Raphael LAPIN: « Ignorons l’impossible et faisons-le ».

 

 

Il s’appelle Raphaël LAPIN, il est guadeloupéen et, à tout juste 25 ans, il est en troisième année de doctorat de droit avec une expérience dans l’enseignement universitaire, en cabinet d’avocat et en cabinet politique. Il préside également l’Association du droit et de l’économie des collectivités d’Outre-mer, créée il y a tout juste un an, qui publie la première revue spécialisée en droit ultramarin.

 

De son propre aveu, ce n’est pas évident de concilier toutes ces activités, mais il en est certain, avec une bonne organisation, peu de sommeil, des week-ends très studieux et surtout des proches très compréhensifs, rien n’est impossible !

978-3-639-48441-0-frontRaphaël est surtout un auteur engagé. Son premier ouvrage paru en février 2016 s’intitule De la libre concurrence et des départements d’Outre-mer. « Dans cet ouvrage, je recherche les causes et les solutions de la vie chère dans les Outre-mer et les moyens d’assurer au consommateur et aux petits acteurs économiques une protection qui devient plus que nécessaire ». Il y avait longtemps qu’il cherchait une bonne raison de traiter cette thématique. Il raconte que lorsqu’il était enfant, son père et son grand-père, tous deux enseignants, expliquaient l’histoire de France, l’esclavage, ses abolitions et ses conséquences sur les structures économiques de ce qu’il appelle « mon pays », la Guadeloupe, et plus largement, des Outre-mer.

Plus tard, une fois en âge de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ces informations, il fait le lien avec les évènements de janvier 2009… Dans son ouvrage, il s’agit de « la Crise des 44 »(1). Cette période l’a particulièrement marqué, pour l’avoir vécue au premier chef… Il explique avoir lui-même obtenu un « Bac LKP » et en être tellement fier ! Pourtant, il décrit un véritable sentiment d’inachevé suite à cette grande grève. Les guadeloupéens, et plus largement les ultramarins, attendaient des réponses sur le fond, sur la structure économique du département : « nous en avons tant besoin ». Certes, des bribes de réponse ont été apportées en 2012 et en 2017. Mais selon lui, il faut encore aller plus loin, s’interroger sur les causes réelles du mal-être du consommateur et sur des solutions efficaces à ces questions. Suite à la publication de cet ouvrage, il crée avec des camarades ultramarins l’Association du droit et de l’économie des collectivités d’Outre-mer, qu’ils veulent concevoir comme un instrument d’accessibilité face à la complexité du droit en Outre-mer. Il explique : « Nous voulons inciter les Outre-mer à penser par elles-mêmes qu’elles existent ». C’est d’ailleurs le défi que l’association s’est lancé avec l’organisation d’un prochain débat qui se tiendra le 25 mars 2016 au Delaville Café, à Paris : Les Outre-mer dans les Présidentielles. « Nous donnerons la parole aux ultramarins afin qu’ils se prononcent sur l’avenir de leur territoire. Nous tiendrons un livre d’or de ces débats et le ferons passer aux décideurs publics. Nous avons de nombreux autres projets qui placent l’ultramarin au centre des débats et qui permettent de renverser les injustices. »

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Raphaël explique ressentir une certaine amertume face à l’injustice dans la répartition des richesses qu’il observe chez lui. Ce malaise lui revient « en tête et au cœur » quand il prend du recul et regarde le monde tel qu’il va. « Comment ne pas éprouver cette amertume quand on sait que 95 % des richesses dans le monde sont détenues par une petite grappe de personnalités alors que nos parents nous ont élevés avec mon frère aîné et ma petite sœur dans un esprit de partage ? » confie-t-il. « Comment rester insensible lorsque des personnes meurent d’un certain côté de la planète sous les dalles de béton lors de l’effondrement d’une usine qui produit des vêtements que nous allons porter de ce côté-ci ? ». Mais attention, selon lui, il ne s’agit pas de faire revivre des théories marxistes en stigmatisant d’une part un peuple d’affreux possédants face à un peuple de bons prolétaires ou inversement.  « Loin de moi tout dogmatisme ! Il s’agit de proposer les bases d’un nouveau projet social, d’une aventure collective où l’humain n’est plus un simple acteur, mais est replacé au centre d’un système qu’il anime et qu’il encadre ».

Interrogé sur la faisabilité d’un tel modèle, il répond : « J’y crois comme un forcené et heureusement que j’y crois… Si ce n’était pas le cas, je resterais tranquillement chez mes parents à regarder pousser le gazon ou à écouter pousser mes cheveux. Je crois fermement qu’une société du bon vivre ensemble, qu’une société fraternelle est possible ». Ce n’est pas utopique, selon Raphaël, il faut juste que l’on cesse de s’autocensurer dans nos conceptions du possible. Avant de citer l’écrivain américain Marc Twain qui exhorte : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Raphaël convoque alors l’espoir : « Ignorons l’impossible et faisons-le ».

Sans titre301Ce sentiment d’injustice suscite la passion qui est la base de son engagement. En tant que juriste, il dit croire en la force du droit et être hanté par « l’affreux sentiment d’avoir la responsabilité d’œuvrer, à son humble niveau » pour que le monde évolue dans le sens d’une plus grande justice. Ce ne sont pas que des mots, mais aussi des actes, puisque durant les mois qui ont suivi la parution de cet ouvrage, il parvient à faire publier deux articles scientifiques. L’un dans la très convoitée Revue de Droit du Travail de Dalloz et l’autre dans la Revue des droits de l’homme. Ces deux papiers traitent de la manière de protéger juridiquement les droits de l’homme et l’environnement des impacts négatifs liés aux activités économiques et ce, à une échelle internationale. Raphael explique d’ailleurs que ce sont des sujets intimement liés à son sujet de thèse.

Selon lui, un autre ouvrage serait dans les cartons et devrait sortir très prochainement. Interrogé sur le fond de ce nouveau livre, il répond avec ironie : « La surprise devrait être préservée, si je me contente de dire que c’est un plaidoyer en faveur de l’ « émancipation«   d’un certain peuple ».

Propos recueillis par Dominique LANCASTRE

Secrétariat de rédaction Colette FOURNIER

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N.B (1) «  En 2009, les départements d’outre-mer ont été traversés par une série de manifestations contre la vie chère. L’archipel Guadeloupéen, où la mobilisation a été particulièrement féroce, a été bloqué durant 44 jours par un collectif de syndicats et d’associations dénommé le LKP « Lyannaj Kont Pwofitasyon », traduire : Solidaires contre les abus. Cette situation de crise a finalement trouvé une issue par la conclusion des accords Jacques BINOT (du nom d’un syndicaliste guadeloupéen décédé au cours des manifestations), convention pluri-partite entre l’état et les partenaires sociaux. Sur le plan légal, les conséquences de cette situation ne sont venues que bien longtemps après avec la fameuse loi de régulation économique outre-mer du 20 novembre 2012. Sur le plan sociétal, les évolutions se font encore attendre. ».(R.L)

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2 comments

Article très intéressant sur ce jeune passionné, engagé et inspirant. Ce type de profil qualifié et conscient de nos enjeux devrait davantage être mis en avant. Merci à Pluton Magazine.
PS : le teasing de son prochain ouvrage éveille ma curiosité ! Bravo !

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