Charles Bukowski, 1920 – 1994. Alcoolique revendiqué, névrosé, suicidaire, libertaire, anticonformiste. Et écrivain. Surtout. Poète, nouvelliste, romancier, critique, l’auteur a exploré un peu tous les genres littéraires. À sa mort, à l’âge de 73 ans, il laissait une œuvre considérable aussi bien publiée dans des maisons d’édition ayant pignon sur rue aux États-Unis et en Europe, que dans des fanzines tirés à quelques dizaines d’exemplaires et des revues underground ou pornographiques de la côte Ouest de l’Amérique.
Ce personnage haut en couleur avait fait tous les métiers pour survivre (à savoir, surtout pour s’acheter des bouteilles d’alcool), en incluant celui de postier – dont il tira un récit éponyme – qu’il exerça durant une dizaine d’années. Il connut également la galère et la clochardisation, voyageant sans billets dans des trains et au petit bonheur la chance, au travers des vastes étendues américaines. Ses livres nous détaillent parfois crûment ses douleurs intimes, sa violence, ses rencontres improbables et ses joies aussi, sa rage de vivre malgré tout l’enfer du monde.
Carnet, écriture, alcool et musique
Ce n’est peut-être pas tout à fait vrai cependant, tant l’écrivain aimait volontiers la compagnie des femmes. Pas constamment, certes. Femmes que l’on retrouvait de façon récurrente dans ces catégories : (ex) prostituées, alcooliques, toxicomanes, caractérielles, psychotiques. Nul doute qu’elles ont irrigué l’œuvre de Bukowski qui les a célébrées à sa manière (fréquemment jugée sexiste), au point qu’il leur consacra un livre, Women. « La plus grande création artistique d’un homme, c’est d’être en mesure de faire jouir une belle femme », déclare-t-il dans Un carnet taché de vin.
« Quoique artiste, je ne réclame aucune pitié, aucune subvention du pouvoir en place, et je me fiche d’être compris ; je ne demande qu’une chose, qu’on nous fiche la paix, qu’on nous laisse profiter de la joie, de la souffrance et des doutes que nous procure notre travail, et si, après notre mort, après que vous nous aurez sortis de nos gourbis pleins de cafards, de rats, de fantômes et de cadavres de bouteilles, vous parvenez à tirer de nos livres des millions de dollars, tant mieux pour vous » (Charles Bukowski).
Ce marginal désenchanté ne trichait pas, et surtout pas avec lui-même. Les inédits publiés, comme ses autres écrits, sont remplis d’une lucidité ardente et parfois dévastatrice. Sans concession. Bukowski ne cherchait pas à plaire, il voulait faire œuvre d’écrivain, raconter des histoires, travailler sur les mots et le style. Le style et les mots, justement. « Pour avoir du style, il faut mettre sa peau sur la table. Le style, c’est l’homme nu. Le style, c’est l’homme seul perdu dans la foule. » « Les mots étaient des balles, des rayons de soleil, ils n’avaient d’autre but que de contrarier le destin et mettre un terme à la damnation ». In memoriam, Charles Bukowski.
Charles Bukowski, Un carnet taché de vin – Éditions Le livre de poche, 2015, 500 pages, 7,90 euros.