Le meurtre d’Andy, relance d’une arme mortelle : l’indifférence

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Par Georges COCKS

 

Ce n’est pas un accident. Le corps sans vie est là, gisant au sol dans une mare de sang. La jeune fille presque nue, en larmes, a honte de regarder. Un homme est battu pour le plaisir, à cause de ses origines ou de sa couleur, ou de ses croyances. Tout cela se passe en direct sous l’œil des badauds qui interviennent avec leur smartphone, non pas pour appeler le 18 ni le 17 mais pour buzzer sur les réseaux sociaux. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi les gens ne portent-ils pas assistance à ceux qui sont en danger et préfèrent filmer la scène  ou fuir à grandes enjambées ?

L’affaire de Châtelet-Les Halles vient relancer encore le triste constat de l’indifférence totale qui s’étend partout. Une mère ne peut sécher ses larmes pour se consoler, car son fils serait peut-être encore en vie si on lui avait porté secours au lieu de regarder la vie fuir de son corps.

 

Les violences avec homicide progressent

 

Les services de police et de gendarmerie ont ainsi enregistré quelque 214.800 victimes en 2016. Les enquêtes Cadre de vie et sécurité (CVS), réalisées auprès de l’ensemble de la population, ont mis en évidence que « chaque année, autour d’1,1 million de personnes seraient victimes de telles violences (coups, blessures, gifles, bousculades, empoignades, et autres violences physiques) ». Soit environ 3000 par jour.  (Le Figaro)

Le rapport du Ministère de l’intérieur de  2016, paru en 2017, dresse l’état des lieux :

Les morts violentes sont à un niveau élevé en 2016 comme en 2015, en lien avec les attentats terroristes qui ont fait au total 238 victimes entre janvier 2015 et juillet 2016 ; il y a eu 892 victimes d’homicides en 2016, et 872 en 2015, contre 803 en 2014. Hormis cette circonstance, les homicides sont principalement commis dans le cadre de relations interpersonnelles et marginalement, à l’occasion de règlements de compte ou de vols ; près d’un homicide sur cinq est commis dans la cellule familiale.

Les violences physiques commises sur les personnes de plus de quinze ans continuent leur progression entamée en 2013. Cette progression est certes modérée : de 203 000 victimes enregistrées en 2012 à 214 800 en 2016.

Le nombre de victimes d’homicide est en très légère hausse en 2016 (+ 2 %) alors qu’il avait progressé de 9 % en 2015. En déduisant les victimes d’attentat, le bilan de 2016 est en hausse de 11 % après une baisse de 10 % en 2015 : l’année 2016 se situe au même niveau que 2014.

Les classes d’âge

 

Les plus touchées sont les 15-29 ans et les 30-44 ans avec un nombre de victimes proche de 0,02 pour 1000 personnes dans ces tranches d’âge. Les hommes entre 15 et 44 ans sont 2,5 fois plus exposés que les femmes du même âge. L’écart se resserre ensuite, avec sans doute le changement de contexte des faits et notamment la hausse progressive de la part des homicides intrafamiliaux.

Presque un homicide sur cinq, hors vols et règlements de compte, a lieu dans la sphère familiale, une proportion qui grimpe à 55 % dans le cas des homicides d’enfants de moins de quinze ans (7 % du total des homicides) et 32 % dans le cas des coups et blessures volontaires suivis de mort (17 %).

Contrairement à ce que l’on peut croire et qui est crié sur de nombreuses tribunes : la grande majorité des personnes mises en cause pour homicide en 2016 est de nationalité française (86 %).

 

 

 

Un comportement dubitatif

 

Pourquoi assister à une scène sans intervenir ?

 

Cela semble incroyable, mais c’est vrai chez l’homme. Contrairement aux animaux qui se protègent des prédateurs par instinct de survie en adoptant un comportement grégaire, qu’ils vivent en troupeau ou solitaires. Selon Nietzsche, l’instinct grégaire chez les humains est comme une obéissance aveugle au groupe et il considère que « La moralité n’est que l’instinct grégaire individuel ». Le bon comportement grégaire dans la société humaine est le plus souvent en action lors de la survenance de catastrophe naturelle. Les hommes deviennent alors solidaires avec la vie, se mettent en danger sans même réfléchir, perdant même la vie en voulant sauver autrui. Cette attitude spontanée pourrait être le début d’une réponse probable à l’indifférence. L’individu peut, à ce moment-là, visualiser le danger, en percevoir la maîtrise en fonction de ses capacités physiques, car le danger ne réplique pas (sauf dans le cas d’un animal). Il suffit simplement de l’éviter ou d’en diminuer les effets, se protéger, par exemple, avant de rentrer dans des flammes.

