High-Profile : Jean-louis DEBRÉ « Tu le raconteras plus tard »

 

Par Dominique Lancastre et Takeko Fujisawa.

.

« En politique, il y a beaucoup de copies mais peu d’originaux »

(Jean-louis DEBRÉ)

.

Député, ministre, président de l’Assemblée nationale, président du Conseil constitutionnel, politicien et écrivain accompli, Jean-Louis Debré est certainement l’une des personnes les plus influentes dans le paysage politique français. À l’occasion de la sortie de son dernier livre, qui fait grand bruit en ce moment, Tu le raconteras plus tard,  publié aux éditions Robert Laffont, nous l’avons rencontré dans le cadre de notre série High-Profile.

Personnage atypique et attachant, c’est dans le calme du salon de thé de l’hôtel Four Seasons George V que nous lui avons donné rendez-vous. Avant l’heure, ce n’est pas l’heure, après l’heure, ce n’est pas l’heure.  À 15 h précises, comme convenu, monsieur le président se présente à nous et il ne manque pas d’humour.

« Qu’est-ce que vous me voulez ? » me lâche-t-il.

Je prends la question avec le sourire, car la politique, c’est un peu être sur scène. L’entrée en matière est de circonstance, et pour avoir lu l’ouvrage, nous connaissons la grande liberté et le franc-parler de monsieur Debré.

Auquel cas je réponds : « Que vous me racontiez votre enfance, votre parcours ».

Enfance normale et plutôt calme avec un père politicien, mais Jean-Louis n’était pas destiné à faire de la politique. C’est à la suite d’une rencontre avec le général de Gaulle qu’il s’y est engagé. Des études de droit vont le conduire à la magistrature et à 15 ans d’exercice comme juge d’instruction à Paris pour traiter les dossiers du grand banditisme et du terrorisme.

Après 15 ans, j’ai décidé de m’engager en politique, dans la mesure où la démocratie et la République tournent le dos à la différence. C’est un engagement républicain et surtout le désir de se mettre au service de son pays.

Il se présente aux élections et il est élu. Se développe alors une grande amitié avec Jacques Chirac. Il devient son collaborateur et son ministre de l’Intérieur. Sans oublier que Monsieur Jean-Louis Debré a brigué la position de président de l’Assemblée nationale et de président du Conseil constitutionnel, comme nous le mentionnions en préambule.

Jean-Louis Debré est aussi auteur de romans policiers, mais également de nombreux ouvrages sur la République.

Les romans policiers sont souvent inspirés de sa carrière en qualité de magistrat et de juge d’instruction,  lors desquelles il a dû traiter plusieurs affaires importantes. Il écrit aussi sur l’histoire de son pays, l’histoire de la République et des oubliés de la République (Cf. Dictionnaire amoureux de la République). Et à l’écouter présenter ses œuvres, on sent toute la passion de l’écriture chez lui.

Jean-Louis Debré nous révèle qu’il écrit tous les soirs. Il considère cet exercice comme son jogging. 1 heure d’écriture chaque soir, donc une heure de jogging intellectuel, si l’on peut dire.

Au cours de sa carrière, il a rencontré de nombreuses personnalités, des vraies : Alain Juppé, Chirac, Sarkozy, de Villepin, ce qui l’amène à nous glisser cet extrait de son dernier ouvrage, Tu le raconteras plus tard :

En politique il y a beaucoup de copies mais peu d’originaux.

 

 

Tu le raconteras plus tard

 

Lorsqu’il décide d’écrire cet ouvrage, la vie politique racontée avec une grande liberté, il n’hésite pas à envoyer le manuscrit à Jacques Chirac qui, bien entendu, lui fait confiance et approuve sans vraiment lire l’ouvrage. Mais parce qu’il le connaît bien, Jean-Louis Debré n’hésite pas à le rappeler et à lui faire état de certains passages clés où il reprend ses phrases. À la suite de cet entretien, Jacques Chirac lui lâche « Tu le raconteras plus tard ». Jean-Louis Debré met donc de côté le manuscrit pour le publier plus tard. Et si vous vous demandiez la raison de ce titre, vous avez maintenant la réponse.

