Pluton-Magazine: L’on aurait pu penser que le mouvement de défense des droits civiques, la prise de mesures positives et l’élection d’un président noir auraient changé les choses aux USA ! Mais rien n’y fait ; on observe un statu quo sur ce thème. Pourquoi donc ?
Dr Maya Rockeymoore: Aux États-Unis, certains individus et institutions perpétuent les privilèges des Blancs, à travers la manipulation et les préjugés. Malgré les acquis du mouvement des droits civiques, ces préjugés contre les Noirs continuent à s’exercer de façon à désavantager les Afro-Américains et d’autres personnes de couleur. Leurs effets nocifs s’observent dans le domaine de la pauvreté, de la santé, de l’éducation et des statistiques de chômage. Bien que le président des États-Unis soit noir et qu’il ait accédé à la réussite, son succès individuel n’a pas entraîné de changements structurels et institutionnels pouvant faire une différence importante au sein de la population noire. Aux États-Unis, 80 pour cent des législateurs sont des hommes de race blanche qui contrôlent presque toutes les institutions publiques et privées importantes pour l’avancement socio-économique du pays. Cela signifie que les Afro-Américains et tous ceux qui se soucient de la promotion d’une société équitable ont encore beaucoup de chemin à faire pour démanteler l’orthodoxie du racisme anti-Noirs et le privilège systémique des Blancs.
Pluton Magazine: Cela semble étrange de le dire, mais dans les années 60, 70, 80, nous pouvions comprendre les événements. Mais pourquoi, aujourd’hui, aux États-Unis, continue-t-on à assassiner de jeunes Noirs ? Quand on a une vision extérieure et étrangère de ce qui s’y passe et de cette nouvelle forme de violence, il est très difficile de cerner la source du problème. Comme vous êtes docteur et spécialiste dans ce domaine, j’aimerais, dans le cadre de cet interview, que vous expliquiez aux Français ce qui se passe.
Dr Maya Rockeymoore: L’assassinat d’Afro-Américains innocents fait partie des mœurs aux États-Unis depuis la fondation de la nation. C’était une réalité pendant l’esclavage ; il a en été de même pendant la période de reconstruction qui a suivi l’esclavage. C’était un fait courant à l’époque de Jim Crow et cela continue d’être une réalité aujourd’hui. La seule différence entre hier et aujourd’hui, c’est qu’aujourd’hui, les gens ont des caméras vidéo dans leurs téléphones cellulaires et enregistrent ce qui se passe. Je pense aussi que certains américains blancs redoutent – consciemment ou inconsciemment – le président Barack Obama. Parce qu’un homme a réussi à accéder à une telle fonction, ils estiment que les Noirs « prennent le dessus » et ils croient que leur « mode de vie » – un système politique, social et culturel qui leur a permis de renforcer et de maintenir artificiellement leurs privilèges – est menacé. Cela a accru les effets réactionnaires de notre société et c’est pourquoi vous voyez tant de haine et d’intolérance en Amérique en ce moment.
Je recommande à ce sujet le très bon livre du Dr Algernon Austin, titulaire d’un doctorat et travaillant dans mon organisation.
Il s’intitule America is NOT Post-Racial: Xenophobia, Islamophobia, Racism, and the 44th President (L’Amérique n’est PAS post raciale : la xénophobie, l’islamophobie, le racisme, et le 44e président).
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