encore Vienne.

Une vision moderne dans Saint-Saëns.

Récemment, dans « ResMusica » du 9 novembre 2015, Victoria Okada a salué l’originalité du travail du jeune musicien avec l’exemple de deux célèbres concertos pour piano de Saint-Saëns (n°2 en sol mineur, op.22 et n°5 en fa majeur, op.103 « L’Egyptien »), soulignant leur difficulté d’interprétation (technique) pour parvenir à de bonnes versions qui sont plutôt rares. Eh bien, le jeune pianiste sino-suisse, écrit-elle, en propose une. Elle se livre alors à un décorticage détaillé de sa prestation pour un extraordinaire rendu tout au long de l’interprétation. Elle évoque sa perfection technique, son lyrisme évident. L’enregistrement réalisé (BBC Symphony Orchestra) rend le son du piano plus présent par rapport au reste de l’orchestre, de la performance sur scène découle une certaine fougue agréable à l’oreille ; dans « L’Egyptien », elle qualifie le jeune virtuose de coloriste, note que ses doigts « créent un visage différent pour chaque note et chaque passage, avec ses couleurs propres » qu’il a un réel sens rythmique ; elle applaudit à une partition qui swingue en quelque sorte (dans le 3 ème mouvement), pour nous dire en conclusion qu’on a là une vision moderne, dépoussiérée grâce à une « exécution éblouissante, pleine de fraîcheur ». Autre exemple : pour France-Musique, Louis Schwizgebel offre une lecture brillante du jeune Beethoven dont il a enregistré les 1er et 2ème concertos pour piano, avec le London Philharmonic Orchestra dirigé par Thierry Fischer. Eh bien – commente le chroniqueur de la radio du Service public – « c’est avec brio et la sensibilité qu’on lui connaît déjà que Louis Schwizgebel nous offre une lecture vivifiante du jeune compositeur et pianiste virtuose ». Voilà un talent bien établi.

Ce mois de décembre conduit le jeune homme au festival de Verbier (Allemagne) puis à Macao (Chine). Et il se produira donc à Londres le 17.

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« Louis, aux mains d’argent »…

Garçon discret, presque timide mais tellement expressif, il fait corps avec la musique sur les touches de son piano. Sa joie irradie. Sourire aux lèvres, il arbore souvent un visage radieux et semble danser avec volupté sur ses notes lorsque celles-ci appellent à l’allégresse, ou complice d’elles lorsqu’elles suggèrent la retenue, parce que le moment est à la nostalgie. Alors qui pourrait croire qu’un garçon si imprégné de musique puisse vivre autre chose à côté. Et pourtant oui, l’art de plier le papier, autrement dit les origamis qui lui permettent de belles et colorées improvisations. Et puis Schubert, en tête de ses compositeurs préférés aurait peut-être souri de le savoir aussi magicien à ses heures…Oui, car Louis aime les tours de magie, comme il le confiait alors en 2012 à la Tribune de Genève, parce que c’est sympathique, ça concentre autrement et que c’est amusant quand on est avec les amis. « Un musicien doublé d’un magicien » lit-on aussi dans TFM, Théâtre Forum Meyrin (Suisse) qui ajoute qu’au cinéma « le film pourrait s’appeler quelque chose comme Louis aux mains d’argent ». Doublement.

Fait-il toujours aujourd’hui origamis et tours de magie ? Vu son programme, rien n’est moins sûr !

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Pluton-Magazine

Rédacteur  Jean-Louis Lorenzo journaliste de radio et de télévision. Aujourd’hui retraité, il a exercé ce métier pendant près de 40 ans, aussi bien en France métropolitaine que dans les stations d’Outre-mer : Amérique latine, Afrique de l’est, Océan Indien. Il a longtemps exercé en Aquitaine où il fut rédacteur-en-chef de la station de Radio France (France Bleu Gironde). Il a publié plusieurs ouvrages, les trois derniers puisés dans le terroir bordelais.

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