 

 

 

L’Assemblée nationale

 

Quand je lui demande quel est son plus mauvais souvenir de l’Assemblée nationale, Monsieur Debré voit le côté positif des choses et préfère évoquer ses meilleurs souvenirs.

En premier lieu, son élection, à la surprise de tous, comme président de l’Assemblée nationale, où il bat Edouard Balladur. C’était une confirmation de ce qu’il sentait, me dit-il.  L’ancien premier ministre serait battu car il n’était plus élu par le peuple, mais par des notables.

Deuxième bon souvenir.

L’effigie de Marianne affichée devant l’Assemblée nationale La Marianne de la diversité. Marianne est un symbole de la République, qui rassemble. Personne ne s’y attendait.

Troisième bon souvenir, le traité de l’amitié franco-allemand. Le rassemblement des députés allemands et français à Versailles. Les deux pays qui ont eu des affrontements historiques. Il ne pouvait pas y avoir d’Europe sans réconciliation. Ce fut un très grand moment et un souvenir dont il se rappelle toujours.

 

Le Conseil constitutionnel.

 

Quand il y est entré, le Conseil se prévalait de 10 décisions prises par an. Quand il en est parti, ce n’était pas moins de 180. Des chiffres qui résument tout le travail effectué. Et il est fier d’avoir pu contribuer à défendre les libertés constitutionnelles de notre pays.

 

Famille

 

J’ai reçu en héritage la République, je descends d’un arrière, arrière grand-père juif.

La République avait donné à ses parents un état civil et il lui en est reconnaissant.

J’appartiens à une famille qui avait pour ami un peintre qui était ami d’Émile Zola (Dreyfus). Une famille qui a fait la résistance pendant la guerre.

Je suis le résultat de tout cela, je suis le produit de tout cela et c’est un rêve d’avoir à partager tout cela. Ce n’est pas difficile  d’être  ce que je suis. Je suis heureux.

 

Sur le terrorisme :

 

À la suite des vagues d’attentats, il a fallu chercher la vérité et éviter les amalgames. La réalité s’appuie sur des faits et non sur les manipulations médiatiques. Il faut se rendre à l’évidence que derrière le terrorisme, mettre à terre la laïcité est le but des islamistes. Le but d’une religion n’est pas de façonner les individus.

Le terrorisme veut qu’on reconnaisse qu’il y a une seule religion et se sert de la terreur pour appliquer sa conception du monde.

Le rôle de l’État républicain est de garantir les droits et les libertés.

Le rôle de la République est de réduire les inégalités, assurer la sécurité, l’éducation, la formation.

Le voile intégral ne correspond pas aux valeurs républicaines et c’est pour cela que Jean-Louis Debré refusera toujours d’intervenir en présence de ce style vestimentaire.

 

Sur l’Europe

 

Pour construire l’Europe, il faut une harmonisation fiscale et une harmonisation du Code du travail. La monnaie unique est ce qu’elle est. Elle est là, nous devons nous y faire, mais il est assez anormal de voir des citoyens s’installer dans d’autres pays européens pour échapper à la fiscalité.

 

Et comme toujours, nous posons en fin d’interview un petit questionnaire à notre invité.

 

Le rêve : jouer au théâtre ou faire du cinéma. La politique, c’est se mettre en spectacle.

La gastronomie : je m’accommode bien des pâtes avec un peu de basilic et de l’huile d’olive.

J’adore le piment, je mets du piment partout.

J’adore le carry d’agneau de l’Île de la Réunion et j’ai une passion pour la choucroute.

 

Dominique Lancastre et Takeko Fujisawa

Secrétaire de rédaction: Colette FOURNIER

©copyright photo Takeko Fujisawa/Pluton-Magazine2018

©High-Profile/Pluton-Magazine/2018

Remerciement: Four Seasons Hôtel George V, Paris.

 Note:

Jean Louis Debré

     

 

Laisser un commentaire

*