Une promenade en poésie (3): James Noël.

En un fracas.

Des murs, des murs, encore des murs James noël,

nous invite à sa Migration des murs. 

 

La Migration des murs

 

Ce n’est pas tous les jours

qu’on parle des murs

Attention sujet tabou

Là-dessus, c’est tout le monde

qui fait le mort.

EXTRAITS

Celui qui prend à sa charge un

problème si haut par le bas finira

par tout mettre à plat sur la question

des murs Par osmose et éboulement

inverses, il obtiendra la mise à mort

du plan de chantier et pourra graver le mot gravier,

le mot mortier sur

une stèle.

Les murs ont des agents doubles

et des cadres très haut placés sur le

marché Les murs ne pensent pas,

mais possèdent un lot de crimes

aveugles dont les auteurs intellectuels

se heurtent à la myopie de la justice

Les murs peuvent alors se dispenser

de penser, avec autant d’auteurs

intellectuels

C’est à exploser les tympans,

à contrarier les rires des

contremaîtres qui ne savent plus

ce que mesurent le mot mesure

et le monde de fer de la démesure

des murs Un mur qui tombe,

par principe, n’écoute pas de prière,

il emporte tout sur son passage

Jusqu’à nos jours, il n’y a que le mur

en état d’ivresse ou de chute libre,

qui sache calquer, sans catafalque,

le bruit écrasant de la mort

S’arc-bouter sur la vie, en prendre

ombrage sans laisser nulle place

au soleil S’arc-bouter d’un bout

à l’autre sur la vie, la chevaucher,

lui faire peur sous des kilomètres

de bétons armés Voilà de quoi est

faite la psycho d’un mur couché à plat

ventre sous le soleil

Le cœur est une chambre double

Et dans le domaine de l’amour, les

murs font chambre à part pour mieux

brouiller les pistes Ils prennent leur

pied au fur et à mesure que les corps

prennent racine dans leur décollage

sans décolleté, leur état second qui

monte haut et même parfois jusqu’au

plafond Face à l’orgasme, les murs

sont très sceptiques (ils haussent

les épaules sans craquement)

D’ailleurs, les murs n’aiment pas

cette courte échelle

James Noël

« James Noël, né en 1978 à Hinche (Haïti), est un poète aux visage multiples. Toujours sur un chantier, il est le maître d’œuvre d‘IntranQu’îllités (1), un monstre de revue. Contre les nouveaux défis qui nous menacent, il propose un enragement comme forme d’engagement suprême. Auteur d’une quinzaine de livres, il occupe une place emblématique dans les lettres haïtiennes contemporaines. Grand rongeur des méridiens, souvent entre deux avions, cet auteur polyvalent a sombré dans la prose depuis le séisme qui a frappé Haïti en 2010.

C’est à Rome, où il a vécu une année comme pensionnaire à la Villa Médicis, qu’il a frappé en premier ce pamphlet protéiforme contre les murs.

Il est aussi un rassembleur, doublé d’un passeur, qui avance sur le sable mouvant de l’imaginaire. En novembre 2015 est parue sous sa direction une anthologie de poésie haïtienne contemporaine regroupant 73 poètes vivants, dans la collection de poche Points Seuil. Deux de ses titres, Le Sang visible du vitrier et Le Pyromane adolescent sont réédités dans la même collection.

Ses textes sont souvent lus et interprétés par des acteurs et des musiciens comme Wooly Saint-Louis Jean ou encore Arthur H.

Noël vit à Port-au-Prince. » Galaade Editions

Pluton-Magazine/2017

 Copyright: Une Promenade en poésie/2017

 Photo slide: Le Palais Sans-Soucis (Haïti)

 Liens:

 –  https://www.franceculture.fr/emissions/poesie-et-ainsi-de-suite/poesie-et-migrations

 – http://www.rfi.fr/emission/20170205-james-noel

 Notes:

  • (1)  IntranQu’îllités (Revue artistique et littéraire dirigée par James Noël aux éditions Zulma)

     

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