Chez les humains, malheureusement, la peur de mourir à son tour, l’incapacité physique à se défendre de l’agresseur, le souvenir de courageuses victimes lancées à la défense de l’agressé mettent un frein net à cette prise de décision.

L’instinct grégaire se définit comme l’obéissance de l’individu à la masse, de manière aveugle et sans réflexion. Le concept si largement répandu de la pensée unique est un mal qui conditionne notre société, car elle prive les humains de réfléchir par eux-mêmes. La recherche moderne psychologique et économique a identifié chez l’Homme un comportement grégaire qui explique les phénomènes selon lesquels un grand nombre de personnes agissent de la même manière au même moment : on comprend mieux pourquoi les gens regardent passivement sans réagir. Tant qu’il régnera la loi du plus fort dans la civilisation humaine, ce genre d’acte de violence se perpétrera.

Nietzsche parlait d’instinct grégaire individuel. Cela pourrait bien expliquer, comme le montrent certaines études, pourquoi les individus se lancent spontanément au secours de l’autre quand ils sont seuls. En groupe, l’un compte sur l’autre pour y aller et le mal est souvent déjà fait en un éclair. La peur de s’interposer inhibe la prise de décision immédiate.

Mais y aurait-il une autre raison pour expliquer cette indifférence morbide ?

Les individus sont également pris dans l’étau d’un système judiciaire de justice sans justice et sans application réelle de la justice. La loi condamne la non-assistance à personne en danger et pourtant on a l’impression que la camera ne filme que la victime et son agresseur et ne voit pas ces gens qui filment tout autour ou qui passent sans s’arrêter.

Par contre, l’injustice de la loi consiste à protéger l’agresseur face au volontaire courageux qui porte assistance et qui doit probablement faire preuve de violence pour maîtriser l’agresseur. Si par malheur, il le blessait à son tour sans intention de lui nuire gravement, la loi le condamnerait pour préjudice occasionné à l’agresseur. Pourtant, si ce malfrat n’avait pas décidé de faire du tort à autrui, en aucun cas un autre n’aurait eu à lui faire du tort. Cela semble logique pour tous, sauf pour la loi. Elle dit en quelque sorte que vous devez vous laisser attaquer avant de répliquer alors que l’individu a contre vous de mauvaises intentions. Il ne faut surtout pas le prendre à revers quand vous allez le surprendre en train de dérober vos bijoux ou votre Hi-Fi. Mais quand il sera surpris de vous voir, ne va-t-il pas tout simplement s’excuser poliment, déposer vos biens et peut-être allez-vous vous-même lui ordonner de tout ranger dans l’état où il avait trouvé les lieux et partir avec un petit coup de pied dans le derrière ! L’idée n’est pas d’inciter à la violence, mais de dénoncer les lois : pourtant, les individus réfléchiraient à deux fois avant de commettre des actes d’incivilité en sachant que leur victime a plus de soutien dans sa défense. S’il y a rixe entre deux personnes, c’est forcément que l’une d’elles a commencé la première.

Certaines lois de la législation française ont aujourd’hui encore comme base le Pentateuque où l’homicide était condamné fermement : œil pour œil, dent pour dent. Le meurtrier devait fuir car les parents avaient droit de sang sur lui. Ils pouvaient légitiment le mettre à mort s’il n’avait pas rejoint une des six villes de refuge prévues à cet effet et juger son cas s’il relevait d’un homicide volontaire ou involontaire.

Devrait-on condamner aujourd’hui l’indifférence des gens ou la violence des gens ? Devrait-on condamner l’indifférence quand le ministère de l’Intérieur badine en nous recommandant de nous protéger  alors qu’il se trouve en sous-effectif ? Il n’y aura jamais un policier comme ange gardien pour la moitié de la population.

Dans ce monde Misérable, il y a un grand besoin de Jean Valjean, capable de faire preuve de  bonté universelle avec la capacité que possède chaque être humain de s’améliorer. Utopie ou possibilité ? Le désœuvrement, l’exclusion sociale, le chômage, les inégalités, la hiérarchisation des classes… sont autant de facteurs aggravants, mais rien ne vaut plus que d’aider les gens quand ils sont dans le besoin. Si l’on commençait par de petites actions, on pourrait en produire de plus grandes spontanément.

 

 

Source : Interstat insécurité et délinquance en 2016 : premier bilan statistique

 

Georges COCKS

© PLUTON MAGAZINE/2018

Secrétariat de rédaction Colette FOURNIER

 

Source : Interstat insécurité et délinquance en 2016 : premier bilan statistique

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