

Ce n’est pas un scénario même s’il pourrait l’être pour une belle histoire. C’est ce que vivent à travers le monde des millions de lecteurs qui se ruent sur les grosses sorties littéraires propulsées par une publicité agressive ; c’est le Marketing du livre, et les auteurs sont presque des stars d’Hollywood qui deviennent victimes de leur âge plutôt que d’être jugés pour leur plume !
9 nouveaux livres sont édités toutes les heures en France, soit 79 300 nouveaux ouvrages en 2010, dont environ 50 % de nouveautés. Une production éditoriale en augmentation depuis plusieurs années et qui n’a pas été ralentie par l’édition numérique. Le nombre de livres proposés par l’édition en France en 2011 était de 622.440 références. Il y a de quoi perdre la tête dans tout cela. Dans ce mélange, il y a de tout, du bon et du moins bon.
L’ancien patron de Fayard, Claude Duran, écrivain et éditeur, a publié un livre raillant son propre métier. Il lève l’omerta qui règne sur ce milieu. On lui reproche alors de cracher dans la soupe, et certains confrères estiment que « c’est l’hôpital qui se moque de la charité ».
Claude Durand lance la bombe : « Oui, les prix littéraires sont truqués ! »
Selon lui, les rentrées littéraires sont faites pour les prix. On pousse les lecteurs à lire en septembre et janvier. Au lieu d’avoir six semaines de vie, les livres nouvellement sortis auraient trois à quatre mois pour s’offrir au public ; ainsi les œuvres les plus vulnérables auraient plus de chances de ne pas être laminées.
La rentrée de janvier permet de sortir les livres d’auteurs déjà primés, ainsi que d’autres que leur éditeur ne souhaite pas voir étouffés dans la masse de septembre. Ces livres qui n’ont pas été faits expressément pour concourir, sont souvent conçus et élaborés avec plus de liberté, et c’est là qu’on a la chance de faire les meilleures découvertes.
Goncourt, Médicis, Renaudot, Femina …
Votre livre est truqué, le savez-vous ?


Il y a aussi l’écrivain quasiment gâteux, qui bâcle des livres de plus en plus mauvais. Tout le monde le sait, mais, finalement, la raison d’État prédomine et le patron de la maison parvient à convaincre les membres du comité qu’il faut se résoudre à publier son torchon, parce qu’il est juré ! Il faut alors concevoir un emballage médiatique destiné à vendre ce livre détestable à la critique et au public… C’est là que l’attachée de presse, chargée de promouvoir l’ouvrage, doit trouver « un angle » !
Comment dire à un bon auteur, auquel on est attaché, qu’il vient de rendre un mauvais manuscrit ? En général, on n’a pas à le lui dire, et c’est mieux ainsi. Il le comprend tout seul lorsqu’il récupère son texte accompagné de commentaires oraux ou annoté par l’éditeur. Cette démarche est valable lorsque le manuscrit est améliorable. S’il ne l’est pas, on conseillera à l’auteur de le fourrer dans un tiroir et de s’atteler à un nouveau projet avant de revenir peut-être à celui-là. La démarche est plus délicate.
Les bons livres sont là où on ne vous dirige pas, allez à la page suivante…
Noyer le poisson… ou le livre.
Les politiciens ne se contentent plus de mentionner les belles citations des auteurs, ils sont devenus des écrivains publiant ce qu’on peut appeler « les livres de la honte » selon l’auteur Georges Cocks, comme s’ils avaient besoin de ça, en noyant encore davantage les auteurs émergents dans un plat aigre qui se mange froid et qui ne s’apprête pas comme de la littérature. Pour lui, lorsqu’on laisse sa vaisselle ou un travail pour faire un break avec un livre, il ne faut pas que le lecteur ait le sentiment qu’il aurait dû finir sa tâche, ou prendre en main le quotidien du matin. Au contraire, la fin du livre devrait redonner de l’élan pour vaincre la procrastination.
On le sait, tout ce qui est cher est censé être de qualité, mais tout ce qui brille n’est pas d’or. Ne vous arrêtez donc pas à la seule couverture d’un livre, ne gâchez plus votre instant privilégié avec la lecture.


Georges Cocks
Secrétariat rédaction Colette Fournier
Article rédigé à partir des propos recueillis par NICOLAS UNGEMUTH en 2010, avant la disparition de Claude Duran
Merci à Pluton Magazine de lever un tabou majeur concernant les modalités de distribution des bons points pour récompenser « les meilleurs » sur le plan littéraire. Le scénario décrit est d’ailleurs en tous points comparables à celui qui existe au sein des concours de musique classique où la reproduction, le troc de voix… (là ce ne sont pas les éditeurs, mais les professeurs et les conservatoires) se rendent service mutuellement et… à tour de rôle. Laissez-vous aller à la découverte de très bons interprètes pas forcément très primés dans les « petits » festivals, « petites » salles. Evidemment, cela suppose de laisser s’exprimer son libre-arbitre. Car si le système dénoncé persiste, c’est parce que le lecteur (ou spectateur) préfère qu’on ait pré-mâché son avis, à mon sens, par habitude ou par défaut de confiance face à un art qu’il ne maîtrise pas.