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Le deuxième volet d’embarquement immédiat nous emmène aux Etats-Unis à La Conner, petite ville entre Seattle et Vancouver. Pluton-Magazine a demandé à Annabelle Vergne, de FrenchTranslationsPlus pourquoi elle a quitté la France
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Il est vrai que ce qui a vraiment été le déclencheur pour moi, ce sont les différents séjours prolongés que j’ai faits dans le Sud-Ouest des Etats-Unis, puis dans le Pacifique Nord-Ouest.
Ma première visite, alors que je vivais encore à Paris, a été inspirée par une exposition-démonstration de peintures de sable des indiens Navajos. Ces superbes peintures sacrées et éphémères qui prennent des heures à exécuter et qui sont immédiatement effacées après usage. Elles sont pratiquées pour des cérémonies de guérison, d’où leur caractère sacré. Je fus tellement fascinée que je suis retourné voir l’exposition à deux reprises. Peu de temps après, j’ai réservé mon premier billet pour le Nouveau Mexique. Ce premier séjour de 6 semaines fut suivi de plusieurs autres, au cours desquels je me suis liée d’amitié avec une famille Navajo chez laquelle j’ai passé pas mal de temps et avec laquelle j’ai partagé joies et peines.
Après une autre rencontre qui me fit également découvrir le Pacifique Nord-Ouest des USA, je finis par laisser derrière moi ma carrière de professeur d’anglais à l’Education nationale pour aller m’y installer en 2003.
Je me suis installée dans une petite ville côtière à mi-chemin entre Seattle et Vancouver, où se côtoient trois communautés, les fermiers, les artistes, dont beaucoup sont arrivés de Californie dans les années 70, et les nations et communautés amérindiennes locales, autre découverte enrichissante pour moi, car leurs coutumes et cultures sont très différentes de celles des amérindiens du Sud-Ouest.
Les amérindiens du Pacifique Nord-Ouest des USA subsistent essentiellement de la pêche au saumon et au crabe. Le saumon surtout. Leur saumon fumé est très différent de celui que l’on trouve en Europe, extrêmement riche et raffiné et fumé à la manière traditionnelle. Les casinos sont également une source non négligeable de revenus pour certaines de ces communautés. La communauté tribale de notre petite ville joue également un rôle important pour la préservation de notre environnement, notamment la préservation de l’habitat du saumon.
Ces rencontres, et les amitiés qui en découlent, m’ont appris à observer, à écouter, à ne pas juger, la patience. Cela m’a aussi donné une vision rapprochée du point de vue de ces peuples, dont certains nourrissent encore une grande méfiance vis-à-vis des « anglos ». Comme le dit mon partenaire qui est Inupiaq natif de la région arctique de l’Alaska, et qui considère qu’il est en pays occupé, lui « n’a jamais signé de traité avec le gouvernement des Etats-Unis ».
De formation littéraire, aujourd’hui je travaille à mon propre compte comme traductrice et je me spécialise entre autres en environnement, développement international, et médecine. Je travaille chez moi, j’aime le travail de recherche, l’indépendance, même si cela m’a pris un peu de temps de m’habituer à l’esprit « entrepreneur ». J’ai installé mon bureau chez moi, pas de trajet pour aller au travail, ce qui réduit considérablement le niveau de stress. Et la vie dans une petite ville comme la nôtre (908 habitants) est assez tranquille ! Je peux travailler de n’importe où en fait, du moment que j’ai une connexion internet pour communiquer avec mes clients.
Comment je vois cette France de l’étranger est une question complexe. Du point de vue personnel cela reste bien sûr une partie de moi, à laquelle je suis profondément attachée, même si je vois des évolutions pas toujours plaisantes dans mon pays d’origine. Je suis suspendue aux médias sur internet quand il s’y passe quelque chose – J’ai choisi de vivre sans télévision depuis mon arrivée ici – et je me sens toujours profondément concernée par les événements, parfois inquiète.
Je n’ai jamais regretté mon choix de venir vivre et travailler ici, et si je n’ai plus la sécurité de l’emploi ou les avantages sociaux que j’avais en France, ici j’ai la chance de vivre dans une région magnifique et de vivre des expériences que je n’aurais jamais connues autrement. Une chose que j’aime ici c’est la mobilité des gens, mobilité géographique et aussi professionnelle. Les gens changent de carrière plus facilement, se réinventent sans arrêt. Cela demande un certain courage, je crois, ou une disposition d’esprit différente.
Mon prochain rêve à concrétiser ? Partir avec mon partenaire en jeep jusqu’en Alaska pour y passer quelques mois, au printemps 2017 ! Et bien sûr dans ces cas-là je pars avec mon ordinateur portable pour pouvoir travailler !
Propos recueillis par Dominique Lancastre
Copyright Pluton-Magazine/2016
Crédit photos: Annabelle Vergne